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Musique : Heney, chantre de la tolérance et de la cohésion sociale

 

Avant de déposer ses valises en Europe où elle vit, l’artiste Heney, Henriette Nikièma à l’état civil, après Ouagadougou sa ville natale, a roulé sa bosse en Afrique et en Amérique. Possédant une double nationalité, néerlando-burkinabè, cette polyglotte a été secrétaire générale des Burkinabè vivant en Hollande. Dans la musique professionnelle il y a seulement quelques années, Heney a d’abord fait ses preuves dans bien de secteurs d’activités ici et ailleurs. Sa discographie se compose d’un album de 10 titres sorti en 2019. Il a été suivi de trois singles et d’un maxi. Nous avons rencontré la ressortissante de Kokologho dans nos locaux à Ouagadougou. Heney revient largement dans l’interview qui suit sur son parcours, les thèmes abordés dans ses compositions, ses projets…

 

Pour nos lecteurs, qui se cache derrière l’appellation Heney ?

 

 

 

Je réponds au nom d’Henriette Nikièma à l’état civil. Heney, c’est mon nom d’artiste. Il faut dire qu’avant de faire la musique, j’ai évolué dans des domaines professionnels assez variés. Titulaire d’un master en politique territoriale et développement durable de l’Université de Mans en France, j’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans des institutions internationales en Europe, précisément dans le domaine du développement et de la coopération. A la Haye au Pays-Bas, je me suis occupée de Programmes de développement de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, où je me rendais régulièrement. En 2008 j’ai rejoint la représentation de l’Union européenne à Ouagadougou où j’ai exercé comme gestionnaire de Programmes d’aide humanitaire huit ans durant. J’ai aussi été, de 2017 à 2020, coordinatrice d’un consortium de 11 organisations. Je me consacre actuellement à la dynamisation de mon association dénommée ATEL, qui œuvre pour l’accès des personnes vulnérables aux services sociaux de base.

 

Par rapport à la musique qui est une passion pour moi, j’ai travaillé à fond sur mon dernier maxi que j’entends promouvoir pour sensibiliser l’opinion à la tolérance et à la cohésion sociale.

 

 

 

Comment êtes-vous venue à la musique ?

 

 

 

De nos jours nous avons Internet et bien d’autres technologies de l’information et de la communication. Mais avant il y avait les soirées belotte dans les quartiers. Moi j’avais des frères qui s’y consacraient en même temps qu’ils diffusaient de la musique. Chaque fois j’écoutais et chantais. Cela me plaisait beaucoup. De là est venue ma passion pour la musique. Il a fallu d’abord faire ma vie, me construire une carrière, me marier et faire des enfants. C’est après tout cela que j’ai décidé de me lancer dans la musique.

 

 

 

Le milieu de la musique n’est pas facile, parce que le succès ne vient généralement pas d’un coup. Faites-vous autre chose en dehors de la chanson ?

 

 

 

Comme je l’ai signalé tantôt, j’ai évolué dans le monde du développement et de la coopération internationale. J’ai travaillé en Europe, au Burkina et dans plusieurs pays dans la sous-région, entre autres au Mali, au Ghana, au Nigeria…J’ai fini ma mission et maintenant je suis en train de faire la promotion de la musique qui me tient à cœur.

 

 

 

Dans quel registre ou genre musical évoluez-vous ?

 

 

 

Je fais du tradimoderne et je m’exprime dans ce registre dans un album de dix titres sorti en 2019 et qui s’appelle «Couleur de vie». C’est une œuvre qui a trait à beaucoup d’aspects de la vie. Je touche un peu à tout dans ma musique. Je chante la religion, le social, la femme, l’homme, l’amour, sans oublier les grands problèmes que notre pays traverse présentement comme l’insécurité, la cohésion sociale, question de dire comment faire pour sortir de cette situation. Je donne en fait ma petite contribution à la résolution de toutes ces difficultés du quotidien.

 

J’ai aussi essayé de faire sortir plusieurs singles et un maxi sur la cohésion sociale. Présentement je suis en train de me préparer pour un deuxième album.

 

 

 

Pourquoi le choix du genre tradimoderne ?

 

 

 

Ce choix parce que, comme je vous l’ai déjà dit, je suis Néerlando-Burkinabè, et à ce titre je trouve que le traditionnel est très intéressant. C’est une manière de traduire ma culture et de montrer qui je suis à travers la musique. Pour le moderne il faut dire qu’il y a une bonne partie de la population qui aime aussi ce genre et il faut donc satisfaire tout le monde en étant varié dans ce qu’on propose, faire ressortir ce que nous avons de beau, faire vraiment en sorte que chacun puisse trouver son compte. La dernière fois je discutais avec quelqu’un et je lui disais que le moderne est très intéressant, mais quand on va en profondeur on s’aperçoit que nous avons de très beaux instruments et avec le tradimoderne on peut bien les exploiter fortement pour intéresser le plus grand nombre. C’est pourquoi je me consacre à ce registre et pas uniquement au traditionnel. Cela, pour donner vraiment de la couleur à ce que je fais.

 

 

 

Mais dans ce genre tradimoderne, quelle est votre particularité ?

 

 

 

Ma particularité dans le tradimoderne, c’est de faire découvrir ma voix à travers ce que nous avons de valeureux. Je m’atelle à avoir un contact direct avec les instruments pour montrer que ce que nous avons est quelque chose de très bien. Il s’agit donc de faire un mariage avec le moderne. C’est une façon de cultiver, de savoir mettre les bonnes notes. Je mets en exergue tous les instruments que nous avons ici au Burkina pour communiquer à travers le merveilleux canal de la chanson.

 

 

 

Avez-vous des instruments que vous privilégiez ?

 

 

 

Ce sont essentiellement le bendré, le tam-tam, la calebasse. Je compte intégrer la kora et la flûte dans mes prochaines compositions. Je suis rentrée d’Europe il y a quelques semaines, et j’ai eu le temps d’échanger avec les gens afin de mieux utiliser tous ces instruments pour transmettre mes messages et ma culture dont je suis très fière.

 

 

 

Pouvez-vous nous présenter votre dernière œuvre en date ?

 

 

 

Dans le monde du développement et de l’humanitaire, j’ai eu à toucher du doigt beaucoup de choses comme les questions de santé, des réfugiés… J’ai donc voulu puiser dans la réalité des choses. Le Burkina Faso est différent de ce qu’il était avant et nous sommes confrontés à beaucoup de choses qui concernent tout le monde. C’est le cas par exemple de l’insécurité, et mon œuvre vise donc à passer des messages pour sensibiliser, afin d’aider à changer les choses. J’ai donc fait sortir dans ce sens un maxi qui s’appelle «La richesse de la différence». Je le dédie à toutes les personnes ayant souffert et souffrant dans leur peau et dans leur vie d’intolérance ou de toutes autres exactions dues à leur appartenance à une race, à une religion, à leur couleur de peau, leur ethnie, à leur handicap, à leur position sociale… C’est aussi une ode à tous ceux qui considèrent que la diversité, qui fait la différence entre les peuples, n’est pas une menace mais une richesse.

 

 

 

Nous sommes dans une période de pandémie de covid-19, malheureusement marquée par un ralentissement des activités dont celles culturelles. Comment comptez-vous piloter votre promotion artistique dans un tel contexte ?

 

 

 

Quand je suis rentrée d’Europe, j’ai tout de suite eu l’idée de rencontrer beaucoup de personnes qui pourraient éventuellement m’ouvrir des portes pour l’avenir. J’ai eu la chance de trouver des gens réceptifs sur mon chemin. Au Pays-Bas déjà j’ai envoyé mon œuvre au premier ministre qui l’a écoutée et a visionné le clip avant de me répondre. Je garde donc espoir de voir des portes s’ouvrir à moi là-bas aussi. Cela me permettra de montrer notre culture et de partager les mêmes soucis. Là-bas en Europe, le chantier est ouvert et ici aussi, c’est le cas avec déjà cette interview que vous m’accordez. Le clip passe sur certaines chaînes de télévision et j’en suis d’ores et déjà satisfaite.

 

 

 

Avez-vous des projets à court terme ?

 

 

 

Oui ! Je suis en train de composer en même temps que je rencontre les médias. L’occasion m’est donnée d’échanger avec les uns et le autres pour savoir ce qui est pertinent dans ce que je fais. Tout cela pour apporter ma pierre à la construction de notre cher Faso. Je suis très fière de mon pays et je pense que le Burkina a énormément besoin de moi, de nous tous pour son développement. Personnellement j’ai encore beaucoup de choses à proposer au public.

 

 

 

Quelles sont vos rapports avec ceux qui vous ont devancée dans la musique ?

 

 

 

Je suis Ouagalaise mais je viens de Kokologho. J’ai un frère là-bas qui a fait la promotion du Faso Dan Fani en Europe et qui y tient un festival depuis quelques années. En 2020 il m’a confié la coordination d’une trentaine d’artistes. C’est un grand festival qui magnifie le Burkina Faso. Par son truchement je suis en contact avec beaucoup d’artistes actuellement, et des réflexions sont en train d’être menées pour voir comment nous pouvons avancer ensemble.

 

 

 

De façon générale, comment voyez-vous l’avenir de la musique burkinabè ?

 

 

 

Le milieu artistique est très complexe. Personnellement je ne suis pas allée directement à la musique parce que si tu n’as pas quelqu’un pour te soutenir, un fonds pour travailler, c’est très difficile. Les Burkinabè n’ont pas encore intégré la donne que les artistes doivent être soutenus. Il faut à mon avis des cadres de concertation, des points focaux partout pour booster la création. La musique, c’est de l’art, et il faut mettre vraiment les moyens qu’il faut pour sa promotion, parce qu’elle reste un canal comme bien d’autres du développement d’un pays.

 

 

 

On accuse parfois à tort ou à raison le département de la Culture de ne pas faire assez pour les artistes burkinabè. Quel est vous votre jugement ?

 

 

 

Je pense que présentement il y a tout de même un changement dans le bon sens. Il ne faut pas être dans son petit coin et chanter chaque fois que ça ne va pas. Il est nécessaire d’approcher les décideurs pour comprendre les limites à leur niveau qui font que tout n’est pas rose. C’est pour cela que j’ai parlé tantôt de cadres de concertation qui impliqueraient toutes les parties prenantes.

 

 

 

Avez-vous un message particulier dans ce sens ?

 

 

 

Je dis d’avance grandement merci à tous ceux qui vont m’écouter et me suivre. Merci à la Rédaction de L’Observateur Paalga pour l’opportunité qui m’est offerte de m’exprimer. Cela permettra à beaucoup de compatriotes d’ici et d’ailleurs de me découvrir. C’est bien pour moi une porte d’entrée pour exposer les questions que nous traitons et qui sont d’ailleurs communes à toutes les sociétés partout.

 

 

 

Entretien réalisé par :

 

D. Evariste Ouédraogo

 

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