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Procès reconstitution de viol en Côte d’Ivoire: Un verdict qui soulève des questions

48 heures après l’indécent buzz, comme nous l’avons titré dans notre édition d’hier mercredi 1er septembre 2021, signé de la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI), la vague d’indignations et de condamnations continue d’agiter les eaux de la lagune Ebrié. L’onde de choc s’est propagée même au-delà, comme au Burkina où des internautes ont ressuscité sur les réseaux sociaux un extrait du passage de miss Burkina 2018, Cynthia Sankara, à l’émission « Rien à cacher » sur radio Nostalgie. Le même Yves de Mbella y tenait à l’endroit de la miss des propos dont la légèreté le disputait à l’obscénité.

Cette fois, le célèbre présentateur d’origine camerounaise est allé encore plus loin. Il a reçu lundi soir dans son émission «La télé d’ici vacances» un homme présenté comme un ancien violeur repenti. L’invitant à reconstituer à l’aide d’un mannequin des scènes de viol, l’animateur n’y est pas allé par le dos de la cuillère: «Tu attaques par devant ou par derrière ?»; «Montre-nous comment tu fais»; «Comment les choisis-tu ?»; «Mince ou avec des fesses ?»; «Est-ce que les femmes à qui tu faisais l’amour en les violant prennent plaisir ?»

Des séquences qui ont horrifié toute la Côte d’Ivoire et qui ont poussé la direction de la NCI à présenter ses excuses et à suspendre l’animateur, lequel aussi a battu sa coulpe sur son compte Facebook. Mais aux yeux de l’opinion, ce n’était pas suffisant. A ces réactions au vitriol est venu s’ajouter le coup de glaive de la justice qui s’est tout de suite saisie de l’affaire.

Le sulfureux animateur et son invité ont comparu hier devant le Tribunal de première instance d’Abidjan pour «apologie de crime et atteinte aux mœurs».

Le premier a écopé de 12 mois de prison avec sursis et de 2 millions de francs CFA d’amende assortie d’une interdiction de paraître sur le reste du territoire ivoirien à l’exception d’Abidjan, son lieu de résidence. Le second, lui, est ressorti avec une peine de prison ferme de 24 mois et 500 000 franc CFA d’amende.

S’il faut se féliciter de l’intervention rapide de la justice et de la condamnation de ce duo par qui le scandale est arrivé, on peut s’interroger sur l’équité du verdict.

Pour bien de personnes, Yves de Mbella s’en tire plutôt à bon compte, surtout pour quelqu’un qui est coutumier du fait avec un comportement et un langage qui franchissent souvent la ligne rouge. Parce que c’est lui qui a eu la malheureuse idée d’inviter un prétendu violeur récidiviste pour en faire un show télé, qui a encouragé ce dernier à reconstituer devant un public et en mondovision l’abominable acte, on pourrait le considérer comme l’instigateur, le commanditaire de ce flagrant délit. A ce titre,  il aurait dû écoper si non de la même peine, d’une sanction plus lourde que son invité. Son statut de présentateur vedette a-t-il plaidé en sa faveur ? Son coaccusé paie-t-il de façon rétrospective pour les viols supposés ou réels qu’il aurait commis dans le passé? Impossible de le savoir.

Au-delà des deux mis en cause, c’est toute la direction de la NCI et de la production de l’émission qui ont une part de responsabilité dans cette affaire. On peut s’étonner qu’un sujet aussi sensible ne soit pas d’abord passé par un filtre avant sa diffusion pour prévenir les risques de dérapages.

Espérons que, pour l’ensemble des médias ivoiriens et même d’ailleurs, ce scandale sera ce qu’on peut qualifier de «faute heureuse» qui aura valeur d’exemple à ne plus reproduire.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lelundi, 06 septembre 2021 11:46

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