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Procès contrebande de carburant : 47 prévenus pour une première phase

 

Hier 26 octobre 2021 s’est ouvert le procès de l’affaire de contrebande de carburant au pool ECOFI, entendez par là économie et finance, du Tribunal de grande instance Ouaga I. L’audience, aussitôt ouverte, a été suspendue pour reprendre le 16 novembre prochain non sans qu’on examine des requêtes de mise en liberté provisoire.  Sur la quarantaine de prévenus qui ont formulé cette demande à travers leurs avocats conseils, seuls deux humeront de nouveau l’air frais de la liberté : Sawadogo Abdoul Fatao et Sawadogo Abdoul Razack, tous élèves.

 

 

 

 

Le 23 septembre dernier, un communiqué du procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouaga I faisait état de l’arrestation de 72 personnes dans le cadre d’une enquête portant sur « un vaste réseau de contrebande aggravée de carburant et de blanchiment de capitaux ». Cette affaire a commencé à être audiencée devant le pool judiciaire spécialisé dans la répression des infractions économiques et financières, mais ne concerne que le volet contrebande aggravée de carburant pour l’instant. Etaient dans le box des prévenus pour cette première phase 47 personnes à qui il a été reproché, entre autres, ceci « contrebande aggravée de carburant ; mise en danger de la vie d’autrui ; complicité de contrebande aggravée ; spéculation illicite ». Passé la vérification de la présence des mis en cause et celle de la constitution des avocats conseils auprès de leurs clients, le président du pool s’est rendu compte que six d’entre eux n’ont pas d’avocats. Par la suite, il a voulu savoir si le dossier, enrôlé, pouvait être retenu pour jugement. Si certains avocats de la défense, la partie civile, représentée par la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY), et singulièrement le parquet ont  sollicité un renvoi à l’effet de mieux se préparer, la majeure partie des avocats de la défense, elle, était pour son maintien. Mais il a fallu que les différentes parties présentent davantage leurs arguments avant que le président et les membres du tribunal optent pour un renvoi sans toutefois préciser de date.

 

 

La prochaine étape a été la formulation des requêtes de mise en liberté provisoire par les conseils des prévenus. Ils ont invoqué, par exemple, des problèmes de santé, des raisons familiales, d’activités en berne, voire des questions de scolarité pour plaider leur cause. Ils ont aussi promis de ne pas se soustraire à la justice et d’être prêts à se présenter dès que le tribunal aura besoin d’eux. Morceaux choisis : « La détention est l’exception, dit-on. Nous, nous sommes prêts pour être jugés ce matin. C’est le parquet qui ne l’est pas. Si on peut lui permettre de mieux se préparer, permettez également à nos clients de jouir de ce principe cardinal qu’est la liberté » ; « Mon client est malade, je ne vous dirai pas ici les maux dont il souffre. Il était hors du pays pour des questions d’importation de riz et d’huile lorsqu’il y a eu la perquisition de son domicile. Il a appris sur les réseaux sociaux qu’il faisait partie des personnes recherchées par la justice. Il a pris contact avec nous, qui avons aussi pris contact avec le parquet et il est rentré au Burkina pour la manifestation de la vérité. Cependant il est souffrant, voici ses produits, nous pensons qu’il ne peut pas évoluer dans un milieu carcéral. Remettez-le en liberté provisoire et vous jugerez un homme vivant et viable. Il a des femmes et 12 enfants et ne saurait se soustraire à la justice, placez-le sous contrôle judiciaire et il passera même chaque heure pour signer » ; « Monsieur le président, permettez à Sawadogo Abdoul Fatao et Sawadogo Abdoul Razack d’aller à l’école qui a commencé depuis le mois de septembre ».

 

 

 

« Si vous les libérez, la société est foutue »

 

 

 

Du côté du parquet, on s’attendait à ce que ces requêtes soient étayées de dispositions légales au lieu qu’on avance des statuts de « père de famille » ou « de personnes à la barbe blanchie ». A l’écouter, la majeure partie des prévenus jadis à l’étranger ne sont pas revenus d’eux-mêmes ou, s’ils l’ont fait, c’est parce qu’ils étaient « à l’étroit ». Une manière de dire que la collaboration entre les polices de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a fait en sorte qu’ils n’aient pas d’autre choix au risque d’être renvoyés avec des « méthodes qui manquent de dignité », « ça été au forceps », a tonné le ministère public pour qui également la Maison d’arrêt et de correction (MACO) et son service de santé en particulier ne peuvent fournir que ce qu’il a. « Si ce centre manque de moyens adéquats, c’est parce que justement l’Etat est pillé à longueur de journée par des gens qui se mettent en marge de la société. Les prévenus qui le souhaitent peuvent faire des demandes pour aller en clinique ou faire des examens. « Si vous les libérez, la société est foutue », a martelé le garant des intérêts de la société sous les « hum », « hum », de l’assistance. Il a argué que le trouble à l’ordre public commis contre la société va continuer si les mis en cause bénéficiaient d’une liberté provisoire.

 

 

 

Après une suspension de 30 minutes pour délibérer, le président, qui avait auparavant écouté les propositions de dates de renvoi, a placé la prochaine audience au 16 novembre prochain. A l’exception des deux élèves, aucun des requérants n’a obtenu la liberté provisoire. Il a été également dit aux six inculpés n’ayant pas d’avocats de profiter du temps accorder pour en chercher.

 

 Aboubacar Dermé

 

 

 


 

 

Encadré :

 

« S’ils étaient à l’étroit, pourquoi Blaise Compaoré n’est toujours pas rentré ?»

 

(Me Batibié Bénao)

 

 

 

Réagissant aux propos du parquetier, Me Batibié Bénao, avocat de la défense, a souhaité que la juridiction croie à la bonne foi des demandeurs, affirmant qu’ils n’ont subi aucune pression avant de rentrer au bercail. « S’ils étaient à l’étroit avec la collaboration, pourquoi Blaise Compaoré n’est toujours pas rentré ? Et ceux qui sont au Togo ? », a-t-il demandé dans un tonnerre d’applaudissements qui a fait exiger par le président le  silence. L’évacuation de la salle et la tenue du procès à huis clos seront envisagées en cas de récidive. Pour le procureur, « nous ne sommes pas au tribunal militaire, et Blaise Compaoré n’est pas le justiciable devant ce pool ».

 

A.D.

 

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