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Une Lettre pour Laye : L’Obs. : En attendant le jubilé d’or

 

Cher Wambi,

 

Question à un tik-bônko (ndlr, le petit canari de dolo). Que te rappelle la date du 28 mai ? Ne va pas chercher loin, dans l’histoire du monde ou de l’Afrique. Il est vrai qu’avec l’âge, la mémoire n’est plus aussi fraîche qu’avant mais tout le monde peut oublier, sauf toi. C’est en effet le 28 mai 1973 que L’Observateur, qui deviendra plus tard L’Observateur Paalga, a été créé, devenant alors le premier quotidien privé illustré par la photo de Haute Volta.

 

 

Demain samedi le journal souffle donc ses 49 bougies. Hier encore, ton oncle Nakibeugo me contait les débuts difficiles de cette épopée, comment ils ont trimé jusqu’à trois heures du matin cette nuit historique du 27 au 28 mai 1973 pour sortir le premier numéro et comment les jours et les mois suivants, ils ont dû cravacher pour maintenir en vie le bébé qui venait de naître. Dieu merci, grâce aux bons soins de ses géniteurs et de bonnes volontés, il apprendra très vite à marcher puis à courir jusqu’à ce que les jeunes Turcs de la révolution d’Août-83 (qui n’étaient pas les démocrates que certains veulent dépeindre aujourd’hui dans une tentative de réécriture de l’histoire) décident qu’il fallait l’incendier parce qu’il n’était pas en phase avec l’agit-prop révolutionnaire. C’était dans la nuit du 10 au 11 juin 84.

 

Cher cousin, fort heureusement le vent de démocratisation du début des années 90 et le printemps de la presse qu’il a insufflé permettront au canard de renaître de ses cendres dans un nouvel environnement concurrentiel fort bénéfique puisqu’il aura permis à cette publication jadis seule de s’améliorer au contact des autres. 

 

Cher Wambi, depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont Kadiogo. Entre-temps, Internet est passé par là, taillant de sérieuses croupières aux médias traditionnels avant que les fameux réseaux dits sociaux ne viennent ébranler leurs fondements économiques. Aujourd’hui, L’Obs. souffle sa 49e bougie alors qu’une crise mondiale du papier due d’abord à la pandémie de COVID-19 puis à la guerre actuelle russo-ukrainienne menace même l’existence du journal papier, le papier dont le prix, à l’instar de nombreux autres produits, flambe. Encore faut-il d’ailleurs trouver cette matière première, soit-elle de mauvaise qualité, pour imprimer le journal. C’est comme si, du jour au lendemain, les dolotières de Laye se retrouvaient sans le sorgho rouge avec lequel elles brassent le précieux nectar. Autant te dire que pour un anniversaire, le cœur n’est pas vraiment à la fête et en fait de gâteau, c’est plutôt de la soupe à la grimace qu’il y a au menu. En espérant qu’il y aura une embellie bientôt et que la situation s’améliorera d’ici le jubilé d’or dans un an, prions, en attendant, pour que François de Sales, le saint patron des journalistes et des écrivains jette un regard compatissant sur cette corporation. 

 

 

 

Cher cousin, le samedi 21 mai dernier, nos Forces de défense et de sécurité, avec l’appui de l’armée française, ont infligé une lourde défaite aux terroristes qui ont tenté de prendre le détachement militaire de Bourzanga. Une victoire qui a valu aux soldats des décorations de la Croix du Combattant.

 

A peine on a commencé à savourer le goût de cette belle riposte que le lendemain, dimanche 22 mai, survint un massacre contre des populations civiles à Gorgadji, dans la province du Séno.

 

Dans un premier communiqué signé du gouverneur de la région du Sahel, le lieutenant-colonel P. F. Rodolphe Sorgho, le bilan fait état de onze personnes tuées dont trois Volontaires pour la défense de la patrie.

 

Mais très vite, des voix se sont élevées pour contester ces chiffres officiels qui seraient nettement en deçà de la réalité.

 

En effet, selon plusieurs sources, le nombre de victimes enregistré ce jour-là serait de plus d’une quarantaine.

 

Cette différence de dénombrement serait-elle due à une simple erreur ou procéderait-elle d’une intention de tronquer la réalité, comme le pensent certains ?

 

Dans tous les cas, cher cousin, ce qu’il faut retenir, c’est que le massacre de Gorgadji sonne comme une opération de représailles des groupes terroristes suite à la débâcle de Bourzanga. Tout comme semble l’être ce bain de sang intervenu le mercredi 25 mai 2022 aux environs de Singou, à l’Est, précisément entre Madjoari et Nadiagou où une cinquantaine de civils ont péri dans l’attaque d’un convoi.

 

Sans pour autant m’ériger en donneur de cours de stratégie militaire, il va falloir que les militaires, tout en tenant bien leurs positions, renforcent leur capacité d’intervention rapide car les exactions contre les populations civiles prendront de l’ampleur au fur et à mesure que les terroristes peineront dans leurs attaques contre les cibles dures, comme on le dit dans le jargon des FDS.

 

 

 

Cher Wambi, la guerre du pain est vraiment déclarée dans notre pays. Elle oppose les boulangers au gouvernement. Depuis un peu plus d’un mois, on sentait que le torchon brûlait entre d’une part la Ligue des jeunes promoteurs de boulangeries et pâtisseries (LJPBP) et la Fédération burkinabè des patrons de boulangeries, pâtisseries et confiseries (FBPBPC) et d’autre part le gouvernement à travers le ministère du Commerce. La pomme de discorde : le prix du pain.

 

La faîtière des boulangeries plaide pour une augmentation de 50 F sur le prix du pain de 200 g, ce qui équivaudrait à vendre désormais la baguette à 200 F. Mais pour le gouvernement, le prix ne peut être revu à la hausse qu’après un accord trouvé lors des travaux du Cadre de concertation tripartite (CCT).

 

Dans l’impossibilité de trouver un accord, la Fédération et la Ligue des boulangers ont décidé qu’à compter du mardi 24 mai à partir de 22h, le pain coûtera désormais 200 F. Dans la foulée, le gouvernement leur a opposé son veto.

 

Mais dès mercredi matin, de nombreuses boulangeries ont commencé à appliquer le nouveau tarif. Le ministère du Commerce a donc déployé sur le terrain des équipes de contrôle des prix et cela s’est soldé par la mise sous scellés de nombreuses boulangeries à Ouagadougou et en provinces.

 

A leur tour, dans la soirée du mercredi, la Fédération et la Ligue des boulangers ont décidé de « la fermeture de toutes les boulangeries sur toute l’étendue du territoire » pour « ne pas laisser mourir nos boulangeries ».

 

Cher cousin, comme toujours dans ce genre de situation, les gens sont couchés sur la même natte mais ils n’ont pas les mêmes rêves, pour ne pas dire les mêmes problèmes. Du coup, alors qu’on pouvait craindre de manquer du pain, cet aliment est resté disponible dans la ville de Ouagadougou car des boulangeries ont décidé de ne pas suivre le mouvement et donc de continuer à produire les miches au prix de 150 F.

 

Mais pour désamorcer la crise, cher Wambi, le Premier ministre Albert Ouédraogo a dû mettre la main… à la pâte. Il a en effet réuni à la primature, hier en fin de matinée, les différents acteurs du secteur. Après de longues discussions, un accord temporaire a été trouvé. Le pain sera vendu à 150 F en attendant les décisions qui sortiront des concertations tripartites. Déjà jeudi prochain, les boulangers vont encore revoir le chef du gouvernement. On espère qu’un accord définitif sera trouvé sur le sujet.

 

Mais cher Wambi, on doit se dire la vérité. Le pain est certes un produit de grande consommation surtout dans les villes mais il n’est pas encore un produit de première nécessité dans notre pays.

 

C’est pourquoi, cher cousin, ce qui choque dans tout ça, c’est que les autorités n’ont pas fait preuve du même zèle quand les prix des autres produits ont flambé : le riz, le maïs, le mil, l’huile et le lait. C’est vrai que l’augmentation des prix des hydrocarbures, du sucre SN-SOSUCO, de l’huile SN-CITEC et des transports est soumise à réglementation. Donc quels que soient les problèmes, le prix d’aucun de ces produits ne peut flamber sans un accord préalable avec le gouvernement.

 

De ce point de vue les boulangers sont en pleine illégalité. Néanmoins, il faut reconnaître qu’on leur fait la force. Si on a permis aux autres de faire valser les étiquettes, il faut être juste avec les boulangers quand on sait que les prix de la farine de blé, de l’huile, du sucre et de la levure ont augmenté.

 

Moi, je me mettrai volontiers au wonmi (mansa), au bofloto  sauf que je ne peux pas les fourrer d’omelette…

 

 

 

A présent, cher cousin, je t’invite à parcourir le carnet secret de Tipoko l’Intrigante qui a eu du mal à le fournir cette semaine. Mais ce n’est que partie remise.

 

 

 

-Depuis quelques mois, le football fait parler de lui beaucoup plus dans les faits divers dans des médias que sur le terrain. Il y a eu la guéguerre entre le président de la Fédération et une partie de son comité exécutif qui s’est soldée par une paix des braves avec la signature d’un accord de réconciliation autour du président du CNOSB, Jean Yaméogo, médiateur pour la circonstance. Et comme si cela ne suffisait pas, c’est au palais de justice que les tacles méchants se multiplient. Il y a déjà une action intentée par le colonel Sita Sangaré contre Aristide Bancé, qui a été appelée une première fois à la barre, le 10 mai dernier au tribunal de grande instance de Ouaga 2 et qui a été renvoyée au 31 prochain. Et pendant qu’on attend de savoir ce qu’il en sera, un autre dossier impliquant le colonel major, ancien président de la FBF et ci-devant directeur de la justice militaire, a également attrait Issoufou Dem devant le parquet, pour diffamation. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Issoufou Dem est un consultant sportif qui avait pignon sur la chaîne BF1 et qui avait fait campagne pour Amado Traoré. Le dossier est passé une première fois devant les juges le 24 mai, puis renvoyé au 14 juin prochain. Mais j’ai bien peur que la bombe du colonel n’explose et que les déflagrations ne l’atteignent d’abord lui-même et bien d’autres personnes. On en est arrivé à une affaire de mœurs sur la base d’un enregistrement audio effectué par le prévenu. Du coup, le tribunal souhaite écouter l’entièreté de la pièce incriminée où il serait, entre autres, questions du coup d’Etat militaire et d’homosexualité de certains dirigeants sportifs. Autant dire que tout le monde piaffe d’impatience de savoir ce qu’il en est au juste. Mais malheureusement, il touche à la vie privée et à l’intimité de certaines personnes et je me demande comment cette affaire peut être gérée sans jeter en pâture des gens qui n’y sont pour rien. Bien triste. 

 

 

 

- Demain samedi 28 mai 2022, deux ministres de Sa Majesté le Moogho Naaba Baongho vont sacrifier au rituel de leurs fêtes coutumières annuelles. Il s’agit respectivement du Kamsongh Naaba Kiiba pour son nabasga dont la cérémonie aura lieu dans son palais à Kamsonghin sous le thème : « Réconciliation nationale et cohésion sociale : contribution des autorités coutumières pour un Burkina meilleur » puis de Son Excellence le Kassiri Naaba Bolbo, qui tient son Na-poussem 2022 à partir de 12h à son domicile de Kassiri. 

 

 

 

- Depuis quelques jours, les préparatifs en vue des funérailles du défunt Goungha-Naaba Tanga qui, on se rappelle, a rejoint ses ancêtres le lundi 9 mai dernier, vont bon train : nettoyage des lieux, concertations tous azimuts, tout s'enchaîne pour que, ce dimanche 29, les derniers adieux à l'illustre nonagénaire soient une réussite. A l'issue de cette étape s'ouvrira alors celle de la succession de celui qui présida un demi-siècle aux destinées des guerriers du Moro. Un monde fou en perspective ce week-end à Gounghin.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

 

 

Dernière modification ledimanche, 29 mai 2022 20:05

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