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Une Lettre pour Laye : Wagner déjà dans nos murs ?

 

Cher Wambi,

 

Le mardi 13 décembre 2022, alors que les militants du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis commémoraient le 24e anniversaire de l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo, le tribunal militaire de Ouagadougou, lui, avait à son rôle d’audience l’affaire Yacouba Isaac Zida. L’ex-Premier ministre, comme tu le sais, est poursuivi pour «désertion en temps de paix». Bénéficiant d’une permission pour aller rendre visite à sa famille au Canada, le général de division n’est plus revenu au pays depuis février 2016. Il faut dire que durant sa permission, des informations ont fuité sur sa gestion calamiteuse supposée des fonds publics. Du coup, le risque qu’il soit mis aux arrêts était très grand. Face à cette situation, l’ancien n°2 du Régiment de sécurité présidentielle a préféré demeurer au pays de la feuille d’érable.

 

 

Mardi dernier, son dossier pour «désertion en temps de paix» a été appelé à la barre. Mais d’après les informations que j’ai reçues, le procès n’a pu aller jusqu’au bout ; il a été renvoyé à une prochaine audience dont la date reste à préciser. En fait, l’absence du prévenu en est la cause. C’est le parquet même qui a battu sa coulpe pour n’avoir pas régulièrement convoqué Zida. Alors le tribunal a donné un délai de 10 jours pour faire les notifications utiles ; après quoi, une date sera fixée pour le procès.

 

Mais avant cette décision, il me revient que la formation du tribunal a posé problème. En effet, les avocats de Zida ont demandé la récusation du général Honoré Nabéré Traoré, le seul général à s’être présenté à l’audience comme potentiel juge assesseur. Une récusation que l’on peut comprendre si on tient compte du fait que Nabéré s’est proclamé chef de l’Etat, avant de faire marche-arrière sous la contrainte et la puissance de feu dont disposait l’autre prétendant au trône qui n’était autre que Zida.

 

Cependant, cette demande n’a pas prospéré parce que le prévenu répond aux abonnés absents du prétoire militaire. Mais finalement, le général Nabéré s’est lui-même récusé pour garantir une plus grande sérénité dans l’instruction à la barre de ce dossier, donc dans l’administration de la justice.

 

L’autre affaire qui était aussi appelée ce même mardi, c’est le dossier Djibril Bassolet. Le général de gendarmerie, poursuivi dans le dossier du putsch manqué de septembre 2015, avait obtenu une permission médicale pour bénéficier de soins plus appropriés qu’exigeait son état de santé. A cet effet, il avait quitté Ouagadougou pour Paris dans la nuit du 28 janvier 2020, soit 5 mois après sa condamnation à une peine de 10 ans de prison ferme. Depuis, Bassolet n’est plus revenu au bercail. C’est pourquoi il est aujourd’hui poursuivi pour « évasion ». Ce dossier également a été renvoyé sine die.

 

 

 

Cher Wambi, c’est une information qui a été accueillie avec autant de stupéfaction que d’indignation par l’opinion publique, même si, comme c’est toujours le cas, il y a certaines personnes, qui pour une raison ou une autre, ont vite fait de crier au complot d’un «torchon» qui «œuvre à saper la dynamique de ce peuple en créant le doute».  

 

De quoi s’agit-il ?

 

Eh bien, il s’agit des graves révélations faites par notre confrère « L’Evénement » dans sa livraison n483 du 10 décembre 2022.

 

En effet, dans la parution en question, le journal, citant aussi bien des sources militaires que civiles, en l’occurrence des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), et qui a même contacté des officiers supérieurs afin de recouper l’information, comme on le dit dans le jargon des médias, oui, le journal a fait cas de « soupçons de malversations, de détournement et d’enrichissement d’officiers militaires » au sujet de la gestion financière des VDP.

 

Il ressort de l’enquête de « L’Evénement » que des frais de formation, de  fonctionnement mensuel, des primes forfaitaires d’invalidité, des frais d’inhumation et de soutien financier aux ayants droit des VDP décédés au combat, rien n’a été épargné par la vénalité criminelle des responsables en charge de l’intendance des différents fonds alloués aux supplétifs de l’armée.

 

Tiens-toi bien, cher cousin, qu’il est même ressorti, toujours selon le bimensuel d’investigation citant les confidences d’officiers, qu’un capitaine en service dans la région du Centre-Nord s’est fait remettre 400 millions de francs CFA des mains de l’ancien chef de l’Etat Paul-Henri Sandaogo Damiba, sous prétexte qu’il a enrôlé 400 VDP. Non seulement l’effectif a été surestimé à dessein mais, pire, l’argent n’est pas arrivé à destination. Les bénéficiaires présumés se seraient plaints. On ne sait pas quelle suite a été réservée à ce détournement dont l’extrême gravité le dispute à la profonde indécence. 

 

Ces révélations sont si graves et si révoltantes que l’état-major général des Armées a aussitôt réagi par un communiqué annonçant des enquêtes en cours.

 

Simple effet d’annonce ou ferme détermination d’une hiérarchie militaire à nettoyer les écuries d’une armée qui, à l’instar de bien d’autres institutions, est sclérosée par la corruption, la prévarication, la concussion et toutes formes d’enrichissement illicite ?

 

La question mérite d’être posée, cher Wambi, quand on sait que, comme disent certains, la meilleure façon de dissimuler une affaire dans ce pays, c’est d’ouvrir une enquête. La preuve, où en est-on avec les résultats de l’enquête sur le drame d’Inata ? Que sait-on davantage sur ce qui s’est passé véritablement à Gaskindé quand on se rappelle que le ministre délégué en charge de la Défense d’alors avait parlé de complicité ? Idem pour la surfacturation dans la location de camions de ravitaillement des zones sous blocus terroriste.

 

Ça commence à faire trop de soupçons d’affairisme sur une armée pourtant engagée dans une guerre de reconquête du territoire national.

 

Il appartient donc au commandement militaire, particulièrement au chef suprême des Armées, le capitaine Ibrahim Traoré, lequel a lui-même reconnu que des officiers se sont embourgeoisés, de faire toute la lumière sur ces petits arrangements autour de la gestion financière des VDP.

 

Cela est d’autant plus impératif qu’il est aujourd’hui question de prélèvement à hauteur de 1% de salaire en guise de contribution volontaire et patriotique pour la constitution d’un fonds de soutien à l’effort de guerre.

 

Cher cousin, je reste sur ce dossier pour t’annoncer que selon des sources dignes de foi, la suspension du journal « L’Evénement » serait envisagée.

 

En effet, il m’est revenu que la question a été discutée à un certain niveau de l’armée et que les uns et les autres ont émis des avis partagés.

 

Si le couperet de la censure venait à tomber sur le pauvre canard, ce serait dommage et surtout paradoxal dans la mesure où l’état-major, qui n’a pas démenti l’information, a plutôt promis des investigations « avec la plus grande rigueur et que toutes les conséquences de droit seront tirées ».    

 

 

 

Cher Wambi, dans ma précédente lettre, je te faisais cas des menaces de mort proférées par le sieur Mohamed Sinon contre Newton Ahmed Barry dont le seul tort a été d’avoir donné son avis sur la suspension temporaire de RFI sur le territoire national. Cette fatwa est également dirigée contre quiconque oserait critiquer le MPSR 2 et son chef, le capitaine Ibrahim Traoré.  

 

Face à cet appel au meurtre contre sa personne, l’ancien président de la CENI, par l’intermédiaire de son avocat, Me Batibié Bénao, a saisi le procureur du Faso Harouna Yoda. Alors, sur l’instruction de ce dernier, la police judiciaire a entrepris de procéder à l’arrestation de l’auteur desdites menaces. Mais en vain face au refus de ses groupies qui se sont ouvertement opposées à l’exécution d’une injonction de justice.

 

Il se susurre que  les forces de l’ordre auraient reçu des ordres dans le sens contraire de ceux donnés par  le parquet.  Vrai ou faux, je ne saurais te le dire quand bien même l’intéressé se vanterai de sa proximité avec le régime actuel. 

 

Par contre, je sais que des démarches sont entreprises pour épargner le chargé de communication de l’association « Africa révolutionnaire » de l’action judiciaire en cours.

 

En effet, un individu se présentant comme responsable d’une école coranique et affirmant n’avoir été mandaté par personne a approché Newton Ahmed Barry afin qu’il accepte de retirer sa plainte.

 

Une source digne de foi m’a fait savoir que l’avocat de Sinon se serait lui aussi engagé à entreprendre une médiation avec notre confrère pour un règlement à l’amiable. Mais jusque-là, il n’a pas encore rencontré l’ancien président de la CENI.

 

Affaire à suivre…

 

 

 

Cher Wambi, à présent, je t’invite à partager avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.

 

 

 

- Viendront, viendront pas ? Depuis l’avènement du MPSR 2, c’est la question que beaucoup de Burkinabè se posent en ce qui concerne les mercenaires du groupe Wagner.

 

L’interrogation hante d’autant plus les esprits que le Premier ministre, Me Apollinaire Kyélem de Tambèla, a effectué le 7 décembre dernier un voyage en catimini à Moscou via Bamako.

 

Mais si l’on en croit le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, des hommes d’Evguéni Prigojine ont déjà pris position au Faso.

 

En effet, en marge du Sommet USA-Afrique, lors d’une rencontre mercredi passé avec le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, le chef de l’Etat du Ghana a été formel : « Aujourd’hui, des mercenaires russes sont à notre frontière nord. Le Burkina Faso a maintenant conclu un accord pour aller de pair avec le Mali en employant les forces Wagner là-bas. » Puis d’ajouter : « Je crois qu’une mine dans le sud du Burkina leur a été attribuée en guise de paiement pour leurs services. Le Premier ministre du Burkina Faso était à Moscou ces dix derniers jours. Et le fait qu’ils opèrent à notre frontière nord est particulièrement pénible pour nous, au Ghana».

 

Pour l’instant, no comment !

 

 

 

- Dans la nuit 13 au 14 décembre 2022 un incident mortel est survenu au niveau de la barrière de la Base aérienne 511 à Ouagadougou. Selon le communiqué du parquet militaire, un individu d’une trentaine d’années, se déplaçant à vélo, aurait fait une intrusion dans le dispositif sécuritaire de la Base. L’homme n’aurait pas respecté les sommations de la sentinelle et a été mortellement atteint par les tirs. L’individu n’a pu être identifié car il ne portait sur lui aucun document d’identité. Selon le procureur militaire, une enquête circonstanciée a été ouverte pour mieux élucider les faits et établir les responsabilités.

 

C’est bien la troisième fois que des incidents se produisent devant la Base aérienne. Mais dans le cas présent, à moins d’aller au suicide, on imagine mal quelqu’un prendre son vélo pour pénétrer délibérément à l’intérieur d’un dispositif sécuritaire en ces temps de terrorisme.

 

Cependant cet incident pose quelques questions. A quelle vitesse l’individu allait ? Comment a-t-il fait pour ne pas entendre les tirs de sommation ? Pourquoi on n’a pas essayé de l’appréhender vivant ? Voilà autant de questions qui interrogent.

 

Cet incident supplémentaire pose avec acuité le problème des barrières sécuritaires dans nos villes. Et il va falloir y trouver des réponses appropriées pour ne pas à tout temps abattre des gens qui se sont égarés ou qui étaient dans un état second lorsqu’ils sont parvenus dans les parages des dispositifs sécuritaires.

 

 

 

- Dans une note datée du 12 décembre 2022, l’ambassadeur de France a envoyé une lettre adressée à ses compatriotes qui sont dans la ville de Koudougou. Il les y invite à se relocaliser par mesure de prudence face à l’incursion répétée des terroristes dans des localités non éloignées de cette villes. Cette note s’est rapidement retrouvée sur les réseaux sociaux et nous vous la proposons ci-dessous :

 

 

 

Mesdames, messieurs, chers compatriotes,

 

« Vous n’ignorez pas que Koudougou, comme d’ailleurs le reste du pays (sauf Ouaga et Bobo) est passé en zone rouge (formellement déconseillée) depuis le coup d’Etat du 30 septembre dernier. Au-delà de ce passage en zone rouge, les événements intervenus récemment à proximité (moins de 30 km) de Koudougou montrent que la pression terroriste se fait de plus en plus forte et surtout proche.

 

Dans ces circonstances, il est de mon devoir de vous inviter avec insistance à vous relocaliser, vous et votre famille, à Bobo-Dioulasso ou à Ouagadougou. Rester à Koudougou représente un risque important, pour vous-mêmes mais aussi pour ceux qui pourraient devoir vous porter secours en cas de menace immédiate. Je sais que c’est une décision difficile mais votre sécurité prime toute autre considération. 

 

A tout le moins, je vous engage, pendant cette période des fêtes de fin d’année, à ne pas rester à Koudougou. Si la situation devait évoluer favorablement, nous pourrons ensemble réexaminer cette demande de relocalisation. Mais dans l’immédiat, elle me paraît urgente et incontournable.

 

J’ai chargé l’attaché de défense près de l’ambassade de France, Emmanuel Pasquier, de venir en mon nom vous rencontrer et vous apporter cette mauvaise nouvelle. J’espère que vous lui réserverez malgré tout un bon accueil.

 

Je vous assure de mon soutien et de celui de toutes les équipes de l’ambassade dans ces circonstances difficiles.

 

Bien à vous. »

 

 

 

Luc Hallade

 

 

 

- Claver César Auguste Roméo Kiswensida Yaméogo, plus connu son le nom de MC Claver ou de Bishop, est décédé dans la matinée du 15 décembre 2022 à Ouagadougou à l’âge de 60 ans. Ce fils de Maurice Yaméogo, premier président de la Haute-Volta, était souffrant depuis un certain temps et avait même été admis à l’hôpital de la Pitié Salpetrière à Paris, un centre de référence mondiale dans l’oncologie (traitement des cancers) où il a subi deux séances de chimiothérapie. Rentré au Burkina, MC Claver devait retourner à Paris pour une troisième séance de chimiothérapie. Malheureusement pour lui, entre-temps, l’ambassade de France a été saccagée ; ce qui a conduit le consulat général à revoir le mode de réception et de traitement des demandes de visas. Le Bishop n’a pas pu obtenir le sésame au moment opportun. Lorsque sa santé s’est dégradée, il a été hospitalisé à Schiphra. Mais on n’a pas pu le sauver.

 

Claver Yaméogo est le petit frère de Me Hermann Yaméogo, le président du parti politique l’Union nationale pour le développement et la démocratie (UNDD). Le Bishop, il s’était aussi lancé en politique en créant le Mouvement pour le rassemblement patriotique (MRP). Le programme des obsèques n’était pas encore connu hier.

 

Dans le même temps, Koudougou pleure aussi l’un de ses fils, le Pr Ambroise Zagré. Ce sociologue est décédé le samedi 10 décembre 2022 à l’hôpital Yalgado à l’âge de 86 ans. Ancien vice-recteur de l’université de Ouagadougou, ancien recteur de l’Université libre du Burkina (ULB), ancien directeur général de l’ENAM, ancien DG des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique et ancien secrétaire général dudit ministère, le Pr Ambroise Zagré a consacré sa vie à l’essor de l’enseignement supérieur dans notre pays. Il a été porté en terre hier 15 décembre 2022 à son domicile après l’absoute à l’église de la paroisse Saint-Camille.

 

 

 

- Aujourd’hui vendredi sur le coup de 21 heures au CENASA, se tiendra la 25e édition des Galian, cérémonie de récompense des meilleures œuvres des professionnels des médias.

 

Victime collatérale des soubresauts politiques qui ont secoué la vie nationale depuis le coup d’Etat du 24 janvier 2022, l’événement se tient enfin après de multiples reports.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

Dernière modification lelundi, 19 décembre 2022 22:13

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