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Une Lettre pour Laye : Réquisition d’or par l’Etat : une décision qui brille d’interrogations

 

Cher Wambi,

 

La nouvelle est tombée mercredi dernier en début de soirée à la faveur d’une fuite sur les réseaux sociaux. On a en effet vu circuler sur la toile mondiale un arrêté du ministre des Mines portant réquisition d’or de SEMAFO Burkina Faso SA. En parcourant ce document signé le 14 février 2023, on découvre que le gouvernement a décidé, «pour nécessité publique», de saisir 200 kg d’or sur la production de la mine de Mana, propriété de SEMAFO. Selon certaines estimations, en tenant compte du cours de l’or et du dollar, l’Etat doit un peu plus de 7 milliards à la SEMAFO.

 

 

Le document précise que la société minière « percevra une indemnisation correspondant à la valeur de l’or ainsi réquisitionné ».

 

Cher cousin, si le gouvernement a agi ainsi, c’est parce qu’il en a le droit au regard du Code minier, dont l’article 16 traite de la question : « Les installations minières ou de carrières et les substances extraites ne peuvent être ni réquisitionnées ni expropriées par l’Etat que pour un motif de nécessité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation fixée d’accord parties ou par un tribunal arbitral ou de droit commun ».

 

La divulgation de cette opération de réquisition a fait l’effet d’une bombe dans l’opinion et dans le milieu des affaires, si bien que le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a été obligé, dans la nuit de mercredi, de produire un communiqué pour circonscrire et clarifier les choses afin de rassurer les investisseurs. Selon le ministre Jean Emmanuel Ouédraogo, « la décision de réquisition est dictée par un contexte exceptionnel de nécessité publique qui fonde l’Etat à demander à certaines sociétés minières de lui vendre une partie de leur production d’or. Cette transaction qui s’opère à titre exceptionnel et temporaire s’effectue d’ailleurs aux conditions d’achat de l’or sur le marché international. Conscient de l’importance de l’industrie minière pour l’économie du Burkina Faso, le gouvernement demeure respectueux de l’ensemble de ses engagements vis-à-vis des partenaires du secteur. Il réaffirme aux sociétés minières que l’Etat est à leurs côtés et continuera à les aider et à les accompagner dans leurs activités avec un accent particulier sur la réduction des risques sécuritaires pour leur permettre d’évoluer dans un environnement sécurisé ».

 

Cher Wambi, ce communiqué du gouvernement entend faire retomber la fièvre qui a pu gagner le milieu des affaires où les uns et les autres se demandent si après l’or, c’est quel autre secteur qui passera à la casserole. Ce communiqué est donc adressé exclusivement aux investisseurs. La preuve est qu’il ne dit mot sur l’utilisation qui sera faite de cet or. Du coup, les spéculations vont bon train dans les bureaux, les gargotes, les maquis et grins de thé à Ouagadougou et à l’intérieur du pays.

 

Pour certains, ce métal précieux servira à payer les mercenaires russes de Wagner dont beaucoup annoncent leur arrivée prochaine dans notre pays. Pour d’autres, avec cet or, l’Etat pourra payer des armes et des minutions pour équiper nos Forces de défense et de sécurité (FDS) ainsi que les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). D’autres encore soutiennent des thèses plus invraisemblables les unes que les autres allant des transactions occultes au désir de se passer des devises pour financer nos acquisitions et autres produits d’importation.

 

Si c’est l’arrêté de réquisition de l’or de SEMAFO qui a fuité sur les réseaux sociaux, il faut dire que cette société minière n’est pas la seule concernée par cette décision. Des gens ont parlé de toutes les mines industrielles. Et le communiqué du porte-parole du gouvernement laisse entrevoir en effet que d’autres sociétés ont vu réquisitionner une partie de leur production, car le ministre indique que « l’Etat a demandé à certaines sociétés minières de lui vendre une partie de leur production d’or ». Ainsi, des sources avancent le chiffre de 300 kg d’or réquisitionné auprès de la société Bissa Gold.

 

Selon des sources bien au fait de cette réquisition, pour ne pas dire de cet achat de l’or par l’Etat, les besoins de nos dirigeants devaient être pressants parce que la réquisition a concerné les expéditions de la journée de mercredi. Mes sources affirment que cette opération devait être frappée du sceau de la confidentialité, donc du secret. Mais c’est peine perdue en ces temps qui courent où les fuites sont quasi inévitables.

 

Cher cousin, tout cela intervient dans un contexte où en fin 2022, on a constaté la chute drastique des réserves de change de 2 700 milliards de FCFA dans la zone UMOA (Union monétaire ouest-africaine), soit 19% par rapport à l’année 2021. Le renchérissement de la facture des importations causé par l’inflation des prix des produits alimentaires et des hydrocarbures est la principale explication de cette situation. Du coup, contrairement à 2021 où les réserves de change couvraient les importations de biens et services sur une durée de 6 mois, en 2022, les réserves constituées ne couvrent que 4,4 mois des importations de la zone UMOA.

 

Cher Wambi, dans une de mes précédentes lettres, et faisant écho à un communiqué de la famille de Thomas Sankara, j’ai émis des réserves sur le choix du gouvernement de faire du Conseil de l’Entente le lieu de sépulture des restes humaines du leader de la révolution et de ses douze compagnons d’infortune.

 

Entre autres raisons, j’ai évoqué le fait que le site désigné n’est pas une propriété de l’Etat burkinabè mais plutôt celle des Etats parties du Traité de 1959.

 

A cela s’ajoute le fait que le Conseil de l’entente reste le berceau de la violence politique dans notre pays pour avoir été le théâtre des premières exécutions sommaires.

 

C’est pourquoi, bien avant l’installation de la polémique actuelle, je m’étais opposé à l’idée de faire de cet endroit le site d’un monument commémoratif comme l’actuel mémorial Thomas-Sankara.

 

 Alors que la ré-inhumation des ossements des suppliciés du 15-Octobre est prévue au cours de ce mois de février, selon les autorités, la famille du leader du CNR n’en démord pas sur sa position.

 

En effet, cher cousin, dans une déclaration faite devant les médias hier jeudi, elle a émis une requête de « grâce présidentielle » afin de faire prospérer sa cause auprès du chef de l’Etat.

 

Par la même occasion, en lieu et place du Conseil de l’Entente, elle propose le cimetière de Dagnoën ou dans le cas contraire, le jardin de l’Amitié ou encore le jardin Yennenga, pour recevoir les reliques du charismatique capitaine.

 

Lisez plutôt :

 

« Appel solennel de la famille Sankara pour une demande de grâce présidentielle afin que les restes du Président Thomas Sankara ne soient pas ré-inhumés au Conseil de l'entente.

 

 

 

Le caractère solennel, sacré et l'urgence du moment recommandent que nous nous adressions à vous Monsieur le Président de la Transition, au peuple burkinabè et à l'opinion internationale pour demander une grâce présidentielle.

 

Nous cherchons simplement à inhumer dignement pour la première fois celui-là même qui est fils, époux, père et frère. Permettez que soit possible aujourd'hui, ce qui n'a pu l'être il y a 35 ans.

 

Nous voulons enterrer Thomas pour enfin faire notre deuil et que son âme repose en paix.

 

Notre famille est en train de subir encore une dure épreuve, celle de voir inhumer Thomas contre notre volonté à l'endroit où il a été trucidé, c'est-à-dire au Conseil de l'Entente. Nous attirons votre attention qu'il n'est pas mort par accident, mais par un complot bien orchestré. Beaucoup d'autres meurtres ont été perpétrés à cet endroit, sans compter le nombre de personnes qui y ont subi des atrocités.

 

Nous ne serions pas en train d'évoquer ce problème à l'attention du peuple si possibilité nous avait été donnée d'avoir un contact et de parler de cette question avec Monsieur le Président de la Transition qui avait bien voulu respectueusement demander aux familles de proposer un lieu pour les ré-inhumations des restes de leurs proches. Hélas, ce choix n'a pas été accepté par les personnes en charge des ré-inhumations! A notre grande surprise, le Conseil de l'Entente, lieu qui avait toujours été écarté, est retenu par ces derniers pour l'ensevelissement des restes de Thomas.

 

Nous avions souhaité que la scène du crime qui est le Conseil de l'Entente reste intacte pour l'Histoire et conservée pour la mémoire des générations actuelles et futures. Depuis la gestation de l'idée du Mémorial, nous avions également insisté sur la pertinence de la préservation de ce lieu pour la mémoire des martyrs du 15 octobre 1987.

 

Toutes nos nombreuses tentatives de résolution de la question (tentatives de joindre le Président de la Transition, propositions pour arriver à un consensus) sont restées sans réponse.

 

Nous, la famille de Feu le président Thomas Sankara, nous nous sentons écrasée par la force de la puissance publique qui a décidé contre notre souhait de la ré-inhumation, au Conseil de l'entente, des restes de mon époux, de notre père, de notre frère.

 

Au nom de votre autorité morale objective et unanimement reconnue en tant que président de la Transition, au nom de votre humanisme, nous vous demandons solennellement de faire suspendre cette ré-inhumation au Conseil de l'Entente.

 

Notre souhait est que les restes soient ramenés à Dagnoën où ils ont été exhumés, ou à défaut, au jardin de l'Amitié au bout de l'avenue Thomas-Sankara ou encore au Jardin Yennenga.

 

Monsieur le président, vous êtes notre dernier recours contre l'arbitraire qui nous écrase et nous ressentons ce refus comme la seconde Mort de mon époux, de notre père, de notre frère.

 

Nous sommes avec vous pour la restauration de la Paix dans notre pays. »

 

Ouagadougou, le 16 février 2023

 

 

 

La famille de feu le président Thomas Sankara

 

Mariam Sankara (épouse)

 

Philippe Sankara (fils)

 

Auguste Sankara (fils)

 

Frères et sœurs de Thomas Sankara 

 

 

 

 

 

Cher Wambi, à présent, je t’invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.

 

 

 

- Cette semaine, un avion a fait le buzz à travers les réseaux sociaux et même dans les gargotes. Et chacun y est allé de son commentaire, particulièrement les activistes de la Toile qui, comme « Big Brother » ou « l’œil de Moscou », sont informés de tout ce qui se passe sur le moindre centimètre carré de notre territoire.

 

Pour ces derniers, l’aéronef en question, un Antonov, a effectué plusieurs rotations à l’aéroport de Ouagadougou avec à son bord d’impressionnantes cargaisons d’armement militaire russe.

 

Certains ont même présenté sur leurs plateformes des images d’hélicoptères neufs sortis tout droit des entrailles de l’appareil.

 

Mais si  c’est vrai que depuis quelques jours  l’on  assiste à un ballet de gros porteurs sur le tarmac de l’aéroport, d’acquisitions militaires au profit de nos FDS, il n’en est rien.

 

En effet, selon des sources aéroportuaires, l’avion en question est un Antonov 124 de fabrication ukrainienne. Il a été affrété par Paris pour l’évacuation du matériel des forces spéciales françaises qui ne sont plus les bienvenues au Burkina Faso depuis le 18 janvier dernier.

 

Impressionnants tant par leur envergure que par leur capacité (pouvant transporter des locomotives, des grues, des satellites, des navires…), ces Antonov arrivent à Ouaga avec des caisses vides (ce qui a induit plus d’un en erreur) et en repartent avec d’autres bien chargées à destination de Niamey ou N’Djamena.

 

Selon les mêmes sources, les rotations sont en principe prévues jusqu’au milieu de la semaine prochaine, puisque l’armée française a un délai d’un mois pour lever son bivouac du Burkina Faso. 

 

Signalons que l’Antonov 124 vient après l’Antonov 225 qui est le plus gros avion-cargo du monde. Surnommé « Mriya », rêve en français, il est construit en un seul exemplaire. Le 27 février 2022, il a été détruit par des frappes de l’armée russe. Mais déjà, les autorités ukrainiennes ont annoncé la construction d’un deuxième Antonov 225.   

 

 

 

- Le verdict de l’affaire concernant l’ancien directeur général de la Loterie nationale burkinabè (LONAB), Désiré Thiamobiga, annoncé pour hier jeudi 16 février 2023, a été renvoyé au 2 mars prochain. Poursuivi pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux, M. Thiamobiga devra patienter encore deux semaines avant de connaître son sort. Notons qu’après plusieurs jours d’instruction à la barre, le procureur du Faso a requis contre l’ex-patron de la nationale des jeux de hasard 11 ans de prison ferme et le payement d’une amende ferme de 750 millions de francs CFA. A ces réquisitions s’ajoute la confiscation des biens mobiliers et immobiliers du prévenu ainsi que du solde de ses comptes bancaires.

 

 

 

- Cela fait déjà un an que le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, alors président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), a mis en place la Commission technique d’élaboration de projet de texte et de l’agenda de la Transition. Installée le 8 février 2022, ladite commission, qui a remis son rapport le 23 février 2022, était présidée par Mariame Ouattara. Outre l’agenda de la Transition, la commission a élaboré une charte des valeurs à promouvoir pour lutter contre la corruption. Cette charte a été remise à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). Un projet de charte de la Transition a également été proposé. Tous ces documents ont permis d’avoir une feuille de route claire pour la conduite de la Transition.

 

Les 15 membres de cette commission ont fait preuve de patriotisme puisque pour donner l’exemple, ils ont refusé d’être payés pour le travail abattu et ont aussi refusé de prendre les frais de carburant que les autorités leur ont proposés.

 

C’est dire qu’ils ont travaillé de façon bénévole, ont déposé leur rapport et chacun a regagné son service d’origine.

 

Quoi qu’on dise, les conclusions des travaux de cette commission technique ont également servi de base pour l’élaboration de la charte de la Transition du MPSR 2.

 

Mais le constat est qu’à l’heure des récompenses nationales, c’est-à-dire les décorations, les autorités n’ont pas pensé aux 15 commissaires de la commission technique qui ont fait montre de dévouement et de patriotisme. Une situation qui gagnerait à être corrigée rapidement.

 

 

 

- Aujourd’hui vendredi 17 février aura lieu à la salle de réunion du centre de presse Norbert-Zongo, la session de présentation et de mise en place des CED. Entendez par là les Comités d’éthique et de déontologie de l’Observatoire burkinabè des médias (OBM).

 

Créé en 2012 par les devanciers de la presse burkinabè, l'Observatoire burkinabè des médias joue le rôle de l'autorégulation par des pairs, afin de corriger certaines erreurs et d’améliorer les contenus des médias.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

Dernière modification lelundi, 20 février 2023 22:45

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