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Décès Henri Konan Bédié: Fin du « triopole » politique ivoirien

L’expression est un peu éculée, mais c’est un véritable « baobab de la scène politique ivoirienne » qui vient de s’écrouler. On devrait même plutôt dire un éléphant : l’éléphant, emblème de la Côte d’Ivoire, l’éléphant, symbole de sa formation politique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire- Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA).

 

Henri Konan Bédié est en effet décédé le mardi 1er août 2023 à la Polyclinique internationale Sainte-Anne-Marie (PISAM) d’Abidjan, où il avait été conduit d’urgence. Une mort subite pour quelqu’un qui, pour son âge, pétait encore la forme, même s’il n’est pas immérité de rejoindre ses ancêtres à 89 ans.

Fin d’un parcours terrestre, notamment politique, bien riche. Ambassadeur aux Etats-Unis à 26 ans ; ministre de l’Economie et des Finances à 32 ans ; président de l’Assemblée nationale à 46 ans ; puis le Graal à 59 ans, suite à la mort du président Félix Houphouët-Boigny, même si le dauphin constitutionnel qu’il était a dû batailler ferme pour arracher ce qui lui revenait de droit face à Alassane Dramane Ouattara que « le vieux » avait nommé Premier ministre en 1990 pour tenir et redresser la maison ivoire.

L’homme court aux cigares griffés HKB remportera finalement cette première manche entre les deux fils spirituels du « Bélier de Yamoussoukro ». Mais pour beaucoup, les bottes du géant Houphouët étaient bien trop grandes pour celui qui sera finalement renversé par le coup d’Etat du général Robert Guéï le 24 décembre 1999, non sans avoir auparavant inventé le concept d’abord fumeux puis funeste de l’ « ivoirité » qui, quelque part, aura d’ailleurs causé sa perte.

On se rappelle comme si c’était hier cette fameuse guerre des  « et » et des « ou » qui visait d’abord le « mossi ADO », même si tous les Burkinabè d’ici et de Côte d’Ivoire se sentaient également concernés par ce qui ressemblait fort à une politique d’exclusion entre Ivoiriens de première et de seconde zones.

C’est donc peu dire que vu de Ouaga, le Sphinx de Daoukro n’aura pas laissé un souvenir impérissable, lui qui aura quelque part ouvert la boîte de Pandore, libérant tous les malheurs de la Côte d’Ivoire, qu’on n’a pas fini d’exorciser 30 ans après.

 HKB ne sera pas parvenu à empêcher son ennemi intime, Alassane Ouattara, d’accéder à la magistrature suprême. Avec Laurent Gbagbo, les trois dinosaures  de la faune politique ivoirienne ont régulièrement pollué les eaux de la lagune Ebrié, à coups d’alliances et de contre-alliances, l’un pactisant avec l’autre au gré des circonstances pour combattre le troisième.

Bedié s’éteint d’ailleurs alors que le fossé entre lui et ADO s’était de nouveau creusé, eu égard au troisième mandat qu’a brigué l’actuel locataire du palais de Cocody. Il s’était rapproché de l’enfant terrible de Mama pour combattre leur nouvel ennemi commun.

De nombreux contentieux électoraux, un coup d’Etat, une rébellion et un violent conflit postélectoral plus tard, le déminage des cœurs n’est toujours pas achevé. Le président Alassane Ouattara a néanmoins décrété 10 jours de deuil national, à compter du 2 août, après le décès de son rival qui, il est vrai, est loin d’être le seul responsable de cette situation.

Sur fond de revanche non encore assouvie, celui qui n’a jamais pu faire le deuil de la perte de son pouvoir ambitionnait de chausser les crampons pour un ultime match à la présidentielle de 2025, quitte à contrarier les ambitions des jeunes loups aux dents bien longues du PDCI-RDA, à l’image de Jean-Louis Billon ou de Tidjane Thiam. Ils étaient de plus en plus nombreux au sein de l’ancien parti unique à contester le désir d’éternité du patriarche et faute de n’avoir pas pu se faire entendre, certains ont rejoint avec armes et bagages, le parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). C’est dire donc que son décès va rebattre les cartes au sein d’une formation politique à la recherche de ses nouvelles marques et dont on se demande ce qu’il deviendra après la mort de celui qui l’aura incarné pendant trois décennies.

Déjà il faudrait voir comment le PDCI-RDA se comportera lors des prochaines régionales et communales, prévues pour le 2 septembre prochain et pour lesquelles le vieux combattant qui vient de passer l’arme à gauche s’investissait beaucoup.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification ledimanche, 13 août 2023 21:30

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