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Gabriel Agbéyomé Kodjo : Décès d’un poil à gratter du clan Gnassingbé

Malgré les risques encourus, il comptait rentrer, sur ses deux pieds, dans son Togo. Mais le sort en a décidé autrement. C’est finalement les pieds devant qu’il regagnera son pays natal si d’aventure le pouvoir actuel, qu’il a temps combattu, y consent.

 

Alors qu’il vivait en exil à Paris, l’opposant Gabriel Agbéyomé Kodjo est décédé dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 mars 2024 à l’âge de 70, emporté par un malaise.

Son parcours politique est celui d’un trublion de la vie publique qui a fini par se brûler les ailes pour avoir osé braver la dynastie Gnassingbé, aux commandes de la « Suisse de l’Afrique » depuis près de six décennies. Une famille régnante qu’il a  servie avant d’en devenir l’un des plus farouches détracteurs.

En effet, ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture à la fin des années 80, l’ancien pensionnaire de l’université de Poitiers connaîtra une carrière politique fulgurante après la Conférence nationale souveraine du 8 juillet au 28 août 1991.

Aussi bien au Togo que dans les autres pays d’Afrique francophone où elles  ont eu lieu, ces Conférences cathartiques étaient porteuses de lendemains démocratiques meilleurs. Mais c’était sans compter avec appétit immodéré des « guides éclairés » et autres « timoniers » pour le pouvoir, lesquels réussiront à reprendre petit à petit, souvent avec la complicité de l’Elysée, ce qu’ils avaient concédé de force.

Nommé directeur général du port autonome de Lomé en 1993, Gabriel Agbéyomé Kodjo entre à l’Assemblée nationale six années plus tard  et en devient le président. 

Le 29 août 2000, il est désigné Premier ministre par le président Etienne Gnassingbé Eyadéma.

Mais pour avoir appelé à des réformes au sein du Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti au pouvoir, le prodige vizir déclenchera les foudres inextinguibles du calife.  Un crime de lèse-majesté qui lui vaudra le chemin de l’exil  en 2002, avec à ses trousses la justice pour « avoir déshonoré le président et porté atteinte à l’ordre public ».

A la mort de Gnassingbé-père en 2005, Gabriel Agbéyomé Kodjo rentre au Togo, où il sera emprisonné pour détournement présumé de fonds du temps où il était le patron du port autonome de Lomé.

Candidat malheureux à la présidentielle de 2010, remportée par Faure Gnassingbé, il descend de nouveau dans l’arène politique en 2020 sous la bannière de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), du nom de Philippe Kpodzro, archevêque de Lomé, décédé en janvier dernier.

Est-il cette fois arrivé en tête du scrutin ? En tout cas, celui que l’on considère comme le filleul de Kpodzro n’aura cessé de clamer sa victoire sur fond de manifestations et ira jusqu’à s’autoproclamer président du Togo.

Interpellé pour plusieurs chefs d’accusation, le candidat de DMK finit par se retrancher à Paris jusqu’à son décès.

Finalement, Gabriel Agbéyomé Kodjo tire sa révérence  au moment où la démocratie togolaise est encore en friche. Car le pays est toujours prisonnier de la logique de monopolisation du pouvoir conçue par le clan Gnassingbé.

Avec cette disparition, le président Faure, comme on l’appelle par son prénom, perd un opposant d’envergure, à l’image de Tipki Salifou Atchadam, fondateur du Parti national panafricain (PNP), aujourd’hui  contraint à la clandestinité.

Nul doute qu’avec une opposition qui ne cesse de s’étioler, l’actuel président,  arrivé au pouvoir en 2005 et aujourd’hui à son quatrième mandat, peut entrevoir, sans trop de soucis, les échéances de 2025 et 2030.

Et pourquoi pas au-delà, au détour  d’une autre révision constitutionnelle ? 

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemardi, 05 mars 2024 23:00

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