Guinée : pas touche mon attentat ! Spécial
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Le 19 juillet 2011, Alpha Condé échappait à un attentat à son domicile. Immédiatement après, c’est l’emballement médiatique. Le Président miraculé est sur tous les médias internationaux, narrant d’une voix héroïque l’évènement. Les médias guinéens ne seront pas en reste, la télé guinéenne diffusant en boucle, pendant une semaine, le défilé ininterrompu d’hommes et de femmes partis saluer «Le miracle» et remercier les cieux d’avoir préservé la vie d’un homme providentiel. Et Condé paradait, faraud, devant micros et caméras.
Et stupeur dans le monde ! Le 25 juillet, le décret tombe comme un couperet, ce n’est pas une image de rhétorique, car le Président Condé veut effectivement passer la presse à la guillotine, avec dans le rôle du bourreau la sœur Martine, Présidente du Conseil national de la communication. En effet, le décret interdit à tous les médias publics et privés du pays de parler de l’attentat. De son attentat ! Un tel revirement laisse circonspect ! Craint-il que les médias éventent des choses nauséeuses, des vérités bien dérangeantes ? Par cet acte, il alimente la rumeur qui nie la réalité de l’attentat du 19 juillet. «Pure mise en scène, un prétexte pour faire des purges dans l’armée et dans les rangs de l’opposition», dit-on. Nul ne peut, au vu de cette censure, balayer du revers de la main ces allégations. Comme la presse, en fin limier, commençait à renifler, à flairer le subterfuge, le Président-professeur a ordonné à Martine Condé de mettre la muselière au sale cabot.
En fait, l’opposant historique devenu président a réellement du mal à se glisser dans le costard du démocrate. Il y a constamment en lui une personnalité double et trouble : Docteur Jekyll et Mister Hyde, en somme. Démocrate, il l’est dans ses propos dans les fora internationaux tandis que dans les actions, c’est le dictateur qui triomphe. D’où sa difficulté à admettre que la démocratie n’est pas à géométrie variable : démocrate, on l’est ou ne l’est pas !
Pourtant Condé devrait prendre garde, car si les Guinéens ont condamné l’attentat qui l'a visé, ils n’accepteront pas non plus l’attentat qu’il fait à leur intelligence en refusant que la lumière des médias dissipe les ombres. Un peuple qui a subi Sékou Touré pendant deux décennies, qui est coutumier des faux complots et des purges d’opposants ne se laissera pas berner par un nouveau venu, fût-il professeur. Ils savent tous qu’entre Conté et Condé la différence est mince et que la vigilance doit être de rigueur. Professeur Condé, les Guinéens ne sont pas des cons dê !
Il est incompréhensible que celui qui avait promis de sortir en 5 ans la Guinée de son demi-siècle de dictature et de misère, au lieu d’atteler rapidement une locomotive de TGV au train du pays, passe le temps à tripatouiller les textes, à traquer l’opposition et à museler les médias! Tel un cheminot étourdi, il a mis la locomotive à l’arrière des wagons, ramenant le pays à l’époque noire de Sékou Touré…
Pourquoi les opposants historiques salissent-ils les rêves et les espérances de ceux qui les ont portés au pinacle ? Gbagbo, Wade, Condé ! Du gâchis. C’est à se demander si, en plus des verrous à mettre aux Constitutions nationales pour empêcher les présidences à vie, il ne serait pas temps de penser aussi à des clauses pour recaler les opposants au long cours.
Alcény Barry