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Dialogue intertogolais : Petite recréation avant la lutte finale ?

Combien étaient-ils le samedi 3 février 2018 dans les rues de Lomé ? Plus d’un  million, c’est-à-dire les deux tiers des habitants de la capitale,  comme l’affirme  Jean-Pierre Fabre ? Sans doute beaucoup moins  mais qu’ils fussent un million, cinq cent mille ou deux cent cinquante mille, c’est toujours avec la même foi qui peut déplacer les montagnes que les contempteurs du président Faure Essozimna Gnassingbé ont battu le pavé. Une ferveur  d’autant plus accrue que c’était la dernière des manifestations de rue avant l’ouverture du dialogue intertogolais,  prévue pour le 15 février prochain.

L’annonce en a été faite  vendredi par le Ghanéen Albert Kan Dapaah et le Guinéen Tibou Camara, les deux  émissaires mandatés par les présidents Nana Akuffo Addo et Alpha Condé pour ce qui s’annonce être tout sauf une partie de plaisir tant les lignes de fracture  qui séparent opposition et pouvoir togolais  sont si profondes qu’on se demande  comment elles pourraient être résorbées si ce n’est , il faut le craindre hélas, dans la douleur, les larmes et le sang.

Les données du problème sont , on ne le sait que trop, très claires. Au motif que les différentes parties n’arrivent pas à s’accorder, la majorité présidentielle a en effet décidé de recourir « au peuple souverain » pour les départager lors d’un référendum qui porterait notamment sur le plafonnement  à deux du nombre de mandats présidentiels (aujourd’hui illimités) et  l’adoption du mode de  scrutin à deux tours pour la course à la magistrature suprême en lieu et place du « un coup K.-O. » en vigueur actuellement.  Des propositions qui recoupent pour l’essentiel  les  revendications matricielles des adversaires du régime, sauf que pour ceux-ci, ce serait une façon pour le chef de l’Etat, qui a hérité du fauteuil  de papa  depuis la mort de ce dernier  en 2005,  de remettre son compteur présidentiel à zéro pour se taper deux nouveaux baux  sous l’emprise de la nouvelle loi. Et ils n’ont  cessé de réclamer son départ pur et simple par la promesse solennelle qu’il ne se représenterait pas à la prochaine élection.

Dans ces conditions, des desseins aussi contraires peuvent-ils trouver le plus petit dénominateur politique commun pour que le dialogue projeté se tienne et soit efficient ? Nonobstant les craintes légitimes, la Coalition de l’opposition a promis d’être autour de la table le jour J .  Si et seulement si les mesures d’apaisement qu’elle réclame  sont prises d’ici là . Car, prévient le chef de file de l’opposition, « si l’évaluation n’est pas concluante, nous ne continuerons pas les discussions tant que les mesures d’apaisement n’ont pas été achevées ».   

Faure sait donc ce qu’il lui reste à faire : entre autres décisions, élargir les sept personnes détenues dans le cadre des incendies des marchés de Kara et de Lomé ainsi que celles interpellées suite aux manifestations de l’opposition qui se succèdent depuis le 19 août 2017 mais que le gouvernement entend prendre « dans le cadre des procédures judiciaires en cours ».

 En fait, l’opposition est un peu piégée par ces pourparlers  . Elle sait sans doute pertinemment  qu’ils  ne mèneront à rien ou en tout cas pas à grand-chose  mais qu’elle  n’y  aille pas  et on dira qu’elle est intransigeante, irrédentiste, voire antidémocratique, puisqu’il n’y a aucune raison pour des gens qui se disent démocrates de ne pas vouloir donner la parole au peuple. Sauf que  les dés sont toujours pipés dans ces démocratures où le bon peuple dont on se réclame tant répète ce qu’on veut bien lui dire.

On se demande donc  si ce dialogue ne sera pas une petite récréation-diversion  avant que  la lutte (finale ?) reprenne  de plus belle. Mais il faut d’abord et déjà qu’il se tienne à bonne date quand on sait que depuis quelques semaines les différents protagonistes tergiversent à n’en pas finir.

 

La Rédaction

Dernière modification lelundi, 05 février 2018 22:34

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