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Intelligence de la foi: Qu’est-ce qu’être chrétien quand on est Africain ?

On pourrait formuler autrement cette question : peut-on être un vrai chrétien et être un Africain authentique ?Cette interrogation rejoint celle de beaucoup d’autres personnes dans les choix qu’elles opèrent dans la vie. Beaucoup de chrétiens, en Occident, se demandent aujourd’hui s’il est possible d’être vraiment chrétien tout en assumant la réalité de la modernité, de la postmodernité. En Afrique, nous sommes toujours écartelés entre un désir d’indépendance et une indépendance dépendante. Nous nous demandons aussi s’il faut « fabriquer » une démocratie à l’européenne ou une démocratie à l’africaine inspirée du modèle traditionnel de la gestion de nos sociétés. De la même manière, nous continuons à nous demander s’il est possible de concilier l’Africain authentique et le chrétien authentique. Comme chrétien, un Africain est-il condamné à vivre une vie tendue, écartelée entre l’Africain qu’il n’a pas choisi d’être et le chrétien qu’il a choisi d’être ? La vérité de sa vie réside-t-elle dans la tension permanente du chrétien et de l’Africain en lui ou dans l’élimination d’un des deux ? Dans ce cas, lequel des deux doit-il enrayer ? L’Africain qui colle à sa peau comme essence, ou le chrétien qui colle à son être comme existence ? Y a-t-il une réconciliation possible des deux qui donnent sens et unité à sa vie ?  Quoi qu’il en soit, on l’observe autour de nous : il n'est pas facile aux chrétiens africains de concilier leur foi avec les réalités culturelles et traditionnelles de leur milieu. On dit souvent que certains chrétiens vont voir le prêtre le jour et le féticheur la nuit. Nous posons donc, ici, un des graves et éternels problèmes de la théologie chrétienne, celle d’hier et celle d’aujourd’hui : le problème de la spécificité du christianisme, considéré comme religion historique et révélée. Un christianisme qui a toujours été mis en demeure de se justifier, de réfléchir sur sa nature profonde, sur ce qui fait qu’il peut ou pas s’adapter à tel ou tel contexte, à telle ou telle culture. Se demander si on peut être Africain authentique et chrétien authentique, ce n’est donc pas interroger seulement l’être de l’Africain, mais interroger aussi le christianisme lui-même. En même temps, la question qui nous préoccupe nous conduit à penser le rapport de l’Occident chrétien avec le reste du monde et à considérer comme profondément injustifié ce qu’il est convenu d’appeler l’impérialisme culturel de l’Occident qui, volontairement ou non, consciemment ou non, semble souvent réduire le christianisme aux dimensions de sa réalisation historique (contingente) en Occident. Nous sommes même renvoyés au contexte du vaste mouvement de la négritude et de la revendication de l’identité culturelle des peuples noirs. L’ouvrage intitulé Des prêtres noirs s’interrogent, publié en 1956, s’inscrit dans ce vaste mouvement avec son souci de contribuer à l’éclosion d’un christianisme authentiquement africain. Voilà, les questions sont posées. Elles sont difficiles, mais elles demandent des réponses. D’ores et déjà, on peut peut-être s’entendre sur ceci : l’Evangile n'est pas occidental ; le Christ, Parole de Dieu, qui a annoncé la Bonne Nouvelle aux hommes, n'est ni Français, ni Anglais, ni Portugais, etc. Né juif, pétri de la culture juive, il est mort juif. C'est dans ce monde qu'il a exercé son ministère. La  Bonne Nouvelle dont Il a été le messager s'est coulée dans les schémas mentaux, les us et coutumes, la sensibilité et la psychologie sémitiques. Entre le christianisme et les religions africaines, il faut qu’il y ait dialogue. Le dialogue dit que l’Afrique accepte de devenir chrétienne dans la mesure où le christianisme accepte de devenir africain.

 

 

P. Jean-Paul Sagadou

Assomptionniste

 

 

Commentaires   

+1 #1 Benoît B. 16-02-2018 14:29
"La rencontre du Christianisme aujourd’hui avec d’autres cultures non-occidentale s, c’est toujours la rencontre entre deux cultures ! Et non pas la rencontre d’un christianisme pur, ni même d’un évangile pur, avec une culture" Claude Geffré
Définition de l’inculturation par la commission
Théologique internationale : « D’un coté l’Évangile révèle à chaque culture, et libère en elle, la valeur dernière des valeurs qu’elle porte. De l’autre, chaque culture exprime l’Évangile de manière originale et en manifeste de nouveaux aspects »
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