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Sierra Leone : Suivre l’exemple libérien

Qui de Samura Kamara, le candidat du parti au pouvoir, ou de Julius Maada Bio de l’opposition pour succéder au président Ernest Baï Koroma en Sierra Leone ?

 

Le suspense demeure entier 48 heures après la tenue du second tour de l’élection présidentielle ce 31 mars. Julius Maada Bio va-t-il s’imposer en creusant l’écart des voix obtenues au premier tour, 43,3% contre 42,7 ? Ou, au contraire, Samura Kamara va-t-il inverser la tendance ?

En l’absence de résultats partiels, les commentaires vont bon train et sur les chances des deux candidats et sur le climat sociopolitique dans le pays après ces élections ; en effet, on a frôlé une crise majeure quand, le 24 mars, une décision de la Haute Cour de justice suspendit les préparatifs du second tour sur requête d’un militant du parti au pouvoir.

Le requérant mettait à l’index de présumées irrégularités et fraudes graves susceptibles  d’entacher la sincérité des résultats du premier tour. Etant dit que la campagne électorale a été marquée par des violences sporadiques entre les partisans de la majorité et ceux de l’opposition, la crainte d’une dégradation du climat social dans le pays est vite apparue.

En effet, l’opposition avait menacé de faire descendre ses partisans dans la rue, son candidat accusant celui du pouvoir de « pousser la Sierra Leone au bord du chaos par des manœuvres dilatoires ». Des responsables religieux et des associations de la société civile avaient alors multiplié les appels au calme afin que le second tour de l’élection présidentielle se déroule dans la paix.

Ce fut chose faite samedi dernier, après un report du scrutin de trois jours qui a ajouté au suspense d’une présidentielle serrée entre les deux partis : l’APC, actuellement aux affaires, et son challenger, le SLPP, qui ont dirigé tour à tour le pays depuis son indépendance en 1961.

Le suspense et le score serré à cette présidentielle s’expliquent par l’indécision des électeurs à provoquer l’alternance ou à opter pour la continuité avec le parti qui a fait germer les graines de la réconciliation nationale après la guerre civile (1991-2002). Mais que le candidat de l’opposition arrive en tête du scrutin est une preuve que la volonté d’alternance n’est pas loin de l’emporter au finish.

De fait, le pouvoir de Baï Koroma est accusé par l’opposition d’incurie qui a gangrené le pays par une corruption omniprésente. A ce propos, le scandale le plus retentissant est le détournement de plus de 5,7 millions de dollars des sommes versées par la communauté internationale pour lutter contre l’épidémie d’Ebola qui a meurtri le pays entre 2014 et 2016.

Par ailleurs, le gouvernement a fait montre d’une absence de réactivité fâcheuse quand, en août 2017, des inondations ont affecté Freetown, faisant plus de 1000 morts et des dizaines de milliers de déplacés. De quoi refroidir les électeurs, tentés par le changement même avec sa part d’incertitudes.

Dans l’attente que la Haute Cour de justice mette fin au suspense, on fera remarquer qu’alternance ou pas, les Sierra Léonais ne doivent pas perdre de vue la fragilité socio-économique de leur pays, qui a été si durement éprouvé par la guerre civile et l’épidémie d’Ebola (2014-2016).

Cette présidentielle ne doit pas être le prétexte à des dérives menaçant la paix et l’unité nationale. Au contraire, le verdict des urnes et l’expression démocratique qu’il traduit doivent être comme du ciment qui bétonne davantage la volonté commune de vivre ensemble et de construire une prospérité nationale  partagée.

Vivement donc que les Sierra-Léonais prennent l’exemple sur leurs voisins libériens. Ces derniers, dans les mêmes circonstances d’après-guerre civile et d’épidémie d’Ebola, ont réussi l’organisation d’une présidentielle apaisée avec, cerise sur le gâteau, l’alternance, prémices d’une maturité démocratique et, pourquoi pas, d’un meilleur développement socio-économique.

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification lemardi, 03 avril 2018 21:57

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