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Procès putsch manqué : L’audition des accusés débute le 6 avril

Il appartient à la défense de prendre les dispositions pour faire comparaître ses témoins ; c’est ce qu’a décidé le tribunal militaire de Ouagadougou. Et dans la poursuite de l’audience, la lecture de l’arrêt de renvoi a été ordonnée. Cette lecture s’est étalée sur deux jours, du vendredi 30 et au samedi 31 mars 2018. On a noté le déport de deux avocats, Mes Halidou Ouédraogo et Issaka Zampaligré, constitués auprès de l’ancien Bâtonnier Mamadou Traoré. Dans la foulée, l’audience a été suspendue et elle reprendra le vendredi 6 avril prochain avec le début de l’interrogatoire des accusés.

 

Le président de la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou a estimé qu’il n’appartient pas au parquet militaire d’adresser des citations à témoins pour ce qui est des personnalités que certains accusés ont souhaité voir à la barre ; autrement dit, Seydou Ouédraogo et les autres membres du tribunal n’ont trouvé aucune disposition légale dans le Code de justice militaire qui fait obligation au procureur de faire comparaître les témoins voulus par les accusés. C’est du reste ce qui est ressorti de leur décision no 009 du 30 mars 2018.

Par conséquent, il revient aux accusés de faire les diligences nécessaires afin de citer leurs témoins. À l’issue des débats houleux lors de la ‘’guerre des témoins’’, la chambre a retenu la liste du procureur militaire, forte de 42 noms, ainsi que celles des accusés Nobila Sawadogo (3 noms) et Boué Siénimi Médard (3  noms). Elle a également accepté de prendre la déposition de l’expert Younoussa Sanfo.

En marge de ladite décision, la chambre s’est aussi prononcée sur le mémoire introduit par Me Dieudonné Bounkougou, l’un des conseils du général de gendarmerie Djibrill Bassolé. L’avocat demandait, en effet, au président du tribunal de constater qu’il n’a pas été saisi par l’arrêt de renvoi, puisque le document ne fait pas mention d’une quelconque chambre de première instance, voire de chambre de jugement. Me Bonkoungou avait également plaidé afin que Seydou Ouédraogo et ses pairs déclarent la nullité des citations à comparaître décernées aux accusés Djibrill Bassolé, Boureima Kéré et au capitaine Abdoulaye Dao, parce que ces citations ne mentionnent pas non plus l’appellation de chambre de première instance.

Le président a donc jugé ce mémoire recevable en la forme, car ayant respecté les exigences légales, mais il s’est par contre dit incompétent pour opiner sur la régularité ou pas de l’arrêt de renvoi. Il a en outre rejeté la demande de nullité des citations à comparaître des accusés ci-dessus cités  comme étant mal fondée.

Sur ces entrefaites, les témoins validés ont été conduits dans la salle à eux réservée, d’où ils ne vont plus suivre les débats qui se dérouleront au prétoire.

 

La défense demande une suspension de deux mois

 

«Monsieur le Président, merci pour votre jugement avant dire droit no 009, nous avocats de la défense demandons une suspension de 30 minutes pour nous concerter », a déclaré Me Dieudonné Bonkoungou. Cette requête a été validée par le président du tribunal.

A la reprise de l’audience, l’avocat du général de gendarmerie a signifié que la défense aurait besoin de deux mois pour dresser les citations à témoins afin de se conformer à la décision rendue. Ce qui a fait réagir le procureur militaire. «Monsieur le Président, véritablement vous avez déjà tranché sur la question. Le Code de justice militaire en son article 118 stipule qu’au cours des débats, vous pouvez faire venir des témoins afin qu’ils éclairent votre religion. C’est pour vous dire que nous n’occultons pas du tout l’intérêt que la défense a à faire citer ses témoins ; mais nous pensons que cela n’est pas possible, vous demandez deux mois de suspension afin de faire des notifications, c’est difficilement acceptable en droit », a soutenu le procureur militaire Alioun Zanré. «On ne peut pas vous demander de surseoir afin de leur donner du temps pour faire ce qu’ils auraient dû faire il y a longtemps», a renchéri le substitut du procureur Sidi Békaye Sawadogo.

Après 15 minutes de suspension, Me Prosper Farama et ses confrères de la partie civile ont également jugé inopportune la requête de leurs adversaires. Ils ont demandé au tribunal de faire recours à l’article 118 au besoin vu que la question a déjà été débattue et tranchée. Il était 10 h 46 minutes lorsque Seydou Ouédraogo et les autres membres du tribunal sont entrés en délibération. Ils y passeront globalement une heure avant de ressortir signifier aux avocats de la défense qu’ils n’accèdent pas à la demande de suspension de deux mois. « Monsieur le Président, c’est juste vous dire que nous ne pourrons pas assister nos clients dans ces conditions », a répliqué Me Dieudonné Bonkoungou qui s’apprêtait à quitter la salle. Il est suivi par tous les avocats de la défense à l’exception de cinq conseils, à savoir Mes Halidou Ouédraogo, Issaka Zampaligré, Mamadou Sombié, Mahamadi Sawadogo et Rokia Ouattara.

«Oh ! Allez-y, sortez ! Sortez … », a dit une voix masculine, apparemment exaspérée par l’attitude de la défense. «Prenez son identité et expulsez-le de la salle », a ordonné Seydou Ouédraogo. Le policier de l’audience met alors en branle les forces de l’ordre qui étaient dans la salle. Deux d’entre eux s’approchent d’Aboubacar Yelnogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, puis le conduisent hors du prétoire. Il est, en réalité, le président de l’Association des parents des victimes du putsch manqué et de l’insurrection populaire, donc partie civile au procès. D’autres personnes se trouvant dans ce cas de figure le rejoignent dans l’optique de connaître la suite qui sera donnée à cet incident. Les forces de sécurité ont expliqué aux jeunes qui étaient prêts à manifester qu’ils ont réagi ainsi afin de permettre au sieur Yelnogo de retrouver ‘’ses esprits’’ avant de réintégrer la salle. Mais ce dernier repartira tranquillement à bord de son véhicule à la suspension de l’audience à 12h05.

 

Les 9 accusés en fuite sommés de se présenter dans un délai de 10 jours

 

Dans la foulée, Seydou Ouédraogo a pris une ordonnance enjoignant aux 9 accusés en fuite de se présenter dans un délai de dix jours s’ils ne veulent pas être jugés par défaut : il s’agit de DIENDERE née Diallo Fatoumata ; KABORE Emile René ; DEKA Mahamadi ; SONGOTOWA Zakaria ; ZOUGNOMA Issoufou ; BOUGOUMA née Kagoné Téné Alima ; TRAORE Abdoul Karim André ; KAGAMBEGA Timpoko, dite Marguerite, et KINDA Yacouba. L’audience a été suspendue puis reprise à 13h40 avec la lecture de l’arrêt de renvoi, un volumineux document de 196 pages.

Au septième jour de l’audience, soit le samedi 31 mars, le procès s’est poursuivi avec toujours la lecture de l’arrêt de renvoi jusqu’à ce que le président du tribunal interrompe le greffier.

Seydou Ouédraogo a remarqué la présence au prétoire de Me Issaka Zampaligré qui n’était pas en tenue réglementaire. Le conseil, qui faisait partie de ceux qui étaient restés dans la salle la veille, n’avait pas en effet porté sa robe, il était en costume cravate. Interpellé par le juge, l’avocat s’en excusera, indiquant qu’il était venu à l’audience en vue de déposer un courrier pour le président. Ce qu’il a fait avant de quitter la salle.

Après la lecture de l’arrêt de renvoi qui aura duré plus de sept heures, étalée sur deux jours, Seydou Ouédraogo a procédé à la vérification des différents conseils constitués.

Du côté de la défense, après la saignée de la veille, il n’y avait plus que cinq avocats présents, 2 commis d’office et 3 choisis. Interrogé pour comprendre pourquoi ils ont fait bande  à part, n’ayant pas suivi la politique de la chaise vide pratiquée par leurs confrères, l’un d’entre eux se défendra en soulignant que la défense est plurielle. « Chacun a sa stratégie. Ceux qui sont sortis ont leur raison, nous qui sommes restés avons nos raisons », a-t-il expliqué.

Sur demande du parquet, il  a été procédé à la vérification des présences des accusés avant l’examen de demande de liberté provisoire. Et on a noté trois absents en plus des deux dont les citations avaient été annulées : il s’agit de Ouédraogo Adama, dit Damiss, de Baguian Abdoul Karim, dit Lota, et de Nanema Ousséini Faisal. C’est là que le parquet militaire a requis l’application de l’article 150 du code de procédure pénale.

 

Mes Halidou Ouédraogo et Issaka Zampaligré se déportent

 

Après cette vérification, Seidou Ouédraogo a lu deux lettres déposées par les avocats de l’ex-bâtonnier Mamadou Traoré. La première est celle qui avait été envoyée un peu plus tôt par Me Issaka Zampaligré, et la seconde a été rédigée par Me Halidou Ouédraogo. Les deux conseils y annoncent leur déport.  Les motifs : Me Zampligré n’est pas d’accord avec la procédure en cours et Me Halidou a des divergences avec son client.

Place à présent à l’examen des demandes de liberté provisoire déposées par quatre accusés : le sergent-chef  Laoko Mohamed Zerbo,  le sergent-chef Roger Koussoubé dit « Le Toureg », le soldat de 1re classe Abdou Compaoré et Minata Guelwaré.

Laoko Mohamed Zerbo a justifié sa requête par le fait qu’il doit s’acquitter de certains rites après le décès de son père, sans quoi sa mère ne pourra pas réintégrer la cour familiale. Il doit également effectuer des démarches pour la pension de  sa mère.

Alioun Zanré a estimé qu’en l’étape actuelle de la procédure, la demande n’avait pas d’intérêt et vu que le procès est déjà entamé, « même une liberté provisoire ne permettra pas de régler le problème ». Pour ce qui est de la pension, le procureur militaire a souligné que l’accusé pouvait bénéficier de permission s’il en faisait la demande et faire ainsi effectuer ses courses.

Roger Koussoubé, lui, veut se rendre au chevet de sa femme malade. Elle a été victime d’un accident, renversée par un colonel au camp alors qu’elle s’y rendait pour rendre visite à son époux à la MACA. Ses explications n’ont pas réussi à attendrir le parquet militaire qui a souhaité que le président rejette la demande qui serait également inopportune.

 

Pas de liberté provisoire pour Le Touareg

 

Minata Guelwaré a aussi avancé des raisons sanitaires, ce ne serait pas la grande forme depuis son incarcération. De plus, «à l’école ça ne suit plus pour mon fils » et elle voudrait sortir pour s’occuper de l’éducation de son rejeton. Le substitut Sidi Békaye Sawadogo a rappelé que dame Guelwaré a été arrêtée en vertu d’un mandat d’arrêt international et qu’elle s’était cachée pendant longtemps pour échapper à la justice en utilisant notamment une fausse identité. Par conséquent, le parquet a estimé que rien ne garantit qu’elle va se présenter à nouveau une fois élargie. Il a conclu que le juge ne devrait pas accéder à cette requête.

Le cas du soldat de 1re classe Abdou Compaoré est particulier, car lui  avait déjà bénéficié d’une mise en liberté provisoire. Mais le 5 février 2018, il a été envoyé en mission au Mali alors qu’il avait reçu une notification le 29 janvier pour comparaître à l’audience du 27 février. Il a assuré avoir parlé de sa situation judiciaire à ses supérieurs qui n’ont pas trouvé d’inconvénient à ce qu’il parte en mission.

Faux ! S’est exclamé le parquet militaire pour qui l’accusé ne s’était adressé qu’à un greffier au tribunal militaire.

A la suite de l’exposition de ces différents motifs, l’audience a été suspendue à 12h pour permettre au tribunal de délibérer.

Une demi-heure plus tard, Seydou Ouédraogo a annoncé que les requêtes de Mohamed Zerbo, de Roger Koussoubé et de Minata Guelwaré ont été rejetées, car mal fondées. Le cas du soldat Abdou Compaoré a été renvoyé pour vérification complémentaire.

C’est ce moment qui a été choisi par le président du tribunal pour suspendre l’audience. Elle reprendra le vendredi 6 avril 2018 à 9h avec le début de l’interrogatoire des accusés. Le président a précisé qu’aucun ordre de passage n’a été établi pour le moment.

 

San Evariste Barro

Aboubacar Dermé

Hugues Richard Sama

J. Benjamine Kaboré

Dernière modification lemardi, 03 avril 2018 21:59

Commentaires   

0 #1 Maitre Issaka ZAMPAL 03-04-2018 09:15
Le compte rendu de l'audience du Tribunal Militaire de Ouagadougou, qui est fait dans cet article sur les raisons du déport de Maître Issaka ZAMPALIGRE, dont la lettre a pourtant été lue en audience publique, est inexact. Je vous prie de bien vouloir prendre l'attache du Parquet Militaire ou de son greffe afin de rectifier cela. Bien cordialement,
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