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Procès putsch manqué : Ces déports qui bloquent la machine judiciaire

Comme on le devinait, le procès du putsch manqué a encore connu un coup d'arrêt le 6 avril 2018. Sitôt ouverte, l’audience a été suspendue et renvoyée au 9 mai prochain. Il ne pouvait pas en être autrement puisque 14 avocats de la défense ont transmis à la Cour leur lettre de déport pour des motifs divers : refus du tribunal d'accorder un délai pour citer les témoins des accusés, refus de la Cour de cassation de statuer sur la demande de récusation du président du tribunal... Tout cela a fait dire à la défense que le minimum de conditions d’un procès équitable n’est pas réuni.

 

A l'audience du 6 avril, on pensait enfin voir les choses « sérieuses » commencer avec les interrogatoires des accusés, consacrant ainsi la fin d'une longue bataille procédurale. Mais c'était compter sans la stratégie des hommes en robe noire agissant aux côtés des accusés. C’est autour de 9 heures 10 minutes que l’audience a débuté vendredi dans la salle des Banquets de Ouaga 2000. Dès l’entame, le président du tribunal militaire, Seidou Ouédraogo, a lu 14 lettres de déport des avocats de la défense dans lesquelles ceux-ci invoquaient, entre autres, des raisons de convenance personnelle, le refus de prendre en compte les témoins cités par les accusés et le refus de la Cour de cassation de statuer sur la demande de récusation du président du tribunal. Ce qui aux yeux de la défense ne permet pas la tenue d'un procès équitable pour faire jaillir la lumière dans ce dossier.

Le décompte révèle que 14 avocats ont quitté le dossier, laissant sans conseils douze d’accusés : Ollo Stanislas Pooda, Moussa Nébié, dit Rambo, Mahamady Deka, Eloi Badiel, Gbondjaté Dibloni, Ousséini Fayçal Nanema, Abdoul Kadri Dianda, RelwindéCompaoré, AmadouLy, Paul Sawadogo, Ardjouma Kambou et Nobla Sawadogo.

Après la lecture de toutes les lettres de déport, le président du tribunal a donné la parole au parquet militaire pour apprécier la situation. Le commandant Alioun Zanré a estimé que, conformément à la loi, le procès ne peut pas se poursuivre en l’absence des avocats de la défense, car les accusés ont obligatoirement droit à des conseils ; il s’agit en effet d’une affaire criminelle. C'est pourquoi le ministère public a demandé la suspension de l’audience. « C’est très dommage. La loi, elle est dure, mais c’est la loi. Monsieur le Président du Tribunal, nous demandons une suspension pour le respect strict de la loi,car nous sommes là pour faire respecter la loi», a déclaré le procureur militaire dans sa réquisition.  Une requête à laquelle le président du tribunal a accédé «afin de permettre au bâtonnier de désigner des avocats commis d’office ». Ainsi, l’audience  reprendra le mercredi 9 mai 2018 à 9 heures.

 

« Les mêmes causes produisent les mêmes effets »

 

Me Prosper Farama, avocat de la partie civile, a dit comprendre cette situation, même s'il dénonce la volonté de ses confrères de paralyser le procès : « La loi dit qu’en matière criminelle, lorsqu’un accusé n’a pas d’avocat pour l’assister et le défendre, le procès ne peut pas se tenir. Le constat, c’est que la défense veut qu’il y ait une paralysie du procès. Cela ne nous étonne pas. Nous restons serein. Dans tous les cas, nous sommes persuadé que ce procès aura lieu. Et que nous irons au fond. On saura qui a fait quoi exactement. On saura pourquoi des Burkinabè ont été traumatisés, tués deux semaines durant par nos propres militaires. Celui qui devra prendre la sanction la prendra. Celui qui est innocent sera innocenté », a-t-il souligné, l’air amer.

Me Mamadou Keita, un avocat de la défense, a dit espérer que les choses s'arrangeront pour que soient évités les écueils la prochaine fois, car, a-t-il prévenu, « les mêmes causes produisent les mêmes effets ».

C’est pourquoi il faut espérer que toutes les diligences seront faites afin que, le 9 mai prochain, la reprise de l’audience soit pour de bon cette fois.

 

Abdou Karim Sawadogo

Hugues Richard Sama

 

Encadré

Ces avocats se sont déportés

 

Le cabinet Somé et associés, la SCPA Legalis, le Cabinet A. M. Zongo, la SCPA Yaguibou et Yanogo, la SCPA Ouattara-Sory et Salembéré, Me Paul Taraoré, la SCPA Concilium, la SCPA Trust Way (trois lettres de déport), la SCPA Le Rocher, Me Olivier Yelkouni, la SCPA LEX AMA (Me Birba et associés), le cabinet d’avocats Mamoudou S.

A cette liste s’ajoutent les déports déjà effectués par Mes Issiaka Zampaligré et Alidou Ouédraogo.

 

Dernière modification lelundi, 09 avril 2018 21:57

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