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Dialogue intertogolais : Un pas en avant, deux en arrière

 

Le climat social s’est de nouveau dégradé à Lomé depuis mercredi dernier. L’opposition, mécontente de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations avec le pouvoir, voulait organiser de nouvelles manifestations pour prendre les populations togolaises à témoin de l’intransigeance du camp adverse. Des marches suivies de meetings étaient ainsi prévues dans les principales villes du pays non seulement mercredi et jeudi mais également demain samedi.

 

Marches interdites par le gouvernement qui, pour cela,  s’appuie sur  la recommandation du facilitateur, le président  Nana Akufo-Addo du Ghana : en effet,  ce dernier  souhaite  voir  les négociations entre protagonistes de la classe politique togolaise se dérouler  dans un contexte d’apaisement général. Aussi a-t-il suggéré aux deux camps de surseoir à toute manifestation. Vaine exhortation du président ghanéen, qui voit l’opposition monter sur ses grands chevaux,  déterminée  à user de manifestations de rue, insidieusement  baptisées « arme de dissuasion massive », face à la frilosité d’un pouvoir qui revient de loin.

 

C’est à croire que les Jean Pierre Fabre et Brigitte Adjamagbo n’ont  renoncé que du bout des lèvres à leur scénario insurrectionnel pour faire partir Faure Gnassingbé du pouvoir. A l’opposé,  longtemps groggy  parce que surpris par l’ampleur des  contestations de rue, le gouvernement  veut désormais affirmer l’autorité de l’Etat. Voilà qui explique qu’il ait sorti l’artillerie lourde pour étouffer  ces nouvelles manifestations de l’opposition.

Face donc à une opposition susceptible et à un pouvoir frileux, c’est  la quadrature du cercle pour le facilitateur pour trouver le plus petit dénominateur commun afin de sortir le Togo de la grave tension politique dans laquelle il tangue depuis 8 mois maintenant. De fait, le dialogue entre pouvoir et opposition, qui a mis du temps à s’instaurer, s’est vite grippé à cause des positions diamétralement antagoniques et de l’intransigeance de chaque camp : ainsi, quand l’opposition pose comme condition sine qua non à la poursuite des négociations le retour à la Constitution originelle de 1992, le pouvoir y met un veto catégorique, dénonçant des réformes politiques intuitu personae, c'est-à-dire dirigées contre un individu, Faure Gnassingbé, que ses adversaires voudraient exclure du jeu politique.

Ci-gît l’impasse, et Nana Akufo-Addo était bien obligé de suspendre une deuxième fois ces pourparlers. Pour combien de temps ? Difficile de risquer une réponse d’autant  plus que les dernières manifestations réprimées de l’opposition ne vont  pas faciliter le retour à la table des négociations.

 

Pour l’opposition, sa présence à la table des négociations ne doit pas être interprétée comme un aveu de faiblesse ni un somnifère pour l’endormir afin de la détourner de sa  revendication principale : l’alternance maintenant, ou tout le moins à la présidentielle de 2020. Les manifestations annoncées et réprimées  visaient  à réaffirmer cet  objectif prioritaire de la coalition des 14 partis d’opposition. Rien d’étonnant alors que Jean Pierre Fabre affirme : « Nous avons trop cédé depuis 1992, nous ne céderons plus rien ».

 

 Pourtant les derniers appels à manifester lancés par la coalition de l’opposition n’ont pas mobilisé grand monde. L’ambiance de la contestation du pouvoir ce mercredi et ce jeudi n’était pas celle des grands jours. Seuls quelques centaines de manifestants avaient répondu à l’appel de l’opposition, un petit nombre qui  a facilité leur dispersion par les forces de l’ordre.

On en déduit qu’il y a comme un air de lassitude des Togolais à descendre dans la rue, et l’opposition devrait revoir sa copie : on ne peut pas tendre la main droite à la table des négociations et tenir le coutelas de la contestation par la rue dans l’autre. Il n’appartient pas qu’au facilitateur de trouver la potion magique pour une sortie de crise. Le pouvoir et l’opposition doivent y mettre du leur. Accepter de négocier, c’est accepter de faire des concessions. Sinon, gare à la dérive de la crise à la cadence du un pas en avant deux en arrière.

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 15 avril 2018 19:26

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