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Alpha Condé 6 mois après : L'art d'être cassant Spécial

La Guinée a, en la personne du Professeur Alpha Condé,  depuis le 21 décembre 2010, son tout premier président démocratiquement élu. L’opposant historique remporta la bataille des urnes, de haute lutte, et ne coiffa son rival, Cellou Dalein Diallo, que d’une courte tête. A l’issue de la proclamation des résultats de la présidentielle, on nota des remous par ci par là, mais ils n’eurent pas l’ampleur des contestations habituelles dont moult pays africains se retrouvent régulièrement frappés et qui conduisent irrémédiablement aux incommensurables chaos que l’on sait. Presque tout normalement, le professeur jadis opposant s'est revêtu de ses apparats de président de la République et est désormais le chef d’Etat de la Guinée ; de tous les Guinéens, ainsi qu’il aime lui-même le répéter.

 

Nul ne se risquerait sérieusement à établir un bilan, après seulement six mois de présidence. Et surtout pas dans ce pays dont on avait presque fini par croire qu’il était voué à subir éternellement quelque malédiction des dieux : après les 26 années de plomb de Sékou Touré, vinrent les 24 ans de l’incontestable et sénile Lansana Conté.

A la disparition de ce dernier, les Guinéens n’eurent pas le temps de pousser un ouf de soulagement : Dadis, le sauveur, s’était rapidement mué en quasi dictateur et ce fut sa fâcheuse alternation avec un certain Toumba qui permit l’heureux avènement de Sékouba Konaté, celui par lequel de vraies élections libres et démocratiques furent offertes aux Guinéens ; ce qui, à son tour,  permit à l’actuel président de gravir les marches du palais.

La Guinée, au jour d’aujourd’hui, économiquement, est au plus bas. L’impulsion désastreuse des deux premiers présidents aura constitué un freinage continu dont le pays peine à se relever. Tout y est en ce moment prioritaire, depuis l’enseignement jusqu’aux infrastructures, en passant par le domaine sanitaire. Tout y est à construire, chose hautement paradoxale, car ce pays dispose de tout et est riche en tout ; le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest est également un véritable scandale géologique.

Mais nul ne saurait honnêtement rendre l’actuel président, en fonction depuis seulement six mois, comptable de ce marasme économique que connaît la Guinée. Politiquement, c’est autre chose. La renaissance démocratique est désormais un fait. Et dans ce domaine, devra intervenir avec plus de perspicacité le président nouvellement élu.

C’est Alpha Condé lui-même qui répète, à l’envi, qu’il est le président de «tous les Guinéens». Normal, il a été élu au suffrage universel à hauteur de 52% des votants. Mais à certains égards, l’homme donne parfois l’impression que cela lui suffit pour se draper d’une certaine suffisance qui le conduit à presque mépriser son rival, battu, mais tout de même avec le score très honorable de 48% des voix.

Cela signifie, en clair, qu’une bonne partie de la population guinéenne a accordé sa confiance à Dalein Diallo ! Lorsque le chef d’Etat guinéen dit, à propos de son rival, que «je ne peux pas forcer quelqu’un à dialoguer avec moi…», lorsqu’il ignore l’opposition au motif que «il y a 110 partis» qui sont d’accord avec lui, même si en toute logique pure il a raison, la chose, vue sous un autre angle, fait percevoir que, quelque part, il «n’habite pas encore sa fonction».

Le président de tous les Guinéens qu’il est a obligation d’être un rassembleur, quelqu’un qui fédère, et pas du tout un homme qui «se fiche» de ci ou de ça au motif qu’il a la vérité des urnes avec lui. C’est en cela aussi que l’on constate que Condé, à certains égards, demeure un peu le chef de parti qu’il a toujours été ; il n’est toujours pas arrivé à se pénétrer des attributs qu’impose la stature de chef d’Etat.

L’agacement qu’il réprime difficilement lorsqu’on aborde la question de ses relations, difficiles, avec Dalein Diallo, le fait de camper, inflexible, sur certains principes, le musellement d’organes de presse dont la ligne éditoriale n’encense pas forcément le chef de l’Etat  sont autant d’indices qui peuvent faire penser de lui qu’il trouve que : «C’est moi qui suis là, légitimement à ma place, et tant pis pour celui qui n’en est pas content». Dommage s’il en était ainsi, car des opposants de la trempe de Diallo, en connaît des présidents qui aimeraient en avoir.

L’homme, il faut le reconnaître, a accepté d’avaler certaines couleuvres à l’occasion de la présidentielle de décembre, a reconnu sa défaite, a volontairement refusé de souffler sur la braise. La Guinée a connu une période postélectorale apaisée à ce prix-là aussi, il ne faudra pas l’oublier. A tout le moins, Condé, aujourd’hui président, devrait, ne serait-ce que par pure élégance, lui renvoyer l’ascenseur.

Il n’y perdra rien ; au contraire, il y aura tout à gagner. Et gagner Diallo, c’est, sans nul doute, rassembler autour de soi ceux qui lui ont offert leurs voix. A ce jour, c’est un truisme de le dire, la Guinée a besoin de tous ses fils pour atteindre les nouveaux objectifs qu’elle s’est fixés.

Vu du pays des hommes intègres, cette question guinéenne revêt une importance capitale : Alpha Condé est perçu ici comme un des nôtres. L’homme a régulièrement séjourné chez nous, depuis le temps où, étudiant, il militait à la FEANF en passant par sa traversée du désert, quand il devait se mettre à l’abri dans quelque refuge sûr, histoire de s’éloigner des foudres de certains maîtres régnant à Conakry.

Maintenant qu'il est Président, on ne voudrait pas le voir échouer. Il porte sur ses épaules un fardeau historique : être le premier chef d’Etat démocratiquement élu de ce pays lui commande une obligation de réussite. Il aura  le physique de l’emploi si toutefois il consent à opérer certaines petites retouches. C’est d’ailleurs tout le mal qu’on lui souhaite.

 

Jean Claude Kongo

Dernière modification lemardi, 21 juin 2011 20:26

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