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Grève syndicats des Finances : Et maintenant autour de la table de négociations !

C’est à peine si dans l’entretien télévisé qu’il a accordé à trois chaînes dimanche dans la soirée à mi-mandat  de son septennat, le président Roch Marc Christian Kaboré  n’a pas supplié la Coordination des syndicats du ministère de l’Economie et des Finances (CS-MEF)  de lever son mot d’ordre de grève pour venir à la table des négociations après de longues semaines au cours desquelles elle a alterné sit-in et grèves.

 

Ses supplications ne seront pas tombées dans  l’oreille  d’un sourd. Dès le  lendemain de cet appel, la CS-MEF au regard de cette perche présidentielle tendue et des tractations souterraines de bonnes volontés, notamment coutumières qui font mission de bons offices en coulisses, au  cours d’une assemblée générale tenue hier dans l’après-midi à la Bourse du travail, a en effet décidé de regagner les bureaux qu’elle a désertés depuis de longues semaines, grippant les régies financières d’un Etat déjà impécunieux et menaçant d’asphyxier l’économie nationale.

L’évolution de la situation permet en réalité à chacune des parties, tels des amants en froid,  de faire un  petit pas vers l’autre sans perdre la face. L’honneur est donc sauf. Tant pour les grévistes, qui s’étaient embarqués dans une posture si irrédentiste  qu’ils ne pouvaient faire machine arrière  sans la moindre concession sous peine de donner l’impression qu’ils ont perdu la manche, que pour le  gouvernement  qui ne veut pas avouer son impuissance à sortir de ce traquenard syndical.

On ne peut donc que se féliciter de cette décision à la fois courageuse et réaliste des syndicats eu égard aux risques d’enlisement ou  d’essoufflement, chose  qui va contribuer à la désescalade. «Il faut savoir arrêter une grève» même si  Maurice Thorez, patron du Parti communiste français au moment des Accords de Matignon en 1936, avait pris le soin d’ajouter «dès que satisfaction est obtenue». 

Ce n’est certes pas- encore- le cas ici mais c’est précisément pour cette raison que cette trêve est à saluer puisqu’elle permet de donner une chance au dialogue qui était au point mort. En choisissant de reprendre le chemin des services, le président Mathias Kadiogo et ses camarades, il faut leur en savoir gré,  font preuve de bonne volonté et, ce faisant, ils prennent  pour ainsi dire l’opinion à témoin.

De ce point de vue, il importe de mettre à profit, et très rapidement, cette suspension pour renouer le fil du dialogue et sortir de cette guerre des tranchées, cette personnalisation du conflit,  cette querelle des ego qui a sans doute contribué à rendre le problème encore plus inextricable. Puisque chaque camp a toujours accusé l’autre de ne pas vouloir du dialogue sans qu’on sache vraiment qui ment ou, pour  faire dans la litote,  qui ne dit pas la vérité, les voici désormais au pied du mur. Et si le chef de l’Etat lui-même doit mettre la main dans le cambouis  pour prêter main-forte à  Rosine Coulibaly, celle qui tient nos bourses mais dont les relations avec les partenaires sociaux sont devenues particulièrement  exécrables, eh bien, qu’il descende dans l’arène, car après tout, c’est lui qui sera comptable à l’heure du bilan. 

 Si l’on croit ce que disent les autorités, une partie des sept points  de revendication a déjà fait l’objet d’un accord,  peut-être verbal. Si tel est le cas,  il faut déjà les coucher sur papier et le parapher tout en poursuivant les discussions sur des aspects plus complexes tels que le fameux Fonds commun de la discorde. Le propre de tout compromis, c’est bien connu, étant de ne satisfaire totalement aucune des parties, elles finiront bien par trouver un modus operandi qui ne remette pas en cause les acquis sans pour autant tuer la poule aux œufs d’or, car si l’Etat devait se trouver, à l’allure où on va, dans l’incapacité de pourvoir au principal, c’est-à-dire aux salaires, on ne parlerait même plus de mettre du beurre dans les épinards. Et personne n’y a intérêt. 

Toutes les guerres finissent inévitablement par la négociation à plus forte raison les mouvements sociaux. A un moment ou à un autre il faut bien s’asseoir autour de la même table et sauf à vouloir se complaire dans un entre-soi certes confortable mais bigrement  contre-productif, il n’y a pas d’autre choix, car c’est bien parce qu’on est adversaires voire ennemis qu’il faut engager les pourparlers. Et à défaut d’un traité de paix en bonne et due forme, on peut au moins  signer  un  armistice ou déclarer un cessez-le-feu  en attendant.

 

Ousseni Ilboudo

Dernière modification lemercredi, 27 juin 2018 08:14

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