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Interrogatoire au fond des accusés : Mohamed Zerbo cède la place au sergent Ollo Pooda

L’interrogatoire des accusés au procès du coup d’Etat manqué s’est poursuivi, hier 2 juillet 2018, dans la salle des Banquets de Ouaga 2000. L’instruction du dossier à la barre a repris avec le sergent-chef Mohamed Laoko Zerbo qui a mentionné deux faits «assez importants» qui n’auraient pas été pris en compte dans l’établissement des procès-verbaux. De quoi nourrir encore quelques joutes oratoires avant que l’accusé ne cède sa place au deuxième inculpé qui s’est expliqué sur les faits à lui reprochés. Lui,  c’est le sergent Ollo Stanislas Sylvère Pooda, qui avait déjà écopé de 17 ans de prison ferme dans le dossier dit de l’attaque de la poudrière de Yimdi.

 

Dès la reprise de l’audience, Me Dieudonné Bonkoungou a souhaité prendre la parole après que le président de la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadogou, Seidou Ouédraogo, a donné la liste des cinq premiers accusés qui défileront à la barre. Ce sont en plus de Mohamed Lahoko Zerbo, Ollo Stanislas Sylvère Pooda, Akowè Jean Florent Nion, Sami Dah et Amadou Ly.

L’audience s’est poursuivie avec l’audition du sergent-chef Mohamed Lahoko Zerbo pour le troisième jour successif à la barre.

«Chef Zerbo, quelle était votre attitude face aux manifestants sur le terrain ? », a interrogé le procureur Alioun Zanré. «On n’a pas eu affaire aux manifestants, il n’y a pas une action directe», a répondu le sergent-chef. «Lors des dépositions, vous avez dit pas de tirs, pas d’usage d’armes mais que vous avez poursuivi les manifestants afin qu’ils dégagent les voies », a ajouté le parquetier. « Oui, pour le début de la phrase, mais la suite je ne m'y reconnais pas », a rétorqué l’accusé. L’avocat de l’inculpé, Me Idrissa Badini, lui, n’a pas voulu s’étaler sur cette question, il a dit attendre toujours que le parquet brandisse des preuves concrètes à même d’imputer les morts et les blessés à son client. Le sergent-chef, s’il a reconnu avoir été à Savane FM, au studio Abazon et dans une station de radio à Zorgho, a déclaré que sa mission s’est résumée à des observations et à une escorte.

 

«A sa place je n’aurais  pas signé de P-V »

 

Au fil des débats, Me Adrien Nion de la défense reviendra sur des propos que l’accusé a relevés à la barre sans que cela ressorte dans aucune des pièces du dossier. «Chef Zerbo, vous avez dit que vous avez essuyé des tirs lors de vos sorties de maintien de l’ordre dans la ville. Vous avez également mentionné que vous avez interpellé un civil avec une arme. Un civil que vous avez remis à la police avant de remettre l’arme à votre supérieur, le major Badiel », a signifié Me Nion. L’accusé a confirmé ces faits avec une précision sur l’arme saisie (un P.A. 9 mm). L’avocat, en faisant ce rappel, entendait surtout demander au parquet militaire la suite réservée à cette affaire.

Me Bonkoungou Dieudonné a également renchéri qu’il ne pense pas non plus avoir vu un véhicule avec des impacts parmi les scellés.

Il n’en fallait pas plus que le procureur militaire par la voix du substitut Sidi Békaye Sawadogo s’en offusque. «Depuis l’interrogatoire du chef Zerbo, il y a des informations qu’il vous donne et qui nous étonnent. Il a été auditionné au moins à trois reprises, lui-même dit que ça a été dans une ambiance bon enfant. Il a un niveau universitaire, il a signé les P-V sans contrainte, sans menace mais ce matin, il vous parle de déclarations qui n’ont pas été prises en compte. A sa place si je dis quelque chose que le juge n’écrit pas, je refuse de signer. Je ne signe pas un P-V qui ne contient pas tous mes propos», a développé le substitut du procureur. Pour lui, le parquet a reçu ces informations du sergent-chef ce matin même, au même moment que le tribunal. «Ces déclarations ne se trouvent nulle part, ni à la gendarmerie, ni à la police judiciaire et encore moins à la chambre de contrôle de l’instruction. C’est ici que nous en avons eu connaissance», a martelé Sidi Békaye Sawadogo. Alioun Zanré, dans la même veine, fera observer que la seule personne arrêtée en possession d’une arme est un policier du nom de Yacouba Manli, qui sécurisait le domicile de feu Salif Diallo. L’arme en question a été restituée à la police. «Qu’on ne nous dise pas qu’on a pris une arme avec un civil, c’est lequel ? Nous n’en avons pas connaissance».

Pour les conseils des parties civiles, par l’entremise de Me Séraphin Somé, «nous sommes en présence d’un film fiction de très mauvaise qualité. Mauvaise car son acteur principal qu’est l’accusé Zerbo n’arrive à convaincre personne malgré son niveau d’instruction appréciable. Ce que vous débitez ne cadre pas avec le raisonnable».

 

«Même si on met un galon d’adjudant sur un coq, je vais le respecter»

 

Comme dernier mot avant de clore le débat pour ce qui le concerne, le sergent-chef Zerbo a insisté que c’est lui qui était sur le terrain et raconte ce qu’il y a effectivement vécu. Il ne pense pas qu’il est devant le tribunal parce que poursuivi pour son niveau d’instruction. Il a tout simplement obéi à des instructions de son supérieur en allant sur le terrain et comme pour montrer que le respect de la hiérarchie est sacré, voici sa formule : «Même si on décroche un galon d’adjudant et on le met sur un coq, je vais le respecter».

Son avocat, Idrissa Badini, fera noter pour finir que le RSP avait une autorité légalement établie au moment des faits, les ordres que son client a reçu étaient bel et bien légaux. «Quand il reçoit des ordres, s’il les comprend, il les exécute et il vient rendre compte».

Selon la liste de passage communiquée plus haut, c’était à présent au sergent Ollo Stanislas Silvère Pooda de se tenir à la barre. Il lui est reproché les faits d’attentat à la sûreté de l’Etat, de complicité de meurtre, de complicité de coups et blessures volontaires et de complicité de dégradation aggravée de biens. «Reconnaissez-vous ces faits ? », a voulu savoir Seidou Ouédraogo. Et le sergent Pooda de répondre par la négative. Le 16 septembre 2015, dans l’après-midi entre 15h et 16h, il a accompagné le «chef Zerbo», à la radio Savane FM sans connaître la nature réelle de la mission. L’équipe s’est contentée d’observer la circulation qui était normale et n’a pas fait plus de 30 minutes avant de rebrousser chemin. De retour, à hauteur de la télévision BF1, il est descendu du véhicule dégager des cailloux qui obstruaient le passage, l’endroit où il a été filmé. « Vous étiez avec qui d’autres », a relancé le président de la chambre de première instance. « Il y avait Seydou Soulama et Amidou Drabo. «Est-ce qu’il y avait du matériel militaire ? », a signifié Seidou Ouédraogo. «Je n’avais pas mon arme», a indiqué le sergent. Selon l’inculpé, c’est au retour entre 18h et 19h qu’il a su que le président de la Transition, le Premier ministre et deux autres ministres avaient été arrêtés.

Le parquet militaire a trouvé qu’il était étrange car l’intéressé a nié être allé à la présidence du Faso le jour de l’enlèvement des autorités de la Transition ; alors que ses déclarations en enquête préliminaire disent tout le contraire. Comme pour lui rafraîchir la mémoire, il lui a lu les propos devant les juges, à commencer par l’audience de vérification d’identité au cours duquel le juge n’a pas le droit de lui poser une question. Les déclarations sur son implication dans l’enlèvement des autorités se passaient de commentaires mais l’accusé a soutenu mordicus ne pas avoir tenu les propos en question ; même s’il a reconnu sa signature. «Quand on est devant le juge d’instruction, on dit la vérité mais quand c’est en public, on dit autre chose. C’est votre droit de ne pas reconnaître les propos ? », lui a fait savoir Alioun Zanré.

L’avocat du sergent Pooda, Me Isaac N’Dorimana, a souligné d’emblée que son client a déjà été condamné dans le cadre du dossier dit de l’attaque de la poudrière de Yimdi, notamment à 17 ans de prison ferme. L’ordre chronologique des procès n’ayant pas été respecté, son client purge déjà une peine.  «On est face à une personne déjà affectée sur le plan psychique d’où peut-être un impact grave, on peut oublier ce qu’on avait dit. De plus, l’article 430 du code de procédure pénale dit que les P-V sont à titre de renseignement qui ne lient pas le juge, il ne faut pas à chaque fois confronter l’accusé avec des signatures, il faut privilégier les déclarations, ici à l’instruction à la barre», a expliqué Me N’Dorimana.

Le parquet militaire a lu un procès-verbal de confrontation entre l’accusé et d’autres coaccusés en présence de conseils où l’inculpé disait clairement qu’ils sont sortis sur le terrain mettre un terme à des objets, instruments de propagande anti-putsch qui les desservaient. Dans la foison des questions-réponses, Me Isaac N’Dorimana demandera 5 minutes pour se concerter avec son client ; il était 12h 50, à 10 minutes de l’heure de la suspension. Sa requête a été accordée pour une reprise à 14h30 minutes.

 

San Evariste Barro

Aboubacar Dermé

 

Encadré

Quid des vacances judiciaires ?

 

Ce procès du putsch manqué, comme on le sait, a repris le 29 juin, à l’avant-veille des vacances judiciaires. Du coup on se demande si les magistrats et auxiliaires de justice qui sont dans ce dossier auront des vacances cette année.

Cette question préoccupe les avocats. Et c’est Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de la défense, qui a soulevé ce problème tout en s’inquiétant du rythme de passage des inculpés vu que l’interrogatoire du sergent-chef Zerbo a pris trois jours en gros.

Mais pour le parquet militaire, si les vacances judiciaires sont un droit consacré, elles ne sauraient cependant porter un préjudice au cours de la justice, notamment pour ce qui est des dossiers qui requièrent célérité (flagrant délit par exemple). En tous les cas, le procureur militaire a estimé que ces vacances sont en deux phases (du 1er juillet au 15 août et du 16 août au 30 septembre) de sorte qu’il y a une rotation. Par conséquent, l’interrogatoire des accusés peut bel et bien se poursuivre, a soutenu le parquet.

Seidou Ouédraogo, le président du tribunal a promis d’apporter une réponse à cette préoccupation au matin du mercredi 4 juillet.

 

A. D.

Dernière modification lemardi, 03 juillet 2018 20:37

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