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Exécution de Troy Davis : De l’inanité d’un crime légal Spécial

En principe, sauf miracle de dernière minute, au moment où vous lisez ces lignes, Troy Anthony Davis aura déjà passé de vie à trépas par suite d’une injection létale. Les multiples interventions, dont les plus notables sont celles du pape Benoît XVI (à travers le nonce apostolique aux Etats-Unis), de l'évêque sud-africain Desmond Tutu (prix Nobel de la paix 1984), d’Amnesty International, n’auront donc pas pu le sauver du macabre terminus du couloir de la mort.

 

Symbole international de la lutte contre la peine capitale, l’histoire de ce Noir-Américain, qui a passé 20 ans à clamer son innocence, aura été pleine de rebondissements. Emprisonné et condamné à mort à la prison de Jackson (Géorgie) depuis août 1991 pour le meurtre d'un policier, commis dans la nuit du 19 août 1989 à Savannah (Géorgie), il a cru maintes fois, en effet, à un sursis définitif sinon à la révision de son procès. A trois reprises déjà, Troy a vu une date programmée pour son passage sur la sinistre chaise. L’échéance a été à chaque fois reportée : en juillet 2007, septembre et octobre 2008. La dernière fois, il n’a même appris la suspension de son exécution que deux petites heures seulement avant l’irréparable.

Tous les espoirs se sont finalement envolés ce 20 septembre 2011 lorsque le Comité des Grâces de Géorgie a refusé de lui accorder sa clémence, rejetant son ultime recours et maintenant l’injection mortelle pour hier mercredi à 23H TU.

La culpabilité de Troy n’a pourtant jamais été formellement établie, son dossier restant truffé de bien de zones d’ombre, et c'est là que le bât blesse. Au moment des faits, neufs témoins avaient désigné Troy Davis comme l’auteur du coup de feu mortel sur l’officier Mark MacPhail, mais l’arme du crime n’a jamais été retrouvée et aucune empreinte digitale ni aucun ADN n’a été rélévé. Sept de ces neuf témoins, qui l’avaient accusé, sont revenus sur leur déposition originale en 1991, avouant avoir menti.

Cette exécution, qui n’est en fait qu’un crime légal commis par l’Etat de Géorgie, relance encore une fois la question de l’inutilité de la peine de mort. A supposer que le condamné soit vraiment coupable, la peine de mort, on ne le répètera jamais assez, est un jeu du talion digne de l’âge des cavernes et qu’une société, un tant soit peu, parvenue à la maturité ne saurait continuer de pratiquer sans se déconsidérer. Par ailleurs, les statistiques les plus constantes prouvent à souhait que la criminalité n’a jamais progressé nulle part où cet ignoble châtiment a été aboli. Enfin, les mêmes statistiques prouvent le caractère illusoire de l’exemplarité de la peine capitale. En effet, l’exemple des Etats-Unis est là pour démontrer que ce n’est pas parce qu’on exécute que des gens,  dont les cas relèvent souvent de la psychiatrie sinon de la psychanalyse, cesseront de tirer sur les flics ou de flinguer leur fiancée.

L’absurdité de cette pratique réside dans le fait qu’elle touche au comble de l’horreur, puisqu'elle peut frapper un parfait innocent. Todd Willingham, premier condamné à mort américain à obtenir une réhabilitation à titre posthume depuis le rétablissement de la peine capitale en 1976, en est l’exemple le plus illustratif : exécuté en 2004 pour le meurtre de ses trois filles dans l’Etat du Texas, surnommé «Etat Bourreau» par les militants antipeine de mort pour la rapidité de ses exécutions, ce n’est que le 7 octobre 2010, soit sept années après son assassinat légal, que de nouvelles preuves concluant à son innocence ont été apportées. Mort, à quoi a servi ta victoire ?

Négation absolue des droits humains, considérée par la Déclaration universelle des droits humains comme une «violation des droits fondamentaux de l’être humain», la peine de mort est encore, hélas, effectivement appliquée par 56 pays à travers le monde. 37 Etats dont le Burkina Faso la prévoient dans leur législation sans toutefois l’appliquer dans les faits. Le chemin reste donc encore long pour sa condamnation et son exécution par tous les pays du monde entier à l’instar des 94 Nations abolitionnistes, car s’il y a quelque chose qui mérite vraiment la peine capitale, c’est bien la peine de mort elle-même.

Hyacinthe Sanou

Dernière modification lemercredi, 21 septembre 2011 22:47

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