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Procès putsch manqué: Le caporal Sami Dah nie tout en bloc

 

Appelé, une première fois, à la barre dans l’après-midi du 3 juillet 2018, le caporal Sami Dah s’est de nouveau présenté devant la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, hier 4 juillet, pour répondre des chefs d’accusation ci-après : attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre ainsi que coups et blessures volontaires. Ce soldat qui était affecté à la sécurité du général Gilbert Diendéré lors des événements du coup manqué a réfuté tous les faits qui lui sont reprochés.

 

 

Pour débuter cette nouvelle journée de procès, le caporal Sami Dah a été appelé encore à la barre. La veille, son conseil, Me Arno Sampébré, avait demandé une suspension pour se concerter avec son client. Le président a alors demandé à l’avocat si la concertation avait été utile.

«Monsieur le président, j’ai pu me concerter avec mon client, même ce matin encore, il n’y a pas de problème », a répondu Me Sampébré. «Caporal Dah Sami si vous ne voulez pas répondre à une question, vous dites ‘’je ne réponds pas à la question’’ au lieu de répondre à une question par une autre question», a signifié Seidou Ouédraogo à l’accusé.

Passé cette mise au point, l’interrogatoire du caporal s’est poursuivi avec les questions de Me Yanogo, un des avocats des parties civiles. «A quel moment avez-vous appris qu’il y a eu un coup d’Etat ? », a interrogé l’avocat. «Je ne vais pas répondre à cette question », a indiqué le caporal. Et Me Yanogo d’ajouter : «Vous dites avoir reçu 500 000 francs CFA des mains du chef Koussoubé, est-ce la seule fois ? » «Monsieur le président, je ne désire pas répondre à cette question », a de nouveau déclaré le soldat. L’avocat des parties civiles qui n’en espérait pas mieux a cédé son micro à son confrère, Me Prosper Farama. Des échanges entre les deux, le caporal dit avoir appris l’arrestation de Michel Kafando, de Yacouba Isaac Zida et des autres ministres de «la bouche des gens » après le rassemblement au carré d’armes. C’était dans la soirée du 16 septembre 2015, sans toutefois chercher à savoir pourquoi ces autorités avaient été arrêtées.

 

Le caporal assurait la sécurité de Gilbert Diendéré

 

Selon le caporal Sami Dah, le jour du putsch, il se trouvait aux alentours du premier ministère lorsqu’il a reçu un coup de fil du sergent-chef Roger Koussoubé lui donnant l’ordre de rejoindre le palais présidentiel. Arrivé, il a vu trois véhicules devant le perron de Kosyam et a reconnu certains membres de l’ex-RSP dont le sergent-chef Koussoubé dans un des véhicules. Sur ordre d’une personne qu’il dit n’avoir pas pu identifier, il a immédiatement ‘’embarqué’’ dans un des véhicules sans poser de question et était d’autant plus rassuré que la personne qui l’avait contacté plus tôt était dans le groupe.

«J’ai embarqué parce que j’ai été appelé par le chef Koussoubé, je vais là où il va», a précisé le caporal Dah. Selon ses propos, il n’a participé à aucune réunion préparatoire. A Kosyam, il s’est limité à la porte de la présidence du Faso et toutes les fois où il a suivi le général Gilbert Diéndéré, il était devant des portes. Il était, en réalité, de ceux qui assuraient la sécurité du général au temps fort du putsch manqué. Dans la journée du 17 septembre 2015, il assumait la mission qui lui avait été confiée et n’avait pas le temps de suivre la télé ou la radio pour savoir ce qui se passait dans le pays (les différents communiqués, couvre-feu, entre autres). Sur les chefs d’accusation de meurtre et de coups et blessures volontaires, il a juré par tous les saints n’avoir pas été sur le terrain face à des manifestants, a fortiori avoir tué ou blessé une personne jusqu’au 21 septembre 2015, date à laquelle il a été arrêté. Il a nié avoir cité des noms de militaires (Laoko Mohamed Zerbo, par exemple) comme étant ceux qui semaient la terreur dans la ville. Ce qui est pourtant inscrit dans les P.-V en enquêtes préliminaires.

 

«Si on m’avait parlé d’un coup d’Etat…»

 

«Je veux savoir si l’appel du sergent-chef Koussoubé, vous a paru étrange  », a demandé Me Arno Sampébré à son client pour qui le coup de fil n’a pas paru étrange puisque ce n’était pas la première fois que son supérieur l’appelait. «Est-ce que quand vous êtes arrivé au palais vous avez senti qu’on vous attendait ? », a ajouté l’avocat. «J’ai vu des véhicules qui étaient devant la porte, j’ignore s’ils nous attendaient ou pas », a rétorqué le caporal Dah. «Quand le sergent-chef vous a appelé, vous a-t-il dit de venir participer à un coup d’Etat ?», s’est enquis, une fois de plus, le conseil. «Non ! », a réagi l’accusé. Selon ses explications, si le sergent-chef l’avait invité à participer à un putsch, il allait prendre des précautions car c’est différent. «Il y a eu beaucoup de coups d’Etat dans notre pays, avec des morts ; j’allais donc prendre mes précautions car c’est différent », a insisté le mis en cause.

«Quand vous parlez de précautions, caporal Dah, c’est quoi ? », lui a demandé le procureur militaire, Alioun Zanré. «Je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus », s’est contenté de répondre l’intéressé. Le parquetier a signifié que l’accusé, en enquête préliminaire, avait répondu à une question à deux volets du juge d’instruction en ces termes : «Ce sont les sous-officiers supérieurs du GUS qui ont fait le coup d’Etat pour s’opposer à la dissolution programmée du RSP. Le major Eloi Badiel, Moussa Nébié, Jean Florent Nion et Roger Koussoubé devaient être au courant ». «Reconnaissez-vous avoir tenu ces propos ?», a interrogé le parquet militaire. «Je n’ai pas de commentaires à faire », a répliqué Sami Dah. Une réponse qui a interpellé le substitut du procureur Mamadou Traoré qui ne s’est pas empêché d’inviter le caporal à «prendre les gens au sérieux». «Caporal Dah Sami, prenez les gens au sérieux, est-ce que vous pensez que le juge d’instruction civil qui n’a jamais fait l’armée, a fortiori le RSP, a pu identifier tous ces gens ? » «Les ministres non plus n’ont pas fait l’armée mais vous avez dit que ce sont eux qui m’ont identifié comme celui qui les a mis en joue », a réagi le caporal. Pour le substitut Sidi Békaye Sawadogo, si quelqu’un dit qu’il n’a pas de commentaires à faire, c’est clair comme de l’eau de roche. Une déduction contestée par Me Arno Sampébré qui a souhaité que l’accusation, le parquet militaire, livre au tribunal les preuves palpables qui lient son client aux faits de meurtre ainsi que de coups et blessures volontaires.

«Le caporal Dah Sami a participé à un attentat contre la sûreté de l’Etat qui a changé la forme du régime légal, il y a eu des répressions de manifestants ayant conduit à la mort de 13 personnes et fait une quarantaine de blessés, au sens de l’article 67 du Code pénal, il est auteur ou coauteur de ces meurtres et coups et blessures », a résumé le procureur militaire. En guise de dernier mot, avant que soit close l’instruction du dossier à la barre, voici ce qu’a dit l’accusé : « Si décrocher un appel téléphonique de son supérieur et se rendre à la présidence est un coup d’Etat… De toute façon, les gens du parquet militaire sont ceux qui ont la force, ils n’ont qu’à faire ce qu’ils veulent. »

Le tribunal a annoncé la suspension de l’audience à 13h10 pour une reprise à 14h30 avec l’interrogatoire du soldat de 1re classe Amadou Ly. Avant de s’éclipser, Seidou Ouédraogo a également porté à la connaissance de l’assistance la deuxième liste des accusés (voir encadré) qui défileront à la barre à partir du vendredi 6 juillet 2018 à 9h car ce jeudi, il n’y a pas de procès.

 

San Evariste Barro

Abdoukarim Sawadogo

Aboubacar Dermé

 

Encadré

2e fournée le vendredi avec Rambo et le Touareg

 

Adjudant-chef Moussa Nébié, dit Rambo

Adjudant Ouékouri Kossè

Adjudant-chef Major Eloi Badiel

Sergent-chef Roger Joachim Damagna Koussoubé, dit Le Touareg

Soldat de 1e classe Boureima Zouré

 

Encadré

La théorie de la « baïonnette intelligente »

 

Depuis le début de l’audition des accusés, s'il y a une phrase qui revient comme un leitmotiv, c'est bien celle-là : « C'est mon supérieur hiérarchique, j'ai obéi à son ordre ». Le contraire nous aurait étonnés quand on sait que « la discipline faisant la force principale des armées, il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière, et une soumission de tous les instants, que tous les ordres soient exécutés littéralement, sans hésitation ni murmure ; l’autorité qui les donne en est responsable et la réclamation n’est permise au subordonné que lorsqu’il a obéi ». Mais l'usage excessif que le caporal Sami Dah en fait pour sa ligne de défense n'a pas été du goût du procureur militaire, qui n'a pas manqué de rappeler la théorie de la baïonnette intelligente. En droit pénal, c’est la condamnation de l'obéissance à un ordre manifestement illégal. La formulation évoque la situation du soldat (la baïonnette) qui doit refuser d'exécuter un ordre manifestement illégal (car même l'engagement militaire ne saurait faire disparaître la conscience - l'intelligence - de ses actes).

Les accusés sont donc prévenus même si un des avocats de la défense s'est offusqué en ces termes : « C'est trop facile de dire après le recul qu'il aurait dû faire ceci ou cela sans comprendre la situation dans laquelle l'accusé se trouvait ».

A.K.S.

A.D.

 

Encadré

Le procès ne prendra pas de vacances

 

Les vacances judiciaires sont subdivisées en deux temps : du 1er juillet au 15 août et du 16 août au 30 septembre. On se demandait si le tribunal militaire allait observer une suspension pour que les acteurs de la chaîne judiciaire puissent jouir de ce droit. Certains avocats avaient même soulevé cette préoccupation à la chambre de première instance qui devait rendre sa décision ce mercredi 4 juillet 2018. Dès l'entame de l'audience le président Seidou Ouédraogo a annoncé la poursuite du procès nonobstant  ces vacances au regard des enjeux.  « C'est une question de liberté et de dire le droit dans un délai raisonnable, cela est aussi un des principes du procès équitable », a-t-il souligné.

 

A.K.S.

A.D.

 

Encadré

Agent double

 

Le caporal Sami Dah a soutenu que sur instruction du sergent-chef Roger Koussoubé, il a été commis à la sécurité du général Gilbert Diendéré dans l'après-midi du 16 septembre 2015 jusqu'au 21 septembre où les loyalistes lui ont tendu un piège pour l’arrêter. Selon lui, durant les six jours son seul rôle n'a été qu'assurer la sécurité de «Golf». Pourtant dans sa déclaration dans la pièce i151, il disait avoir déjoué un premier coup d’Etat de concert avec le capitaine Flavien Kaboré qui se trouve être dans la sécurité de l'ex-PM, Yacouba Isaac Zida, ce qui avait permis à ce dernier de fuir avec son ministre de la Sécurité d'alors, Auguste Denise Barry. Il y précise même que les éléments du RSP, après l'échec de cette première tentative, ont pleuré de rage.

Dans un de ses SMS échangé avec l'aide de camp de Zida, notamment avec le capitaine Flavien Kaboré, rendu public par le parquet, il avait promis de ne pas oublier ce que ce dernier lui a demandé et de se donner à fond tout en exigeant le respect des termes de l'accord.

C'est tout cela qui a fait dire au parquet que ce caporal était un agent double prêt à tout pour de l’argent et qu’il était même un danger pour le général, qu’il était pourtant censé protéger.

 

A.K.S.

A.D.

 

Encadré

Pas de liberté provisoire pour Guelwaré, Faïsal et Lota

 

L’entame du procès, hier 4 juillet 2018, a été marquée par la lecture d’un jugement avant dire droit. Il était relatif à une demande de liberté provisoire introduite par quatre accusés. Ce sont Samuel Coulibaly, Minata Guelwaré, Ousséni Faïsal Nanéma et Abdoul Karim Baguian, dit Lota. Si la chambre a prononcé la liberté provisoire pour le soldat de 1re classe Samuel Coulibaly, elle a rejeté les requêtes des trois autres comme étant mal fondées. Elle s’est en outre déclarée incompétente pour se prononcer sur la demande de transfèrement de Dame Guelwaré qui souhaite être internée à la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (MACA) plutôt que d’être maintenue à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).

 

 

A.K.S.

A.D.

 

 

 

 

 

Dernière modification lejeudi, 05 juillet 2018 20:42

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