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Cellou Dalein Diallo: «Alpha Condé est incompétent, inexpérimenté et manque de vision pour la Guinée»

Président de l’Union  des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et Chef de file de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo était en fin de semaine à Ouagadougou sur invitation de Zéphirin Diabré dans le cadre du congrès ordinaire de l’UPC, qui s’est tenu les 21 et 22 juillet derniers au palais des Sports de Ouaga 2000. Tard dans la soirée du 22 juillet dernier, nous avons pu le joindre à sa résidence et il a bien voulu répondre à nos questions. La santé de son parti, ses ambitions dans la perspective de la présidentielle de son pays prévue pour 2020 ainsi que la gestion du pouvoir sous Alpha Condé, son grand rival, ont été au menu des échanges.

 

 

Il est vrai que vous n’êtes pas à votre premier séjour au Burkina Faso, mais, dites-nous, qu’est-ce qui vous y amène cette fois ?

 

C’était pour répondre à l’invitation de mon ami Zéphirin Diabré, qui organisait le congrès de son parti. J’y suis au nom de mon parti, l’UFDG (l’Union des forces démocratiques de Guinée) et aussi au nom de l’Internationale libérale africaine dont je suis le vice-président.

 

Dans quelles circonstances avez-vous connu votre hôte ?

 

Lors des rencontres, lorsqu’il était ministre et ensuite à la création de son parti qui l’a amené à militer dans le réseau libéral africain et dans l’internationale libérale. Nous partageons des valeurs communes de libéralisme. Des affinités personnelles sont ensuite nées et on a  développé une relation d’amitié.

 

Quelle analyse faites-vous de la situation politique burkinabè ?

 

Je n’ai pas à me prononcer sur la politique du président Roch Kaboré. J’ai eu à le rencontrer et je connais toute la classe politique burkinabè. J’ai des amis aussi bien dans l’opposition qu’au sein de la majorité. Je ne vais pas me substituer aux opposants pour critiquer la politique du gouvernement. Je ne peux que marquer mon soutien et ma solidarité à ceux qui partagent les mêmes valeurs que moi, tout en encourageant le gouvernement  à favoriser l’émergence d’une démocratie apaisée en privilégiant les concertations et en évitant la violence et les affrontements que nous connaissons en Guinée.

 

 Comment se porte  votre parti ?

 

Le parti que je dirige se porte très  bien. Depuis 2010, il a beaucoup évolué. Malgré l’adversité, les assassinats ciblés et la répression qui s’abat sur nos militants, le parti a grandi  dans des zones qui étaient réputées lui être hostiles. Les gens ont eu le temps de prendre la mesure de l’incapacité d’Alpha Condé à diriger notre pays, à  réconcilier les Guinéens, à les rassembler autour des valeurs de démocratie, de justice et de l’Etat de droit. Je reçois beaucoup d’adhérents qui quittent le RPG (Rassemblement du peuple de Guinée) parce qu’ils se sont rendu  compte que l’actuel président n’est pas à la hauteur de la fonction présidentielle.  La Guinée a besoin aujourd’hui  d’unité, d’Etat de droit et d’égalité des citoyens.

 

Pensez-vous que le sociolibéralisme, l’idéologie que vous prônez, pourrait être une alternative de développement sous nos tropiques ?

 

Il  y a des choix à faire. Notre idéologie peut être un moteur de développement et de création des richesses. La meilleure manière d’inciter à la création des richesses, c’est de responsabiliser l’homme, de faire en sorte que chaque citoyen puisse se prendre en charge  et ne pas tout laisser sur le dos de l’Etat. Il  faut mettre en place des mécanismes d’appui  pour accompagner les porteurs de projets, les aider à les formaliser, à les financer et à les mettre en œuvre.  Nous sommes une jeune génération qui innove, qui entreprend. L’Etat ne peut pas se substituer à la jeunesse. L’Etat  a l’obligation d’assurer une formation de qualité avec des infrastructures, une liberté d’entreprendre,  une liberté d’expression et un environnement propice aux affaires. C’est ainsi que chaque citoyen pourra participer au développement national.

 

D’ores et déjà, pouvez-nous nous annoncer que vous serez candidat à la présidentielle de 2020 ?

 

J’espère que mon parti va m’investir candidat. Si c’est le cas, je suis convaincu de l’emporter cette fois-ci encore.

 

Encore faudrait-il capitaliser vos expériences malheureuses de 2010 et de 2015 !

 

Oui, nous sommes en train de nous battre, et ce depuis 2010. Nous luttons contre la fraude, contre la partialité de la CENI, contre la violation de la justice, contre l’implication de l’administration dans les affaires électorales. Tout cela  pour garantir la transparence et l’équité dans les élections.  Si c’est le cas, je n’aurai aucun problème à remporter les élections. Mon défi est donc comment lutter contre la fraude. J’ai un électorat suffisant pour sortir vainqueur dès le premier tour.

 

Justement, en 2010 vous étiez arrivé en tâte du premier tour face à Alpha Condé, et une certaine opinion pense que vous n’avez pas mouillé le maillot pour le second tour. Qu’est-ce que vous en dites ?

 

Ce n’est pas vrai, j’ai mouillé le maillot, mais j’avais des forces qui étaient contre moi. Ces forces avaient décidé de tout faire pour que je n’accède pas au pouvoir.

 

De quelles forces parlez-vous ?

 

D’abord, il y a eu la fraude. Et quand j’ai décidé de ne pas laisser prendre le pouvoir pour des raisons subjectives, ils ont organisé une mascarade électorale. Et cela après quatre mois et demi d’attente et de revendications. Il vous souvient que le deuxième tour des élections en 2010 a eu lieu plus de quatre mois après, alors que la Constitution stipule qu’elles doivent se tenir deux semaines après le premier tour. Ce sont donc ces considérations subjectives qui ont joué en ma défaveur.

 

Le vote n’a-t-il pas été aussi ethnique quelque part ?

 

Pas du tout. On a voulu accréditer cette idée. C’est loin de là, je ne peux pas avoir 44% avec une seule ethnie en Guinée. Il fallait justifier le hold-up électoral en disant que c’est une seule ethnie qui m’a voté. Il suffit de regarder les résultats du premier tour. J’ai eu de bons scores dans toutes les régions. Récemment avec les élections locales, j’ai gagné dans des régions qui ne sont pas mes fiefs parce qu’on a pu sécuriser les votes. On a pu mettre en évidence les fraudes. Et nous allons continuer dans ce sens. On a demandé la mise en place d’une nouvelle CENI, l’assainissement du fichier électoral, parce que l’actuel est taillé sur mesure pour Monsieur Condé. Je suis convaincu qu’en 2020, ils ne pourront pas se livrer à la mascarade électorale que l’on nous a servie en 2015.

 

D’aucuns vous auraient rétorqué que vous avez été à la mangeoire pendant une dizaine d’années, vous qui avez été ministre plusieurs fois et même Premier ministre. A l’époque, qu’avez-vous apporté à la Guinée ?

J’ai été ministre pendant une dizaine d’années et Premier ministre pendant 14 mois, et j’ai laissé des traces indélébiles. Venez en Guinée et vous verrez les infrastructures routières, les ouvrages de franchissement, les plus grands ponts du pays, les routes bitumées qui sont toujours en bon état. Ce n’est pas pour rien que les Guinéens me soutiennent depuis que j’ai décidé de faire de la politique. Ils m’ont donné ce score de 44% sur 24 candidats dès le premier tour. Contrairement à Alpha Condé qui n’avait eu que 18%, ils m’ont accordé leur confiance. Je suis d’une grande crédibilité aux yeux du peuple guinéen parce que j’ai été un gestionnaire rigoureux. Les Guinéens m’ont vu à l’œuvre ; ils savent que je suis travailleur et que je fais preuve de beaucoup de confiance dans l’exercice de mes fonctions. Sans la fraude électorale à laquelle les autorités de la transition se sont livrées, je serai déjà président de la République. Il faut dire que cette confiance et cette popularité restent intactes et qu’elles se sont même accrues, à force pour moi de travailler aux côtés de la population qui sait que l’UFDG est une alternative crédible pour 2020.

 

Vous qui avez côtoyé celui qui préside actuellement aux destinées de cette population, que savez-vous de l’homme ?

Il n’a pas été à la hauteur de la fonction présidentielle. La corruption qui règne en Guinée n’existe nulle part. Il y a une pléthore de détournements de deniers publics et d’octrois de marchés de gré à gré, parfois surfacturés quatre fois le prix normal. Ces marchés sont octroyés à des amis du président qui les sous-traitent avec des entreprises, et cela après avoir touché des commissions importantes. En plus de la corruption, il n’y a pas eu de réduction de la pauvreté, la Guinée est divisée, la démocratie a mal et il n’y a pas de protection des droits humains. La Guinée, à bien des égards, a reculé depuis qu’Alpha Condé a pris le pouvoir. Les Guinéens en ont pris conscience et ne veulent plus le maintenir au pouvoir.

 

Mais n’a-t-il pas des qualités qu’il vous faut tout de même admettre ?

 

Retenez que chez l’Homme, ce sont les aspects dominants que l’on retient. Le concernant, c’est son incompétence, son inexpérience et son manque de vision pour le pays.

 

On dit de vous que vous êtes très riche et l’on vous reproche d’avoir beaucoup investi au Sénégal au détriment de votre pays, la Guinée. Que répondez-vous aux auteurs de ces reproches ?

Cela est ridicule. Je vous dis pourquoi : lorsque j’ai accepté les résultats inacceptables de l’élection présidentielle en 2010, le MEDES (Mouvement des entreprises du Sénégal), qui délivre des prix à des personnalités qui ont contribué à la préservation de la paix dans la sous-région, a décidé de me donner le Corridor de la Paix, parce que, pour tout le monde, en acceptant les résultats, j’ai contribué à la préservation de la paix dans la sous-région. Au cours d’une cérémonie, c’est l’épouse de l’ancien président Abdoulaye Wade qui m’a remis le prix. Un ministre guinéen, jaloux de cette distinction, s’en est allé raconter que j’ai été lauréat du prix du meilleur investisseur au Sénégal.

Je n’ai jamais été riche. Je ne suis pas un homme d’argent. Je suis plutôt un homme d’honneur. C’était une campagne d’intoxication et de dénigrement qui a été menée par mes adversaires. Comme je le dis, lorsque  je suis  venu à la politique,  cela a suscité une recomposition de la scène et chaque parti en a payé le prix. Les 44% que j’ai obtenus au premier tour, c’était sur 24 candidats je vous rappelle, parmi lesquels des opposants historiques. Il fallait donc, pour certains, donner une explication à ce succès. Alors qu’il n’y a pas autres secrets que la crédibilité et la confiance. On m’a vu à l’œuvre, en train de travailler, de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite. Tout le monde sait que je suis incorruptible. Les Guinéens le savent. C’est pour tout cela que, lorsque je suis entré en politique, la majorité d’entre eux a rejoint mon parti. Et pour expliquer le score minable d’Alpha Condé, ils n’ont pas hésité à dire : « Non c’est parce qu’il a volé l’argent et il a pu corrompre les électeurs ». Alors que je ne corromps personne. Je suis venu avec un programme qui a convaincu les Guinéens. Et mes compatriotes me connaissant, ils savent que ce que je dis, je le fais. J’ai un sens très élevé de la parole donnée. Et les gens ont besoin de gens de valeur et d’honneur, et les Guinéens savent que j’en suis un ! C’est pour ça qu’ils sont derrière moi. Ce n’est pas à cause de l’argent. Maintenant il y a une campagne de dénigrement qui tend à faire croire que je ne travaille qu’avec ma communauté et avec de l’argent. Alors que c’est tout le contraire ! Je suis attaché à l’égalité des citoyens. Je suis attaché à l’instauration d’un Etat fort, capable d’assurer la sécurité et d’aider chaque citoyen à se prendre en charge. Je suis pour la justice. J’ai horreur de l’injustice ! Les Guinéens le savent. Je ne décide pas et n’arbitre pas sur la base de l’ethnie. Je décide et agis en fonction du mérite de mes collaborateurs, avec un sens reconnu du partage. Je n’aime pas l’injustice ; je n’aime pas la corruption. J’ai été au gouvernement pendant dix ans et j’ai été visible. Les gens savent que je n’ai aucun investissement personnel. Je m’étais mis au service de la nation, des collectivités et non à mon service personnel.

 

Interview réalisée par

Issa K. Barry

Dernière modification lejeudi, 26 juillet 2018 19:43

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