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Procès putsch manqué : Les avocats s'écharpent sur les P-V

Après une première condamnation de 120 mois de prison ferme dans le procès Yimdi, le soldat de première classe Hamado Zongo n'en a pas encore fini avec la justice militaire. Il est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l'État, meurtre, coups et blessures volontaires et dégradation volontaire de biens. Hier 25 juillet 2018, il a plaidé non coupable. Ce qui contredit la teneur des P-V de son interrogatoire dans le cabinet du juge d'instruction. Cela  a donné lieu à une passe d'armes entre les avocats de la défense et ceux de la partie civile.

 

 

A la lumière des procès-verbaux versés dans le dossier, le soldat de première classe Hmado Zongo aurait eu un rôle dans l'incendie de la radio Laafi de Zorgho et aurait fait des patrouilles en ville  pendant les évènements douloureux de mi-septembre 2015.

A la barre il a reconnu s'être rendu à Zorgho, province du Ganzourgou, en compagnie d’autres soldats dont le sergent-chef Ali Sanou sans savoir l’objet de la mission. Mais il dit n'avoir pas participé à ces actes car resté dans le véhicule. De même il ne reconnaît pas avoir fait des patrouilles avec le sergent-chef  dans les environs du palais de la culture Jean Pierre Guingané.

" Le 16 septembre 2015, j'étais dans un maquis lorsqu'un ami civil m'a  dit qu'il semble que le RSP a fait un coup d'Etat. Je lui ai dit que je n'avais encore cette information. Je me suis rendu au Camp, comme tout bon militaire,  et c'est là que j'ai appris que les autorités ont été arrêtées. Les groupes étant déjà constitués en mon absence, je n'avais pas de rôle particulier. Je suis sorti mais  mon itinéraire s'est limité au rond-point des martyrs. Je suis resté au Camp jusqu'au 29 septembre et parti quelque temps avant les tirs  sur le camp Naaba Koom "  a soutenu l’accusé.

Après les événements il a été affecté à Gaoua mais il ne s'y est pas rendu et il s'en est expliqué : " Je m'y rendais lorsque j'ai reçu des appels anonymes me menaçant, et sentant que ma vie était en danger, j'ai  traversé la frontière pour la Côte d'Ivoire". C'est en contact avec le sergent-chef Sanou Ali que je suis revenu au Pays." Les deux hommes seront d’ailleurs impliqués dans l'attaque de la poudrière de Yimdi qui leur vaut  depuis une condamnation de prison ferme.

« N’est-ce pas parce que vous vous reprochez quelque chose que vous avez fui le pays ? » lui a demandé le parquet. Cette question n’était pas du goût du conseil de l’accusé. En effet, Me Alexandre Sandwidi a estimé qu'une telle lecture de l'attitude de son client procède d'une déduction hâtive puisque beaucoup d’autres accusés sont restés au pays. " Si on émet une hypothèse pour charger mon client il faut absolument la confirmer par des faits tangibles sinon la déduction sur sa fuite me paraît très fragile " a-t-il relevé.

Au sujet de l'expédition sur Zorgho, le parquet a voulu savoir s'il a reconnu Aminata Guelwaré parmi le groupe mais sieur Zongo dit seulement avoir vu une dame de teint "bronzé" à travers les vitres du véhicule dans lequel il était.

Voyant que le parquet est scotché aux P-V de l'instruction pour confondre son client, Me Sandwidi a fait remarquer qu'il ne sied pas de prendre les déclarations contenues dans le dossier comme parole d'évangile car selon lui le juge d'instruction reformule les phrases et qualifie les faits en fonction des préjugés.

 

Avalanche de réactions

 

" Si c’est le cas, c’est une faute grave, allez donc plus loin dans votre logique pour déposer une plainte contre le juge d’instruction. En droit, lorsqu'un accusé réfute ce qu'il a dit devant le juge d'instruction on ne peut pas dire que c'est sa parole contre celle de ce dernier. Il assume la paternité de ce qu'il a signé et il en assume la responsabilité" a  rétorqué, Me Prosper Farama de la partie civile. Son confrère Séraphin Somé, visiblement fâché, est allé plus loin: " Certains décrédibilisent l'institution judiciaire en commençant par jeter le discrédit sur le juge d'instruction pour dire qu'il a menacé les accusés ou qu'il leur a prêté  des propos qu'ils n'ont pas tenus. A ce rythme on viendra, devant une juridiction de second degré remettre en cause ce que les greffiers ont retranscrit pendant ce procès et dommage qu'on ait  suspendu les enregistrements. Si vous dites que les documents sont faux et vous vous arrêtez là, c'est ce qu'on appelle des allégations; une défense qui n'a aucun fondement. Que ça soit la dernière fois qu'on nous le répète car c'est la première fois que je vois que les droits des accusés sont bien respectés au point que les voleurs de moutons peuvent pâlir de jalousie. Nous n'allons plus supporter que l’on remette les P-V en cause " a-t-il développé en suscitant la colère de la défense.

Voyant beaucoup de mains levées pour la réplique le président du tribunal Seydou Ouédraogo tente de calmer le jeu en abondant dans leur sens " jusqu'à la clôture on a le droit d'opiner sur toutes les pièces". Qu’à cela ne tienne, la réponse de Me Sandwidi n'a pas tardé : "On continuera à discuter des pièces quitte à ce que vous quittiez la salle vous insinuez que les droits des voleurs ne sont pas respectés, nous nous sommes là pour que nos clients ne subissent pas le même sort".

Me Isaac N’Dorimanaa cité l'article 427 du code de procédure pénale pour rappeler que le juge ne peut asseoir sa conviction que sur les éléments débattus au tribunal. Et Me Yelkouni Olivier de se dire scandalisé en entendant dire que le juge d'instruction clôt tout. " Nous sommes là pour l'instruction définitive, la  contradiction est consubstantielle au procès pénal".

A la suite du soldat de première classe Hamado Zongo, le sergent Yahaya Guiré a été appelé à la barre peu après 15 heures. Il est poursuivi pour les infractions de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre, coups et blessures. Il a plaidé non coupable.

L’accusé a expliqué être descendu de service dans la matinée du 16 septembre 2015. Il a soutenu qu’il était chez lui lorsque l’adjudant-chef Idani l’a appelé pour lui dire de revenir au camp. Il y est arrivé vers 18h et a constaté que des véhicules manquaient dans son garage. C’est donc en cherchant à savoir où étaient ces véhicules qu’on l’a informé que les éléments du Groupement des unités spéciales (GUS) ont arrêté les autorités de la Transition et que c’est au carré d’armes qu’il a retrouvé ces véhicules.

L’interrogatoire du sergent Yahaya Guiré se poursuit le vendredi 27 juillet à 9 heures.

 

San Evariste Barro

Abdou Karim Sawadogo

Dernière modification lejeudi, 26 juillet 2018 19:32

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