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Sanctions UA contre le Soudan : A-t-on demandé l’avis d’Al-Sissi ?

 

Les rues de Khartoum sont désertes depuis ce mardi 4 juin, sillonnées par des éléments des forces de défense et de sécurité lourdement armés. Près de deux mois après la chute du président El Béchir, le Soudan s’enfonce davantage dans la crise politique. Après le massacre du 3 juin dernier, le Conseil militaire de transition (CMT) souffle le chaud et le froid, l’Alliance des forces de la liberté et du changement (ALC), tête de proue de l’insurrection populaire, est sur les nerfs tandis que la rue est désemparée.

 

Si la communauté internationale est divisée sur la conduite à tenir, se montrant incapable de voter une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU à ce propos, l’Union africaine, pour sa part, brandit des sanctions contre la junte militaire.

 

En tout cas, après l’intervention très musclée des Forces de soutien rapide (FSR) et des éléments réservistes de la police, sous le commandement du numéro 2 de la junte, le général Mohamed Hamdan Dogolo, alias Hemetti, contre les manifestants, la révolution soudanaise est à la croisée des chemins : ou elle se noie dans le sang des martyrs du 3 juin avec une confiscation effective du pouvoir par le CMT, ou la radicalisation de la rue et de l’ALC aboutit à une violence généralise ou encore, le dialogue reprend entre les principaux protagonistes pour le transfert du pouvoir à une autorité civile, ou tout le moins consensuelle.

 

Le Conseil paix et de sécurité de l’Union africaine exhorte les acteurs de la scène politique soudanaise à ce scénario de la reprise du dialogue non sans avoir suspendu le pays de toutes les activités de l’organisation et promis « des mesures punitives contre les personnes et entités faisant obstacle à la mise en place de l’Autorité de transition sous conduite civile. » Hélas, il faut craindre que cette sanction de l’Union africaine et les promesses de mesures punitives n’aient qu’un effet de duvet sur la carapace des dinosaures de l’armée, notamment ceux qui pensent comme le général Hemetti qu’il ne faut pas laisser s’installer le chaos dans le pays mais plutôt y imposer l’autorité de l’Etat. Au contraire de cette déclaration de faucon, on a bien entendu aussi celle du numéro 1 de la junte, le général Abdel Fatah Al-Burhan, qui joue à la colombe, se disant « prêt à ouvrir ses bras au dialogue avec toutes les parties dans l’intérêt du pays ».

 

Cacophonie au sein de la junte ou hypocrisie indécente du général Al-Burhan dans une stratégie machiavélique de brouiller les pistes qui mènent à l’agenda à peine voilé de la hiérarchie militaire, confisquer le pouvoir ? Cette dernière hypothèse est la plus plausible, car elle a l’avantage de dédouaner le Conseil militaire aux yeux de la communauté internationale, notamment de l’Union africaine, d’une rupture possible du dialogue avec l’Alliance des forces de la liberté. Par ailleurs, cet  appel au dialogue du général Al-Burhan met moins mal à l’aise le président égyptien, le général Al Sissi, président en exercice de l’Union africaine, qui a pourtant des sympathies pour la junte militaire soudanaise.

 

Quoi qu’il en soit, il est devenu évident que le renversement du général El Béchir est loin d’être l’épilogue de la crise que vit le Soudan depuis 9 mois. La lutte reste âpre pour le contrôle du pouvoir à Khartoum et le massacre de la place de l’état-major, épicentre de la révolution, donne à penser que l’armée est en passe d’imposer son diktat à la rue. N’en déplaise à l’Union africaine !

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 09 juin 2019 19:12

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