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Laurent Dona Fologo : Un grand caméléon de la faune politique ivoirienne s’en est allé

Laurent Dona Fologo nous a quittés le 5 février dernier. Il était âgé de 82 ans.

 

 

Ancien de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, il a été tout d’abord le premier rédacteur en chef du quotidien pro-gouvernemental Fraternité Matin avant d’entrer résolument en politique, occupant pendant deux décennies et sans interruption des portefeuilles ministériels sous Houphouët Boigny et sous Henri Konan Bédié, sans oublier les quatre ans comme président du Conseil économique et social du temps de Gbagbo et sa dizaine d’années au titre de Secrétaire général du PDCI-RDA.

 

Ce n’est que sous Robert Guéi, qualifié de « Père Noël en treillis » dans l’exultation des premiers jours de sa prise de pouvoir comme on le constate souvent sous nos tropiques, que Dona Fologo a essuyé la tempête, lui qui devait gérer la direction du désormais ex-parti unique. Si on lui reconnaît une carrière politique assez riche, il n’en demeure pas moins que ce qui est resté dans l’esprit, c’est aussi sa capacité à muer pour arborer la couleur du moment, notamment dans la gestion du pouvoir. Ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom pas du tout flatteur de « politicien cube-Maggi » qui s’évertue à vouloir convenir à toutes les sauces. Au Burkina, les étudiants de l’université de Ouagadougou l’auraient affublé du statut infâmant de « politicien-gâteau ».  

 

En effet, LDO, comme aiment à l’appeler affectueusement ses amis et sympathisants, n’avait jamais fait mystère de sa ligne idéologique, qui n’a pas bougé d’un iota jusqu’à sa mort : il disait à qui voulait l’entendre qu’il n’avait pas la culture de l’opposition, et ce sans une once de culpabilité dans la voix. Quand un journaliste, à l’orée de la présidentielle 2015, l’avait interrogé sur son long silence, après avoir été débarqué du CES par Alassane Ouattara, il a répondu : « J’ai en particulier appris à me taire quand c’est nécessaire. J’ai appris à être réaliste et patient. L’opposition radicale est l’opposition classique. Elle est souvent appelée à dire non. Sans même réfléchir, on doit d’abord dire non. Et après, on réfléchit. Ce n’est pas mon cas. Je ne suis pas dans ce type d’opposition. J’ai dit publiquement que je n’empêcherai jamais un dirigeant de la Côte d’Ivoire de travailler et de réussir la mission que le peuple lui a confiée. Un homme qui se définit comme tel ne peut pas être un opposant au sens où certains l’entendent, parce que l’opposant radical, quelquefois, empêche l’autre d’avancer pour gagner, accéder au pouvoir à son tour. Ce n’est pas mon cas ».

 

Ainsi était donc la vision de l’un des derniers Mohicans de l’Houphouëtisme à être parti, lui qui estime observer les vertus que lui a enseignées le «père de la Nation». A-t-il failli ? Le jeu d’équilibriste étant aussi un art en politique, que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. Quoi qu’on pense de lui, il a apporté sa pierre à l’édifice. Voltaire n’a-t-il pas affirmé que « ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c'est l'insatiable cupidité et l'indomptable orgueil des hommes »?

Issa K. Barry

Dernière modification lelundi, 08 février 2021 22:20

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