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Terrorisme au Sahel : Retour d’Arbinda

L’étau terroriste ne se desserre pas autour d’Arbinda logée entre les collines.

Des attaques en masse ou ciblées ont occasionné des pertes en vies humaines et déplacé 42 villages.

 Cinq (5) conseillers ont été assassinés.

17 VDP ont payé de leur vie le combat contre la nébuleuse terroriste.

Aujourd’hui une seule route pour sortir et entrer à Arbinda. Une fois à l’intérieur de la commune, impossible de faire le moindre kilomètre de plus sans se faire agresser par les hommes armés qui rôdent dans les environs. Les menaces de rayer cette localité de la carte pleuvent toujours. Mais Arbinda avec l’aide des FDS et des VDP résiste de son mieux. En tout cas, l’asphyxie voulue par les terroristes n’est pas encore une réalité. A la faveur de l’accalmie qui y règne et sous une bonne escorte, nous avons séjourné du 13 au 15 février 2021 dans la capitale des gravures rupestres.

 

 

Quelque cinq jours d’attente ! C’est le temps qu’il nous a fallu avant de pouvoir effectuer cette incursion. A Dori, « notre base avancée », nous partageons le quotidien de cinq ressortissants d’Arbinda qui attendent l’escorte pour regagner leurs pénates. Installés sur des nattes sous l’ombre d’un des épineux, qui sont légion dans ce Sahel burkinabè, on fait et refait la revue des attaques qui rythment la vie. Au fil des jours et des nuits, les langues se délient. Le quinté d’«Arbindais» nous compte leur misère. « Avant on pouvait aller jusqu’à Gorgadji sans être inquiété. Mais depuis quelques mois on enregistre des attaques meurtrières sur cette voie. L’axe Dori-Gorgadji est devenu plus dangereux que celui Gorgadji-Arbinda. Récemment, six personnes de retour de Gorgadji ont été assassinées par des terroristes », explique Amadou avec qui je dois faire route jusqu’à Arbinda.

Mû par un ultime espoir en cette matinée du samedi 13 février, celui de pouvoir enfin mettre les pieds dans ce chaudron, je fais mes cliques et mes claques. Aux environs de 9 heures, la bonne nouvelle tombe : « Des VDP arrivent pour escorter leurs responsables de retour d’une rencontre à Kaya ».

A la sortie ouest de Dori, quatre camions de type « 10 tonnes », chargés de marchandises et de passagers, des tricyclistes et motocyclistes attendent aussi cette occasion pour prendre la route.

Arbinda est juste à 100 kilomètres à l’ouest de Dori, après Yakouta, Djigo, Bonbofa, Gorgadji, Oulfou Alpha et Boukouma ; des villages qui sont autant d’obstacles dans ce qui s’apparente à un parcours du combattant. Ce n’est pas le cœur tranquille que l’on se lance sur cette route où des hommes en armes font régner la violence. 

Juché derrière la moto de notre guide, nous nous remémorons les propos du premier citoyen d’Arbinda : « Nous sommes tous des victimes en sursis. Nous attendons le jour où nous serons tués à notre tour. C’est une question de jour », nous avait déclaré le maire, Boureima Werem, courant janvier lors de notre première entrevue à Ouaga.

A peine avons-nous quitté Dori, traversé Yakouta que nous rencontrons à la lisière de Bonbofa la tête de pont du convoi escorté par les VDP. Derrière eux, une longue file de 14 camions, des centaines de motocyclistes et des tricycles. Du fait des multiples attaques, la circulation est à sens unique. On sort et entre toujours en groupe et avec la même escorte.

Trois heures plus tard, nous sommes à 55 kilomètres de Dori, à Gorgadji plus précisément. Ici, les premières traces de l’insécurité sont perceptibles : sur le mur de clôture de la mairie, située à droite juste à l’entrée du village, des impacts de balles sur ce bâtiment en parpaing. « Ce sont les impacts de l’attaque de la gendarmerie de Gorgadji que vous voyez sur le mur. Avant de rejoindre leur camp, c’est ici que le détachement était », indique notre guide. En face, une faction des combattants volontaires qui filtrent les entrées. A l’intérieur du village, des hommes en armes font la ronde. A la sortie ouest de Gorgadji, un autre groupe de voyageurs attendent d’intégrer le cortège mené par les VDP.

 

Sur la route, des restes humains

 

Depuis que les terroristes multiplient les assauts contre Arbinda, tout ce qu’on y trouve comme marchandises est importé. Des marchands, venus à Gorgadji pour chercher du bétail, des céréales, des légumes ou toutes sortes de denrées, grossissent le convoi. Après une pause, la marche vers Arbinda peut reprendre. A la sortie de la bourgade, le paysage me conforte l’opinion que je m’en étais faite : des terrains dénudés à perte de vue, des collines, une route lessivée par le ruissellement des eaux de pluie ou trouée par les engins explosifs ; autant des stigmates de la guerre asymétrique qu’imposent les terroristes aux FDS et aux VDP dans cette partie du Sahel. Les abords de la route sont léchés par les flammes d’un feu de brousse. Par endroits, des troncs d’arbres morts se consument encore ! « On brûle parce que les terroristes se cachent dans les hautes herbes pour commettre leurs attaques », indique un VDP.

Après une heure de progression lente, nous atteignons le village Oulfou Alpha. Pas une âme qui y vive encore ! Des maisons abandonnées dont certaines ont les portes entrouvertes. D’autres qui n’en ont pas. Des tiges de mil encore sur pied.  Juste à la sortie du village déserté, la moto Apsonic d’un binôme de VDP leur joue des tours. L’engin embarqué dans un tricycle, nous reprenons la route. Quelque quarantaine de minutes après, dans les encablures de Djiolo, encore une panne de moto dans le rang des combattants qui assurent la sécurité des voyageurs. C’est ce qu’il ne fallait pas : l’endroit est redouté et réputé pour les multiples attaques y perpétrées par les terroristes. Les chefs VDP sont formels : « Il ne faut pas traîner ici. Trouvez un moyen pour qu’on quitte vite ces lieux ». L’ordre est aussitôt exécuté et le convoi progresse jusqu’à Djiolo.

A une dizaine de mètres de la route un tissu vert clair, encore maintenu au sol par un amas de restes, tente avec les rafales de vent de prendre son envol. « Là-bas ! c’est le corps d’un terroriste qui a été abattu », indique notre conducteur. Un peu plus loin de là et toujours à droite en allant vers Arbinda, d’autres restes enveloppés dans un blouson noir.

Et des découvertes macabres de ce genre on en fait un peu partout, selon des témoignages, dans les broussailles d’Arbinda. « Il n’y a pas que des corps de terroristes. Des victimes de leurs attaques n’ont pas non plus pu  être ensevelies. A un moment donné, il y a eu beaucoup d’attaques et il n’y avait pas de sécurité pour aller enterrer les victimes », explique notre ami de route. 

En fait, dans les parages, se trouve une piste empruntée régulièrement par les terroristes. L’un des chefs VDP de notre escorte après une simple observation de traces au sol conclut que les terroristes sont passés par là il n’y a pas très longtemps. « Ils viennent de vers Tasmakate dans les enirons de Gorom, et arrivent ici continuent à Djika, Pissantala ou Silmagué. Notre dernier accrochage avec eux date d’à peine deux semaines. Des VDP escortant des commerçants à Gorgadji sont tombés nez à nez avec une colonne de combattants djihadistes. Deux ont été abattus et une moto récupérée », a expliqué en langue korofé(1)notre VDP dont les propos ont été repris en français par Amadou Maïga.

Alors que nous traversons un pont de franchissement dans la partie boisée de Djiolo, nous n’étions pas au bout de nos découvertes des stigmates de la guerre : sur un dalot, des douilles de balle comme si on en avait semé à la volée ; trois épaves de pick-up militaires de part et d’autre de la voie, deux à gauche et une à droite. Après cette partie redoutée où des militaires et des civils ont perdu la vie, où des camions de vivres ont été brûlés, nous entrons dans le dernier village avant Arbinda qui a lui aussi fait les frais des actions de ces hommes sans foi ni loi. Nous voici donc à Boukouma.

Ici, le dalot de franchissement, long d’au moins une quarantaine de mètres et qui sert en même temps de digue au barrage, est en lambeaux. A deux reprises, les terroristes ont tenté de le dynamiter. C’est stratégique pour eux, nous explique-t-on, de sauter ce pont car s’ils y parviennent, Arbinda sera entièrement isolée. A la sortie ouest de l’ouvrage de franchissement, dégradé, une carcasse calcinée d’un car de transport en commun est couchée sur le côté droit. L’attaque a coûté la vie à cinq occupants du véhicule. Boukouma s’est lui aussi vidé de ses habitants et presque toutes les maisons portent des impacts de balle, ont des portes défoncées, trouées ou arrachées.

 

L’effort de guerre des commerçants

 

Rappelons qu’Arbinda est à seulement une centaine de kilomètres à l’ouest de Dori. Mais on n’y arrive pas d’un seul trait. Le voyage est ponctué de plusieurs arrêts de précautions de route, pour fouiller les fourrées et autres lieux suspects susceptibles de cacher des mines et autres pièges. Aussi a-t-il fallu ce jour-là, plus de 8 heures de route, pour arriver à destination.

Alors que l’astre du jour est en passe de céder la place aux ténèbres, nous voilà à la porte d’Arbinda qui vient de la contraction d’‘’Adi f bindou‘’(2) en mooré. C’est trois collines sacrées, Youni à l’est, Wassa au nord et Kouru au sud. Sur chacune d’elles ont lieu des sacrifices traditionnels pratiqués par des familles qui y sont consacrées.

A Arbinda, vu le contexte sécuritaire qui prévaut, l’inconnu ne passe plus inaperçu. C’est la vigilance.

A 18 heures passées plus de vrombissements d’engins. Ce jour 13 février, dans le secteur 4 où nous avons élu domicile, malgré le couvre-feu, le quartier est encore bruyant. Des éclats de rires, des va-et-vient, des torches électriques trouent par ci par là l’obscurité, de la musique… La raison : un mariage. Comme quoi on n’a pas cessé de s’aimer en ces jours de tourmente. Mais l’auteur principal de ce tapage nocturne qui n’avait pas eu d’autorisation y relative, répondra le lendemain à une convocation à la gendarmerie de non-respect du couvre-feu. 

Empêtré dans les nombreuses attaques terroristes, Arbinda a aujourd’hui des allures de forteresse avec les collines qui l’enserrent.  De cet endroit autrefois bucolique, dont on ne parlait que des célèbres gravures rupestres, l’insécurité a fait un enfer, au grand dam de ses habitants,plus de 92 200 selon le recensement de 2006, auxquels s’ajoutent les déplacés des 42 villages qui y ont trouvé refuge. Couvre-feu, attaques à répétition, corvée d’eau, chômage imposé, des amas de huttes construites à la hâte à l’aide de branchages et de plastiques noirs, etc. L’asphyxie voulue par les terroristes est en passe de réussir, si ce n’est déjà fait.

Ce dimanche matin, aucune cloche d’église, protestante ou catholique ne sonnera. Toutes sont fermées pour cause d’insécurité. N’eussent été la gendarmerie, la mairie, la préfecture et un CSPS où se démènent comme un beau diable un infirmier nouvellement affecté et trois élèves infirmiers en attente d’intégration, vous ne trouverez nulles traces de l’administration publique. Alors qu’on avait fini de bâtir le nouveau commissariat, un beau matin les Arbindais ont réalisé avec dépit que les agents de police ont plié bagages. Que dire de l’école ? Seuls les élèves en classe d’examen en ont repris le chemin grâce aux fils et filles reconvertis en enseignants volontaires.

Et le marché, traditionnellement le poumon économique de la localité ? En cette matinée de dimanche, il y a déjà grand monde sur la place même si ce n’était pas le jour conventionnel (3).« A Arbinda on ne fait plus de différence entre les jours simples et les jours de marché. Les gens, n’ayant pas où aller, passent leur temps ici ou se déploient sur les sites d’orpaillage pour les plus valides, site situé à l’intérieur d’Arbinda », a indiqué le vieil Abdoulaye. « La vie ici n’est pas facile. Personne ne peut s’aventurer un kilomètre plus loin », renchérit Yacouba Badini, un commerçant.

Et de fait à Arbinda le loisir d’aller et de venir, un des droits les plus élémentaires de l’homme, est plus qu’un luxe. Danger de mort ! Quid de la route Arbinda-Djibo ?

Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Impossible à emprunter, car parsemée de mines avec des terroristes aux aguets. « Je crois que des arbres ont même eu le temps d’y pousser. Ça fait plus de deux ans qu’elle est fermée par les terroristes », commente Amadou Maïga. Il en est de même pour l’axe Arbinda-Koutougou long de 45 km. Tous les environs nord-ouest sont impossibles d’accès.

 Pour les mêmes raisons et cela depuis trois ans, plus d’agriculture, plus d’élevage à Arbinda même. De quoi vivent alors les résidents ? Pour la plupart de l’aide qu’ils reçoivent de l’Etat, de ses partenaires et d’orpaillage. « Ça ne peut pas être suffisant. Tant que les déplacés ne retourneront pas dans leurs localités d’origine, le problème restera posé.  L’aide, c’est bien ! mais c’est mieux de vivre de la sueur de son front », soupire Yacouba Badini.

Dans cette situation imposée par les forces du Mal, chaque natif consent à sa manière à l’effort de guerre. Les religieux et les coutumiers, chacun selon son rite, œuvre au retour de la paix. Pour tous, Arbinda ne doit pas tomber. « Aujourd’hui nous constituons un verrou stratégique pour Dori et Kaya. Si Arbinda saute, ces deux villes tombent à leur tour dans les mains des terroristes », a indiqué Boukaré Ouédraogo. Pas question donc de céder. « Nous préférons la mort à la honte. Nous n’avons pas où aller », tranche Yacouba Badini. 

Et pour qu’Arbinda ne tombe pas, les commerçants tiennent ‘’deux fronts’’ dans cette guerre : le ravitaillement de la population en certains produits de première nécessité, et la participation financière à l’effort de guerre.

Dans la matinée du dimanche 14 février par exemple, dans un local de la mairie, ils tiennent une réunion devenue habituelle depuis la survenue du terrorisme. « Nous, commerçants, même si nous ne pouvons pas prendre les armes pour être des VDP, nous devons faire quelque chose. C’est une obligation pour nous. Chaque fois on se retrouve et on cotise pour soutenir les VDP », explique Yacouba Badini.

Et pour le ravitaillement de la ville, les commerçants trinquent davantage. Avec la crise sécuritaire, le prix du fret a en effet doublé :  pour une tonne de Ouaga à Arbinda il faut débourser 25 000 francs contre 12 500 de par le passé, et cela avec tous les risques encourus. « Le camion peut être brûlé par les terroristes ou encore sauter sur une mine. Ils ont égorgé un chauffeur sur cette route. Mais nous faisons tout pour que rien ne manque même si nous ne pouvons augmenter les prix », a ajouté Boukaré Ouédraogo.

 

A Arbinda ce qui revient à Arbinda

 

A César ce qui est à César et à Arbinda son initiative de volontaires pour la défense. Alors que les terroristes multipliaient leurs assauts, de concert avec les autorités locales et approuvés par Ouagadougou, des civils ont été armés pour y faire face. Et cela, bien avant que le chef de l’Etat ne prenne officiellement la décision de faire appel à des volontaires pour la défense de la patrie après l’attaque meurtrière du convoi de la mine de Boungou à l’Est le 6 novembre 2019.

Si intra-muros Arbinda semble aujourd’hui un ilot de paix dans cette partie du Sahel, ses habitants doivent cette accalmie en partie à leurs VDP qui payent un lourd tribut à cette guerre asymétrique. Ainsi, dix-sept (17) d’entre eux sont déjà tombés. Et c’est sans compter les blessés, qui se chiffrent par dizaines. En plus de flirter avec la mort chaque jour, ils souffrent d’une indigence criarde en armements tant en quantité qu’en calibre face à la puissance de feu des terroristes. De taille moyenne, Dramane Kerguéyé est décrit comme un combattant intrépide et habile dans le maniement des armes. C’est l’un des responsables des VDP d’Arbinda. Il insiste en ces termes sur la précarité de leur situation : « Souvent pour mettre le carburant pour les patrouilles, il faut aller travailler sur le site d’orpaillage. Pour le même travail, certains utilisent leurs propres motos.  Par ailleurs jusqu’à présent nous ne sommes pas rémunérés comme promis(4). Pour le moment, c’est de bonnes volontés comme les maires d’Arbinda et de Koutougou et certaines composantes de la population  qui nous donnent  quelque chose ».

Malgré les victoires engrangées aux côtés des FDS, l’ennemi reste tenace et n’a pas renoncé à son objectif de prendre Arbinda. Selon le jeune chef VDP, ils reçoivent régulièrement des  messages vocaux de ces ennemis de l’ombre les prévenant qu’ils s’organisent pour s’emparer d’Arbinda. « Il y a de cela quatre jours (ndlr : jeudi 11 février) via les réseaux sociaux ils nous ont envoyé un message pour dire qu’ils s’organisent pour effacer Arbinda de la carte ».

Même si Arbinda n’a plus enregistré d’attaques spectaculaires comme celles du 2 avril 2019 avec 62 victimes ou celle du 24 décembre de la même année avec 35 civils dont 31 femmes et   7 de nos vaillants militaires, la trêve n’est qu’apparente. La paix n’est pas encore gagnée.

Lévi Constantin Konfé

(1)        Le korofé ou le foulé est la langue des Foulcé ou Korumba

(2)        Littéralement, « voici ton caca ». C’était une forme de mise en garde contre tous ceux qui voudraient s’en prendre à Arbinda ou Karu en korofé qui signifie la même chose.

(3)        A Arbinda le cycle du marché est également de trois jours comme un peu partout.

(4)        Selon la loi, chaque volontaire a une rémunération mensuelle de 20 000 francs CFA.

 

 

Encadré1 : La guerre de l’eau

 

Dans une zone qui même en temps normal n’est pas excédentaire en cette denrée, avec l’afflux massif des habitants des villages voisins à Arbinda, la demande en eau dépasse de très loin l’offre. Le bidon de 20 litres du précieux liquide coûte déjà 150 francs CFA en février contre 75 francs avant l’insécurité. Et qu’en sera-t-il quand viendront les temps caniculaires d’avril mai ?   Pas de barrage à moins de 10 km pour étancher cette forte soif en eau. Certes, à seulement trois ou quatre kilomètres autour d’Arbinda il y a des forages ;  Malheureusement, les affreux terroristes en empêchent l’accès.

Les femmes qui ont tenté l’aventure, même si elles en sont revenues vivantes, ont été dépossédées de leurs bêtes  de portage. « Les femmes qui partent puiser l’eau sont interceptées par les terroristes. Ils leur retirent les ânes et les frappent. Si c’est un homme il est simplement tué », explique l’imam d’Arbinda qui a requis l’anonymat. Pour les soulager de la corvée eau, la mairie et ses partenaires ont réalisé six fontaines, des particuliers qui en ont les moyens en ont fait autant. Malgré ces efforts, la demande reste au-dessus de l’offre.

LCK

 

Encadré 2: Koutougou, odyssée d’une fuite

 

Le 19 août de l’an 2019, le détachement militaire de Koutougou a été attaqué par des hommes lourdement armés, qui ont tué une douzaine de soldats. Après s’en est suivie une série d’autres attaques qui a contraint les habitants de cette commune à l’exil.

Yacouba Koundaba qui s’est établi à Arbinda sont de ceux-là et n’a plus remis les pieds dans son Koutougou natal. Les années passent, mais sa douleur est encore intacte. Il se souvient encore de ce jour fatal comme si c’était hier.

 « Ils sont venus vers 8 heures et ont commencé à tirer. Il y a eu deux morts ce jour-là. Nous nous sommes réfugiés sur une colline où nous avons fait deux jours, espérant l’arrivée de l’armée. Mais nous ne savions pas en ce temps que le détachement était parti après l’attaque de leur camp. Nous avons appelé à l’aide Arbinda qui a promis de venir. Nous étions dans cet espoir quand les terroristes sont revenus nous attaquer une deuxième fois. Deux personnes ont encore été tuées. Nous avons compris qu’après cela nous ne pouvions plus rester à Koutougou. Ce fut le sauve-qui-peut. Sachant que c’étaient les personnes du sexe mal qui étaient visées, nous avons abandonné femmes et enfants, personnes âgées et malades pour nous réfugier dans la brousse. Comme on était en saison pluvieuse, il y avait suffisamment de hautes herbes pour protéger notre progression. Certains ont mis cinq jours à atteindre Arbinda. D’autres, moins rapides, deux semaines pour parcourir les 45 km. Ce sont les VDP et les FDS qui sont allés chercher certains dans la brousse pour les ramener. C’était effroyable ce que nous avons vécu. Je ne me rappelle plus exactement, mais deux ou trois femmes ont, dans cette fuite accouché, quatre enfants épuisés par la marche ont rendu l’âme à leur arrivée à Arbinda ».

LCK

 

Encadré 3 : Hama, une victime de la double furie

 

Hama, un conseiller fugitif, est une âme errante dans les artères de Dori. Toujours dans son long tricot qui pend légèrement en dessous de ses genoux, il multiplie les rendez-vous avec un agent municipal pour se faire établir un extrait d’acte de naissance dans le but de renouveler sa pièce d’identité arrivée à expiration. Aujourd’hui il inspire la pitié à tous ceux qui l’ont connu bien avant la crise sécuritaire. A sa vue, tous poussent un soupir suivi de l’exclamation « Dunia ».  D’une silhouette fantomatique, Hama évite d’aborder le sujet.

Son village, du nom de Bamguel Baguel, sur la route de Gorom a été à plusieurs reprises la cible des terroristes. Etant un élu local et sachant que cinq conseillers ont été victimes d’attaques ciblées, il se déplace dans les encablures d’Arbinda dans un village du nom de Diamkolga. Fuyant toujours les menaces terroristes, il se réfugie à Arbinda dans la cour d’un autre conseiller. Après l’attaque du 4 avril 2019 qui a coûté la vie au guide religieux du nom de Youssouf Ouérémi et qui a dégénéré en conflit communautaire, il était devenu, comme tous les autres membres de la communauté peule, indésirable à Arbinda. Sa maison est partie en flammes avec tout son contenu. S’il est encore en vie, il le doit à son tuteur, qui a refusé qu’on attente à son intégrité physique. Pris entre le marteau et l’enclume, il s’est exilé à Dori.

LCK

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