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Sénégal : Calme précaire dans une crise latente

Le Sénégal revient de loin après un début de mois de mars chaotique.

 

 

L’exception d’être le seul pays d’Afrique de l’Ouest, pour ne pas dire subsaharien, à n’avoir pas vu une irruption de la soldatesque dans la gestion du pouvoir d’Etat peut se prolonger. Mais qu’est-ce qu’on a eu peur pendant les violentes manifestations des 3, 4 et 5 mars derniers, suite à l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko !

 

Cette brusque montée du mercure social, à la limite d’une insurrection populaire, au-delà de cette affaire de mœurs, donne la pleine mesure de l’exaspération accumulée par les populations sénégalaises sur la dégradation de leurs conditions de vie  et les fautes politiques du président Macky Sall.

 

 

Pour les fautes politiques, il est symptomatique que des manifestants ont lancé des slogans réclamant sa démission pendant que l’opposition, notamment le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), le front de partis qui soutient Ousmane Sonko, l’a qualifié «d’apprenti dictateur» qui a perdu «l’autorité morale» pour continuer à diriger le pays. Des accusations qui se fondent sur sa volonté de «réduire l’opposition à sa plus simple expression». Cela explique-t-il les retentissants procès dont ont été victimes  Karim Wade et Khalifa Sall ? Oui, répondent beaucoup de Sénégalais qui ne décolèrent pas que la justice soit instrumentalisée, selon eux, par le pouvoir en place pour broyer ses opposants.

 

 

Ainsi Karim Wade  a-t-il été condamné en 2015 à 6 ans de prison et 138 milliards de francs CFA d’amende pour enrichissement illicite. Contraint à l’exil, il est aujourd’hui radié des listes électorales, donc inéligible. Bis repetita avec Khalifa Sall, cet autre opposant, ancien maire de Dakar, qui avait le vent en poupe pour la présidentielle de 2019, condamné en 2018 à 5 ans de prison pour escroquerie. L’interpellation d’Ousmane Sonko, le 3 mars dernier, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ou l’étincelle qui a mis le feu aux poudres du ras-le-bol sénégalais de la méthode Macky Sall : persécuter et éliminer juridiquement les opposants susceptibles de le gêner lors des élections.

 

 

Mais, deux ça passe, trois ça casse et voilà Macky Sall obligé de faire appel à des personnalités religieuses et de la société civile pour recoller les morceaux d’une rue qui lui a totalement échappé. Une rue d’autant plus irascible qu’elle prête à Macky Sall un agenda caché sur une modification de la Constitution afin de briguer un 3e mandat en 2024. Si telle est son intention, les « 3 glorieuses » de l’opposition de ce début mars sont un avertissement sans frais. A l’évidence, une telle réforme aura plus que du mal à prospérer dans une situation sociale volatile avec une jeunesse qui se sent abandonnée, en proie au chômage et à la précarité socio-économique.

 

Rien d’étonnant alors que, bien qu’à l’écoute du Khalife des mourides qui lui demande de reporter les nouvelles manifestations qui étaient prévues pour ce lundi, le M2D exige, entre autres, que le président Macky Sall annonce publiquement l’impossibilité constitutionnelle et morale pour lui de briguer un 3e mandat, la libération immédiate et sans condition des prisonniers politiques, l’arrêt de la persécution des opposants, la fin du « complot politico-judiciaire contre Ousmane Sonko ».

 

On le voit bien, la désescalade dans la rue n’est pas synonyme de  fin de la crise politique au Sénégal. Après les flammes des manifestations violentes, de la braise couve sous la cendre du calme précaire.

 

La Rédaction

Dernière modification lelundi, 15 mars 2021 21:34

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