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Décès Béchir Ben Yahmed : Un 3 mai comme un signe du destin

 

On croirait presque à un signe du destin, comme un certain Félix Houphouët-Boigny, mort le 7 décembre 1993, le jour même où la Côte d’Ivoire célébrait le 33e anniversaire de son accession à l'indépendance.

 

 

Hier lundi 3 mai, alors que les journalistes du monde entier célébraient la Journée internationale de la liberté de la presse, on apprenait la mort de  Béchir Ben Yahmed, décédé  à 93 ans à l’hôpital Lariboisière des suites de Covid-19, mal pour lequel il était hospitalisé depuis fin mars.

 

C’est une véritable icône de la presse panafricaine, que disons-nous, un vénérable baobab, qui vient de s’effondrer.

 

BBY,  ses initiales par lesquelles on le désignait souvent,  est né le 2 avril 1928 à Djerba, dans cette Tunisie encore sous protectorat français à cette époque.

 

Proche du père de la Nation, Habib Bourguiba, avec qui il a milité au sein du parti Néo-Destour, il sera à l’indépendance en 1956 son ministre de l’Information à seulement 28 ans.

 

Diplômé de HEC Paris, il fonde dès 1956 le journal Action qui deviendra en 1960 Afrique Action avant de prendre son appellation actuelle de Jeune Afrique en 1961.

 

65 ans voués donc au journalisme et au service de la liberté de presse qui ont façonné des milliers et des milliers de vocations de journalistes africains de l’espace francophone au sud et au nord du Sahara. Pour son engagement, le journal va subir la foudre de certains gouvernements, qui saisirent  à plusieurs reprises certaines des éditions. Il va être la cible de 4 attentats ou tentatives d’attentat dont le premier dès 1961 est attribué à l’Organisation de l’armée secrète (OAS).

 

Au fil du temps, le canard du 57 bis Rue d’Auteuil, 75016 Paris, est devenu une institution dont la voix compte. Qualifié parfois de «55e État africain», il était dirigé pendant des décennies par celui dont on louait l’exigence, le professionnalisme et l’engagement pour les indépendances africaines ; un excellent éditorialiste et un analyste pointu dont on savourait la chronique hebdomadaire «Ce que je crois». Un édito dont il continuait de ciseler les mots jusqu’en 2020, même si entre-temps il avait passé le gouvernail du navire à ses fils Amir et Marwane, chaperonnés, pour ainsi dire, par son fidèle collaborateur de tous les jours, le directeur des rédactions, François Soudan.

 

Avec le printemps de la presse africaine, consécutif à l’ouverture démocratique de la plupart des pays du continent au début des années 90, la domination qu’imprimait JA sur l’espace médiatique africain s’est progressivement amenuisée, en même temps que grandissait un procès en suspicion de collusion  entre le groupe et de nombreux palais présidentiels où ne régnaient pas toujours des démocrates.

 

Le dictateur tunisien Zine El Abidine Ben Ali aurait ainsi sauvé l’entreprise de la faillite en 1997 en ordonnant à des dizaines d’entreprises tunisiennes d’acheter des actions de l’hebdomadaire.

 

Des accusations que le journal a toujours balayées du revers de la main, minimisant l’impact de ces relations incestueuses sur son indépendance, mais sans parvenir toujours à convaincre de sa bonne foi.

 

Quoi qu’il en soit, le patriarche aura marqué de son empreinte indélébile l’histoire de la presse panafricaine et avec sa disparition, c’est l’une de ses pages les plus glorieuses qui se tourne.

 

 

 

Hugues Richard Sama

 

Dernière modification lemardi, 04 mai 2021 23:45

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