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Situation nationale : Discours présidentiel pour déminer un terrain sociopolitique

Cette fois, c’est le Loroum et le Sanmatenga qui ont reçu les étapes du tour du Faso sur la situation nationale.

 

 

Après ceux de Fada, de Djibo, de Dori, les habitants de Titao et de Kaya ont en effet battu le pavé le samedi 26 juin 2021 pour manifester leur mécontentement face à la dégradation du climat sécuritaire où les orages alternent avec les avis de tempête et, de temps à autre, de brèves éclaircies çà et là qui donnent parfois l’occasion à certains responsables de pavoiser. L’arrivée de cette boucle d’un genre particulier, c’est en principe les 3 et 4 juillet prochain à Ouagadougou et sur toute l’étendue du territoire, ou plutôt ce qui nous en reste puisque des pans entiers du pays, désertés par les populations, sont de fait contrôlés par les terroristes qui y dictent leur loi, islamiste en l’occurrence. De l’Est au Sahel en passant par le Nord, dans la bouche des croquants et sur leurs banderoles, les mêmes slogans et les mêmes imprécations contre le pouvoir. Cette atmosphère a du reste déteint sur le dialogue politique national, l’opposition, cornaquée par son chef de file Eddie Komoboïgo ayant opté pour la politique de la chaise vide pour protester contre ce qu’elle considère être une forme d’insouciance gouvernementale qui parle d’élections pendant que notre maison commune brûle.

 

 

Comment ne pas partager la colère légitime des Burkinabè, notamment ceux qui sont dans des zones à défit sécuritaire – y en a-t-il seulement une d’excédentaire ? – qui nourrissent un sentiment bien compréhensible d’abandon de la part du Léviathan plus que jamais incapable d’assurer la sécurité de ses enfants et de laisser le pays de nos pères partir en lambeaux. L’opposition, elle aussi, n’est-elle pas dans son rôle lorsqu’elle réclame la tête des ministres de la Défense et de la Sécurité, fusibles tout désignés que le président Roch Marc Christian Kaboré peut faire sauter à tout moment pour protéger l’ensemble du système ?

 

Certes, il ne revient pas aux opposants ou aux syndicats de former le gouvernement de celui qui a remporté l’élection présidentielle mais si le locataire du Palais de Kosyam avait dû sacrifier Simon Compaoré et Jean-Claude Bouda, ses potes de 40 ans dont le maintien comme premier flic du Burkina et ministre de la Défense était devenu problématique, pourquoi ne le pourrait-il pas pour d’autres têtes moins prestigieuses pour au moins donner l’illusion du changement ?

 

 

Mais s’il est légitime de s’interroger sur les réelles capacités des différents maillons faibles de notre chaîne sécuritaire, si donc l’ire populaire se justifie à bien des égards, pour autant il faut se garder d’installer une chienlit politico-sociale dont nous ferons tous les frais tant une crise institutionnelle majeure serait collectivement suicidaire dans l’état où nous sommes. Sans doute l’écrasante majorité des marcheurs sont-ils de bonne foi mais s’ils n’y prennent garde, ils pourraient très vite se transformer en « imbéciles utiles », ceux sur lesquels les cyniques marchent habituellement pour parvenir à leurs fins. Certains pourraient en effet être tentés d’instrumentaliser ce mouvement, de surfer sur cette vague contestataire en pariant pour la stratégie du pourrissement.

 

 

Les pêcheurs en eaux troubles ne manquent jamais dans ce genre de situations, y compris dans l’armée où quelque officier ambitieux peut sortir du rang pour mettre tout le monde d’accord. Et ce ne sont pas les arguments, fussent-ils spécieux, qui manqueront pour justifier l’injustifiable. L’exemple récent du  Mali est encore d’actualité pour nous inciter à la plus grande prudence. Allez d’ailleurs savoir si parmi ceux qui hurlent le plus lors des manifestations de rue, il n’y a pas des terroristes spécialistes de la dissimulation qui viennent narguer leurs propres victimes et capables, au besoin, de faire exploser une bombinette qu’on aura vite fait de mettre au compte de  l’incapacité du pouvoir à garantir la sécurité même de simples marcheurs pacifiques.

 

 

Il faut de ce fait éviter de jouer avec le feu. Encore faut-il cependant que le premier magistrat burkinabè donne des signaux qui rassurent : parler comme il aurait pu, ou même dû le faire après la boucherie de Solhan (132 morts officiellement) et, surtout, agir en prenant des décisions qui rassurent un tant soit peu et déminent un terrain politique potentiellement explosif.

 

C’est sans doute le chemin qu’il est en train de prendre. Dans une adresse à la nation diffusée hier dans la soirée, le président Roch Marc Christian Kaboré semble en effet avoir pris toute la mesure de la situation en annonçant une batterie de  « mesures idoines » pour notamment « rétablir la confiance, améliorer la rapidité d’intervention de nos Forces de défense et de sécurité, consolider l’efficacité et l’unité du commandement… ». Le président du Faso a aussi demandé à l’opposition de surseoir aux marches pacifiques et silencieuses projetées et de poursuivre le dialogue politique, exhortant chacun et tous à « faire preuve de responsabilité face à la fragilité de la situation », laissant lire entre ses lignes qu’il y aurait quelques velléités de menées subversives pour remettre en cause les acquis démocratiques.

 

 

La mine grave, Roch, qui dit comprendre l’indignation de ses compatriotes a donc parlé et on peut penser que son intervention en six minutes chrono sera rapidement  suivie d’actes concrets ! Il faut maintenant espérer qu’il n’aura pas prêché dans le désert et que son allocution produira le résultat escompté : faire baisser la tension et circonscrire l’incendie sociopolitique qui couve et qui pourrait nous faire perdre de vue l’essentiel.

 

La Rédaction    

 

Dernière modification lemardi, 29 juin 2021 23:12

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