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Assassinat du président haïtien Jovenel Moïse: Il y a du Gondwana dans cette première République noire

Ça semble à la fois si lointain et si proche. Tout ce qui touche Haïti nous concerne quelque part.

L’Afrique partage en effet tant et tant de choses avec la première République noire, indépendante depuis 1804, qui avait été obligée de payer financièrement son indépendance à la France à partir de 1825 et pendant 125 ans.

Pour les nuls en géographie, c’est un pays de 27 750 km2 , avec  11 millions d’habitants en 2019, situé dans les Caraïbes.

Nous avons en commun non seulement la couleur de la peau, mais aussi les inexplicables difficultés sociales, économiques, sans oublier les catastrophes naturelles à l’image de ce terrible tremblement de terre qui avait ravagé l’île en 2010 et fait plus de 230 000 morts et presque autant de blessés ou de l’ouragan Matthew qui a fait en 2016 au moins 1000 morts.  Il faut y ajouter l’instabilité politique chronique qui en fait un Gondwana1 perdu quelque part dans les Amériques, à tel point qu’on se demande plus 200 ans après son indépendance si Haïti n’est pas un pays maudit.

On en a encore eu la preuve dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet 2021 avec l’assassinat à son domicile du président Jovenel Moïse, 53 ans. Quant à son épouse, Martine, blessée au cours de la fusillade, son état faisait l’objet d’informations contradictoires,  certaines sources ayant annoncé son décès.

Nouveau drame donc dans un pays traumatisé, ballotté entre les coups d’Etat sanglants, les dictatures féroces, notamment celle des Duvalier, père et fils, et la terreur des miliciens Tonton Macoute.

Le fait troublant dans cette dernière tragédie haïtienne, c’est que l’assassinat du président a été annoncé par le Premier ministre sortant, Claude Joseph, qui avait été remplacé  pas plus tard que lundi par Ariel Henry, lequel n’était pas encore entré en fonction.

Résumons: un chef d’Etat assassiné chez lui au nez et à la barbe de sa garde par un mystérieux commando ; son ancien chef de gouvernement qui semble surfer sur ce drame pour se remettre en selle, alors qu’en cas de vacance du pouvoir, l’intérim est censé être assuré par le président de la Cour de Cassation, René Sylvestre, décédé le 23 juin dernier de Covid-19.

Un véritable imbroglio politico-institutionnel s’il en est à vous donner le tournis et dont on ne sait trop comment les Haïtiens vont s’en sortir.

Il faut dire que le défunt président dont le mandat avait expiré depuis février 2021 gouvernait par décrets, concentrant dans ses mains presque tous les leviers du pouvoir depuis que le Parlement avait été dissous, incapables qu’étaient les dirigeants d’organiser des élections générales.

L’opposition n’avait d’ailleurs de cesse que réclamer depuis la démission de celui qui était à la tête d’un pays gangrené par l’insécurité endémique qui avait fait fuir quelque 15 000 personnes de la capitale, Port-au-Prince.

Ironie du sort, le Premier ministre nommé, Ariel Henry, avait pour mandat de former un gouvernement dont la priorité des priorités devait être la résolution des problèmes d’insécurité. Et voici que  c’est le premier des Haïtiens lui-même qui en pâtit.

Ce qu’il faut maintenant craindre c’est qu’avec cette confusion totale dans laquelle même une vache ne saurait retrouver son veau, l’armée une fois de plus ne trouve là une occasion en or de s’emparer du pouvoir. Et ce ne sont pas les arguments qui manqueront.

 

Hugues Richard Sama

 

(1) Etat fictif créé par l’humoriste Mamane sur RFI, caricature des démocraties africaines

Dernière modification lejeudi, 08 juillet 2021 21:44

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