Coup d’Etat en Guinée Conakry : Quand les vaincus acclament le vainqueur
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Au lendemain de son coup de force contre le pouvoir d’Alpha Condé, le nouvel homme fort de Guinée, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, imprime son magister à l’Etat.
En effet, convoqué dare dare en réunion, l’establishment du régime déchu a comme fait allégeance au chef des putschistes. De fait, non seulement tous les membres du gouvernement dissous, y compris l’ancien Premier ministre et les présidents d’institutions, étaient présents au Palais du peuple de Conakry, mais en plus ils ont applaudi le chef de la junte à son arrivée. Des applaudissements comme pour dire : le régime Condé est mort, vive l’ère Doumbouya. Si ce n’est pas de l’allégeance, ça y ressemble fort. De toute façon, le nouvel homme fort de Guinée avait été on ne peut plus clair à propos de cette rencontre : « Tout refus de se présenter sera considéré comme une rébellion.» Alors, ils sont tous venus, ils l’ont acclamé, ils s’avouent vaincus.
La messe est donc dite pour le pouvoir de l’ancien leader de la Fédération des étudiants d’Afrique noire, devenu opposant emblématique avant de finir président autocrate. Défenestré de Sekoutoureya, nom atypique de la présidence guinéenne, la bête politique qu’a été Alpha Condé connaît ainsi une piteuse fin de carrière. La faute à l’obstination-bêtise pour un règne ad vitam aeternam.
La CEDEAO, l’Union africaine, l’ONU, bref, la bien-pensante communauté internationale, a beau condamner ce coup d’Etat, mise devant le fait accompli, elle finira par avaler des couleuvres dans cette énième irruption de la soldatesque sur la scène politique africaine. Ce concert de condamnations finira par connaître le même sort que celui réservé aux déclarations de principe qui ont suivi les putschs survenus dernièrement au Mali et au Tchad. Dans une logique, la communauté internationale s’agite mais les putschistes passent, une fâcheuse jurisprudence s’installe, consacrant le retour des coups d’Etat sous nos tropiques. Barack Obama et ceux qui pensent comme lui que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes » ont encore du chemin à faire dans leur plaidoyer. Car il s’en trouve des Africains et des amis de l’Afrique qui applaudissent «des hommes forts» qui abattent de pseudo-institutions démocratiques fragilisées par la mal gouvernance. Ils applaudissent et réclament même les coups d’Etat comme thérapie à l’incurie des classes politiques dirigeantes. Alors après le Mali puis le Tchad et la Guinée, à qui le tour ?
Pour l’instant, Mamady Doumbouya imprime sa marque à la tête de la Guinée, appelant à la continuité de l’Administration, à la formation d’un gouvernement d’union nationale, à la poursuite des activités économiques, notamment l’exploitation et les exportations minières, au respect des engagements internationaux ; bref, il veut rassurer les Guinéens et les partenaires de la Guinée. «Pas de chasse aux sorcières», promet-il, mais plutôt une invite au «rassemblement pour le développement.
Va donc pour les bras ouverts des nouveaux maîtres de Conakry mais pour sûr, malgré le ouf de soulagement dans les rangs de l’opposition qui souffrait le martyre, on ne donnera pas au lieutenant-colonel Doumbouya le Bon Dieu sans confession. On attendra de connaître davantage la junte et ses intentions : qui la compose et combien de temps compte-t-elle rester aux affaires ? Et l’ex-légionnaire Dombouya, aujourd’hui propulsé à la tête de l’Etat, sera-t-il un président visionnaire, lui qui est en partie un produit du système Condé ? On attend de voir, non sans faire remarquer qu’hier, dans une attitude d’allégeance, les vaincus ont acclamé le vainqueur au palais du Peuple de Conakry.
Zéphirin Kpoda
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