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Lutte contre le terrorisme : L’affaire des sous-marins australiens fait surface au Sahel

 

Feu de paille, tempête dans un verre d’eau, bisbilles d’un vieux couple aux allures de « je t’aime… moi non plus » : la colère de Paris à propos de l’annulation du contrat d’achat de 12 sous-marins français par l’Australie n’aura duré qu’une semaine.

 

 

 

Accusé d’avoir trahi et porté un coup de poignard dans le dos d’un allié, le Pygargue à la tête blanche a fait le plumage rond avant de tendre une aile protectrice  au Coq gaulois. En effet, Joe Biden et Emmanuel Macron se sont parlé hier matin au téléphone et l’ambassadeur de France reprend du service dès aujourd’hui à Washington en attendant la visite  européenne du président américain annoncée pour octobre prochain. Le Coq avait fait le paon. Il se dégonfle comme une baudruche. Tant mieux si la tragédie de la grenouille qui voulait se faire aussi gros que le bœuf est évitée. Et, développement inattendu dans cette crise des sous-marins australiens, les Etats-Unis « s’engagent à renforcer leur appui aux opérations antiterroristes » conduites par les Européens dans la région du Sahel.

 

Une bonne nouvelle pour cette région pour laquelle « l’heureuse faute » australienne vaut une telle déclaration d’intention américaine !  Disons plus simplement qu’à quelque chose malheur d’un contrat annulé est  bon. En effet, par la magie de la diplomatie et des relations géostratégiques, voilà que de l’océan Pacifique, les sous-marins australiens font surface dans le sable du Sahara ! Mais pourquoi les Américains affirment-ils maintenant à si haute voix ce qu’ils font depuis plus d’une dizaine d’années ?

 

Primo : A l’adresse des officiels français et de l’opinion publique, cet engagement à renforcer leur appui à la lutte antiterroriste au Sahel, c’est assurément pour dire que l’arbre du contrat rompu des sous-marins ne devrait pas cacher la forêt  de la coopération militaire et géostratégique qui lie les Etats-Unis à la France, et au-delà, à l’Union européenne. C’est connu, depuis la Première guerre mondiale, l’Amérique est le grand protecteur de l’Europe. Elle supporte actuellement la plus grande partie du budget de l’OTAN, et ce n’est pas demain la veille que le projet clopin-clopan d’une défense européenne va changer la donne. Va donc pour les protestations véhémentes de la France, en allié floué, mais dans le cas d’espèce, les intérêts économiques ont fait tinter outre Atlantique, la cloche de l’unilatéralisme à la Trump : « America first ! »

 

Secundo : Dans cette crise des sous-marins, l’administration Biden a opportunément rappelé à la France que l’Amérique veille à ce que la situation sécuritaire dans son pré carré sahélien ne soit pas plus compliquée qu’elle ne l’est. Et qui sait, avec les grognements de l’Ours sibérien au bord du Djoliba, la France, l’Europe et leurs alliés africains ont  besoin des Etats-Unis pour y parer à toute éventualité.     

 

Tertio : les Etats-Unis qui affirment renforcer leur engagement au Sahel, cela a de quoi rassurer plus d’un pays de la région ! De fait, la volonté de la France de redimensionner et de redéployer la Force Barkhane, la lenteur de la force européenne Takuba à monter en puissance, les faiblesses structurelles des armées nationales de nos pays  inquiètent concernant le déficit de présence militaire qui pourrait s’aggraver dans ces vastes étendues du Sahara où l’EIGS et le GSIM ont pignon sur dunes. Cette peur du vide sécuritaire et la volonté de mieux sécuriser leur territoire ne sont pas étrangères au projet des autorités maliennes de faire appel à Wagner, la société russe de sécurité. Peut-être bien que ce développement inattendu de la crise des sous-marins, la promesse du renforcement de l’engagement américain dans la région, est un argument supplémentaire que Joe Biden donne à Emmanuel Macron pour convaincre Assimi Goïta de faire le bon choix. Sait-on jamais !

 

En somme, de Paris à Bamako, en passant par Bruxelles, la répercussion de la crise des sous-marins sur la lutte contre le terrorisme au Sahel est une forte indication de ce que les alliés en matière de défense et de relations internationales demeurent des concurrents en affaires économiques. Et si Washington est prête à aider Paris à balayer devant son pré carré sahélien, pour des raisons évidentes, elle garde un œil vigilant sur la géopolitique mondiale. Les autorités maliennes et leurs virtuels partenaires de Wagner sont  prévenus ! Le lien franco-américain n’est pas distendu. Loin s’en faut ! La lutte contre le terrorisme au Sahel en est un champ d’illustration au point que de l’océan Pacifique, des houles de sous-marins australiens y font surface.

 

 

Zéphirin Kpoda   

Dernière modification ledimanche, 17 octobre 2021 11:48

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