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Négociations Etat malien avec les terroristes : Le précédent de Niono n’incite pas à l’optimisme

 

L’Etat malien a décidé de négocier officiellement avec les terroristes. De guerre lasse ! En vérité, c’est en quelque sorte un aveu d’échec dans la lutte armée contre le terrorisme.

 

 

Incapable de venir à bout de la pieuvre djihadiste qui l’enserre de tous ses tentacules depuis une bonne dizaine d’années, Bamako s’est finalement résigné à s’asseoir à la même table que le diable qui a toujours craché et mis les pieds dans l’assiette des valeurs de la République. 

 

Le gouvernement de transition vient, en effet, de mandater le Haut Conseil islamique (HCI) pour prendre langue avec le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim) d’Iyad Ag Ghaly et le Front de libération du Macina d’Amadou Kouffa. 

 

Une démarche qui s’inscrit dans le cadre de la concrétisation des recommandations issues du Dialogue inclusif de 2019.

 

Il s’agit en réalité à la fois de mettre le turbo et d’élargir à l’échelle nationale les initiatives locales d’accords de paix avec les groupes armés qui contrôlent des pans entiers du territoire malien et assujettissent des communautés que les forces armées peinent à libérer.

 

« C’est une demande populaire… L’écrasante majorité de la population malienne l’a demandé avant même la Transition », s’est défendu le ministre malien des Affaires religieuses et du Culte, Mamadou Koné.

 

Dans le principe, il n’y a rien de mal à négocier avec l’ennemi.

 

Après tout, ce n’est pas avec un ami qu’on discute de paix,   mais plutôt avec ceux qui paraissent à nos yeux l’incarnation du diable.

 

Il en a toujours été ainsi, surtout quand tout le monde s’accorde à reconnaître, comme dans le cas d’espèce,  que l’option militaire n’est pas la panacée.

 

Cela dit, sur le plan pratique, ces pourparlers posent un certain nombre de problèmes.

 

Il y a d’abord le fait que les principaux interlocuteurs ne seront autres que les gourous, en l’occurrence Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa, qui imprimeront le tempo de ces négociations et mettront dans la balance leurs intérêts et ceux de leurs proches.

 

Mais quand on sait que ces deux gros serpents du Sahel ont donné naissance à des serpenteaux qui échappent à tout contrôle, et à supposer qu’ils soient dignes de foi, on peut se demander si le prêche de la paix qu’ils vont faire sera entendu et appliqué partout où besoin sera.

 

Ensuite, qu’est-ce qu’on va d’ailleurs négocier ?

 

Les revendications politico-spirituelles de l’hydre sont connues. Tout comme l’est leur détermination à instaurer un califat avec ce que cela entraîne comme l’application de la Charia, le port obligatoire du voile religieux pour les femmes et les filles, par ailleurs interdites d’accès à l’école, l’imposition de  la lapidation, la flagellation et l’amputation des bras des voleurs par la police islamique  comme on en a vu en 2012 à Tombouctou.

 

La population a beau être de confession musulmane dans son écrasante majorité, l’Etat malien est-il prêt à accéder à ce genre de requête ; autrement dit à enterrer la laïcité, un de ses fondements ?

 

Le cas de l’accord dit de Niono (région de Ségou) est assez édifiant et n’incite guère à l’optimisme.

 

En effet, en contrepartie de la promesse de la levée du siège de Farabougou, les hommes d’Amadou Kouffa ont exigé le port du voile obligatoire, la perception de la Zakat, et une justice traditionnelle sous la direction de la katiba Macina.

 

Un modus vivendi qui met tout le monde sacrément dans l’embarras.

 

Enfin et en vérité, le médiateur lui-même, c’est-à-dire le HCI, pose problème. Pour le moment, on ignore la lettre de mission du gouvernement au HCI, les termes de référence n’étant pas encore portés à la connaissance du public.

 

Il faut attendre donc de le voir à l’œuvre pour savoir jusqu’où il ira ou n’ira pas. Mais connaissant ses positions  sur certains sujets de  société, en l’occurrence la question de la condition de la femme, il y a de quoi se faire du mouron. 

 

On se rappelle la reculade en décembre 2011 du gouvernement malien face à l’imam Mahmoud Dicko hostile au projet de Code des personnes et de la famille qui, dans sa première mouture,  accordait une bonne place aux droits de la femme.

 

Il faut craindre que le négociateur se comporte en talibé pour ne pas dire en taliban et au finish, serve la cause islamiste défendue par ses interlocuteurs. 

 

Quid de l’intervention militaire, notamment celle de Barkhane, de Takuba et de la Force conjointe du G5 Sahel ? Autrement dit, les troupes alliées en opération militaire pourront-elles continuer à traquer et neutraliser les terroristes durant tout le temps que prendront ces négociations ?

 

Une chose est sûre, cette nouvelle aventure va mettre les forces coalisées dans une posture inconfortable.

 

Mais au demeurant, revenait-il à un gouvernement de transition de prendre une décision aussi importante qui va engager le futur président démocratiquement élu qui n’aura d’autre choix, principe de continuité de l’Etat oblige, que de poursuivre ces négociations, bon gré mal gré ?

 

 

 

Alain Saint Robespierre

 

Dernière modification lemercredi, 20 octobre 2021 23:07

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