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Mort Colin Powell : Mission de non-retour pour un général du mensonge

Je vous le dis franco : en août 1990, quand la grande Amérique décidait d’attaquer la petite Irak sous le spécieux prétexte qu’elle fait partie de l’axe du Mal et détenait des armes de destruction massive, dans nos têtes d’étudiants de l’époque, le méchant, c’était Bush, et le brave, Saddam ; lui qui ne voulait pas se laisser conter par les puissants du moment.

 

Et pourtant, du côté de celui qui jouait au méchant, il y avait une présence qui nous gênait. Celle de son artificier en chef, en l’occurrence le chef de troupe qui devait mener l’armée américaine au combat, mais qui ne nous laissait pas indifférents, nous petits nègres.

 

J’ai nommé bien sûr Colin Powell, ce général à la peau basanée qui nous ressemblait tant. Eh !bien ce soldat plein de décorations militaires a passé l’arme à gauche le 18 octobre dernier à l’âge de 84 ans, suite à des complications du Covid, a-t-on dit. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a servi son pays avec courage et abnégation. Ancien du Vietnam dont il fut le premier conseiller militaire envoyé par Kennedy, blessé deux fois, il connut bien des épreuves dont cet accident d’hélicoptère au cours duquel le constat aura été fait que sa préoccupation de l’instant était non de sauver sa peau mais celle de ses soldats.

 

D’extraction pourtant modeste (papa magasinier et maman couturière originaires de la Jamaïque), Colin Powell fut  le premier Noir chef d’état-major et secrétaire d’Etat américain. Que d’altruisme, de bravoure et d’ascension donc pour aspirer un jour à une retraite militaire et politique bien méritée. Malheureusement, son discours à l’ONU la veille de l’occupation de l’Irak est passée par là. Rédigé par le directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, il se veut une preuve de l’existence d’armes de destruction massive au pays de Saddam. Des preuves avancées qui se sont révélées quelque temps après fausses. A la réception du papier, il se serait écrié : « Je ne vais pas lire cela. C’est de la m… ». Mais il l’a lu. Powell estime avoir été donc induit en erreur par la CIA et le politique. Peut-être qu’il fallait bien une bonne excuse pour attaquer et se faire accompagner dans l’expédition punitive par une coalition internationale de 35 Etats qui ont suivi comme des moutons de Panurge.

 

«Une tache dans ma carrière… C’était pas un mensonge délibéré de ma part. Je croyais à ce que je disais », s’est confessé quelques années après Colin Powell. Mais le mal est fait. Plus de vingt ans après avoir été déstabilisée, l’Irak se cherche. Idem pour la Libye depuis l’intervention militaire française en 2011 sous l’égide des Nations unies, s’il vous-plait ! On est même tenté de dire de laisser les soi-disant dictateurs là où ils sont pour ne pas mettre leurs pays sens dessus dessous. Depuis quelques années, on tente de dézinguer le petit Bachar en Syrie.

 

Et quand on pense avoir été un des artisans de pareille situation, on a beau avoir l’étoffe d’un héros, on en garde forcément des séquelles. En octobre 2013, un journaliste a posé cette question à Colin Powell : «Que voulez-vous qu’on retienne de vous ?». Il a répondu : «Que j’ai bien servi mon pays. Que j’ai travaillé à des traités qui ont éliminé de grandes quantités d’armes nucléaires ! Je voudrais qu’on n’oublie pas que j’ai toujours essayé d’éviter des guerres et toujours préféré la diplomatie pour régler les problèmes. Je pense qu’on se souviendra de moi à propos d’une doctrine militaire qui porte mon nom. Et puis je suis devenu le premier chef d’état-major noir et le premier secrétaire d’Etat noir des Etats-Unis. Malheureusement, on n’oubliera pas le discours à l’ONU, qui occupera une grande place dans ma nécrologie».

 

Issa K. Barry

 

Dernière modification lemercredi, 20 octobre 2021 23:16

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