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Afrique, France, Turquie: Soupe à la grimace pour Macron, petit lait pour Erdogan

Dans notre édition du 15 décembre dernier, nous annoncions « un voyage potentiellement électrique » que s’apprêtait à effectuer le président français qui devrait arriver à Bamako aujourd’hui, avant d’ajouter : « Voici un toubab qui n’aura pas droit au djatiguiya (l’hospitalité malienne). » 



Eh ! bien, ce voyage n’aura plus lieu ! L’Elysée a trouvé le prétexte officiel de la 5e vague de la covid-19 avec la variante Omicron en expansion pour annoncer le report de ce voyage.
Mais en vérité l’arbre de la pandémie cache mal la forêt de malentendus qui brouillent les relations entre la France et le Mali, le vrai motif de ce report. Ainsi, selon plusieurs observateurs, Emmanuel Macron aurait voulu s’entretenir avec Assimi Goïta, entre autres, de la lutte contre le terrorisme au Mali et du projet de coopération envisagé par Bamako avec la société privée russe Wagner, mais aussi de la durée de la transition politique en cours. Deux sujets qui passent pour secret défense pour le 1er, et pour  le second, sont réservés à la décision souveraine des assises nationales en préparation. En clair, Assimi Goïta n’a pas souhaité que ces questions figurent au contenu des entretiens avec son hôte français pendant la visite annoncée. Mais on voit mal du côté français Jupiter descendre de l’Olympe en simple villégiature sur les bords du Djoliba sans évoquer ces questions importantes à ses yeux. Faute d’accord donc sur le menu de cette visite, c’est d’une soupe à la grimace assaisonnée d’Omicrons fumés que doit mal digérer Macron en attendant de meilleurs jours pour les relations franco-maliennes, pour ne pas dire franco-africaines.


De fait, l’annulation de cette visite du président français au Mali donne un aperçu de l’image de plus en plus dégradée de l’Hexagone dans son pré carré africain, justement à cause de l’impossible rupture positive qu’attendent les anciennes colonies dans leur coopération avec l’ancienne métropole.
Si la relation France /Afrique a de plus en plus de l’eau dans le gaz, ce n’est pas pour déplaire à tout le monde, notamment ces économies émergentes qui bataillent pour arracher des parts de marchés sur le continent. Exemple, c’est au moment où le président Macron fait la grimace devant l’Insoumis Goïta  qu’Erdogan, le Téméraire, boit du petit lait à Istanbul, notamment à la clôture du 3e sommet du Partenariat Turquie/Afrique. En effet devant un parterre de 16 chefs d’Etat et de 102 ministres africains, le président Tayyip Erdogan a annoncé, samedi dernier, le don de 15 millions de doses de vaccins contre la covid-19 à l’Afrique non sans déplorer la fracture vaccinale dont elle est la principale victime.


Cette promesse du président turc entre en droite ligne dans l’offensive commerciale et diplomatique de ce pays en Afrique depuis 2002. Ainsi, si la rencontre au sommet entre la Turquie et les pays africains n’en est qu’a sa 3e édition, la coopération économique, diplomatique et militaire fait des pas en avant. En effet, d’un volume d’environ 5,4 milliards de dollars US en 2003, les échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique ont atteint 28,3 milliards en fin novembre 2021. Et Ankara, qui projette qu’ils grimpent à 75 milliards d’ici 5 ans, se donne les moyens pour y arriver.
 C’est connu, en 18 ans de pouvoir (2003-2021), Tayyip Erdogan a effectué 38 voyages officiels en Afrique dans 28 pays différents. Pendant la même période, la Turquie a multiplié ses ambassades sur le continent qui sont passées de 31 à 43. Idem pour les bureaux de l’agence turque de coopération qui de 8 sont passés à 20, disséminés un peu partout en Afrique et impliqués dans l’exécution de multiples projets qui drainent environ 1/3 des fonds de la coopération turque vers l’Afrique. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : La Turquie travaille « à développer un partenariat gagnant/gagnant avec l’Afrique dans une coopération renforcée pour la prospérité » selon son ministre des Affaires étrangères. Et le président Tayyip Erdogan de renchérir : « Ministères, institutions et secteur privé sont déjà mobilisés pour cela. »
Beaucoup de pays africains sont attentifs à ce jeu de charme turc d’autant plus qu’Ankara n’a pas à leur égard  un complexe de suzeraineté et un regard inquisiteur dans leurs affaires intérieures. A bon entendeur…

Zéphirin KPODA

Dernière modification lelundi, 20 décembre 2021 22:49

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