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Audit ministère de la Défense au Niger: Les compensations financières ne doivent pas tuer l’action publique

L’affaire avait fait grand bruit sous l’ancien président Mahamadou Issoufou. Un audit réalisé au ministère de la Défense en février 2020 avait révélé que plusieurs dizaines de milliards de francs CFA, 70 pour être précis, avaient été soutirés du Trésor public par des fournisseurs indélicats de matériel militaire. Et ce, à travers des surfacturations, des fausses factures et des commandes non livrées entre 2014 et 2019.

Mais alors que les Nigériens attendent depuis un procès sur cette affaire, voilà qu’on apprend que l’Etat du Niger a renoncé à se constituer partie civile après avoir mené des tractations financières avec les fournisseurs ;

autrement dit, le Niger a préféré récupérer tout ou partie des sommes en question.

Mais cet arrangement à l’amiable ne met pas pour autant fin à la procédure pénale dans laquelle cinq des principaux mis en cause ont été inculpés d’atteinte à l’accès d’égalité des candidats aux marchés publics.

Compensation pour compensation, il est en effet bon que l’action judiciaire aille à son terme pour qu’on ait le fin mot de cette histoire qui est d’autant plus criminelle qu’elle est intervenue alors que le pays est embourbé jusqu’au cou dans la crise sécuritaire depuis une dizaine d’années.

Et pendant que les soldats se font attaquer quotidiennement sur le terrain et que les civils aux mains nues sont massacrés par des hommes sans foi ni loi, voici que des délinquants au col blanc, qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts, s’en donnent à cœur joie dans des affaires pas nettes, le pays dût-il en souffrir.

On espère donc que les coupables seront châtiés à la hauteur de leur forfait pour décourager à jamais ceux qui, à l’avenir, seront tentés d’emprunter la même voie opaque.

En réalité, ce qui se passe au Niger est symptomatique de ce qui se passe dans la gestion du budget de la défense dans nos différents pays du Sahel, au Mali et au Burkina notamment.

Déjà en temps de paix, c’est le temple de l’opacité où le secret défense est brandi à tout-va pour justifier parfois l’injustifiable.

En situation de guerre, comme c’est le cas en ce moment, c’est la porte ouverte à toutes sortes de petites et grosses magouilles, impliquant parfois la haute hiérarchie militaire et des responsables politiques de premier plan.

Passe encore à la limite si le matériel livré est de bonne qualité. Or, force est de reconnaître que c’est parfois du toc et de  la véritable quincaillerie qui sont livrés au grand dam des combattants, qui tombent comme des mouches au champ d’honneur.

Il est vrai que, sous toutes les latitudes, les périodes de conflit sont propices aux bonnes affaires, mais quand ce sont les premiers responsables de notre sécurité qui se rendent coupables de telles bassesses, il y a comme une forme d’inconscience bien africaine qui dépasse parfois l’entendement.

Il faut au moins reconnaître au Niger le courage d’avoir levé le lièvre à travers l’audit mené par l’inspection générale des armées. Espérons que d’autres pays en prendront de la graine et apporteront de la transparence dans un secteur où les fins limiers de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption ne sont pas toujours les bienvenus.

 

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lelundi, 03 janvier 2022 22:26

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