Situation nationale : Rendons grâce à nos coutumiers et religieux
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La page Damiba est donc tournée depuis le dimanche 2 octobre 2022. Acculé par une partie de l’armée qui lui reprochait son incapacité à enrayer la spirale terroriste, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a dû capituler en rendant sa démission, assortie de sept conditions.
Place donc au capitaine Ibrahim Traoré. Un capitaine que certains voient déjà comme le nouveau Thomas Sankara envoyé par la Providence pour sauver le Burkina. Même si, d’après l’intéressé, il ne sera là que pour assurer l’expédition des affaires courantes jusqu’à la désignation « d’un président civil ou militaire » pour poursuivre la Transition.
Damiba nous aura donc fait perdre huit précieux mois et on va en perdre quelques-uns encore, le temps que le nouvel Exécutif s’installe et se mette au travail.
Autant dire une année blanche politique pour le pays, dont les nouvelles autorités militaires entendent circonscrire leurs actions aux objectifs de sauvegarde et de restauration de l’intégrité du territoire national.
La nouvelle trame de notre destinée collective qui s’écrit depuis le 30 septembre dernier et au terme de trois journées aussi éprouvantes que confuses aura mis sur le devant de la scène trois acteurs majeurs.
D’abord, le groupe des jeunes officiers qui, mécontents à la fois de la conduite de la guerre contre le terrorisme et de leurs conditions de vie, ont fini par mettre en joue celui qui avait utilisé les mêmes arguments pour contraindre Roch Marc Christian Kaboré à la démission le 24 janvier 2022.
Ensuite, la rue qui, de Ouagadougou à Kaya en passant par Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Kongoussi, manifestait bruyamment son soutien aux nouveaux maîtres du pays au prix, hélas, d’actes de vandalisme qui ont touché notamment les intérêts de la France au Burkina Faso.
Des manifestants qui, par des actions de « veille citoyenne », ont été un précieux soutien aux « Cobras » qui se sont « battus pour leur chose » et qui ont obtenu « leur chose », pour paraphraser Sandaogo.
Une révolution de palais qui a, par moments, fait craindre le pire, tant les risques d’affrontements entre les camps militaires antagoniques étaient élevés.
Dieu et les mânes de nos ancêtres merci, cette lourde hypothèque sur notre nation a été conjurée grâce à l’intervention d’un troisième groupe d’acteurs.
Ils ont beau agir dans l’ombre, comme c’est toujours le cas d’ailleurs, ils n’en ont pas moins joué un rôle majeur dans le dénouement de ces trois jours de face-à-face tendu.
En effet, si l’effusion de sang tant redoutée a été évitée, on le doit à la faîtière des communautés coutumières et religieuses qui ont pesé de tout leur poids moral pour éloigner de nous la perspective d’une tragédie.
C’est que, sous le magistère des premiers responsables de la chefferie coutumière, de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), de la Fédération des églises et missions évangéliques (FEME) et de l’Eglise catholique, un compromis a été trouvé entre frères d’armes à cran. Un accord qui a permis à Damiba de rendre le tablier et de prendre le chemin de l’exil, destination Lomé.
On ne peut que se féliciter de cet investissement salutaire des dépositaires de la foi et de la tradition, qui n’ont pourtant pas toujours eu bonne presse auprès de l’opinion publique.
Que ne dit-on pas, en effet, sur leur trop grande politisation, sur leurs accointances supposées ou réelles avec les puissants du moment, voire sur le culte qu’ils vouent à Mammon, le dieu argent, toutes choses qui ont contribué à érodé le capital de sympathie et de crédit dont ils jouissaient jadis ?
Et pourtant, leur image a beau être écornée, c’est toujours vers eux que l’on se tourne dans les moments critiques de la vie de la nation.
Pour ne rappeler que les derniers cas en date, n’est-ce pas le Mogho Naaba qui a dû jouer les Casques bleus entre l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida et ses camarades du RSP sous la tumultueuse Transition consécutive à l’insurrection de 2014 ?
N’est-ce pas le palais de l’empereur des Mossi qui a servi nuitamment de cadre de concertations entre « forces loyalistes » et les hommes du général Diendéré lors du putsch manqué de septembre 2015 ?
N’est-ce pas le cardinal Philippe Ouédraogo qui a mouillé le maillot, pour ne pas dire la soutane rouge, afin d’obtenir un modus vivendi entre Roch Marc Christian Kaboré et son tombeur ?
Et voilà encore les versets bibliques et coraniques associés aux incantations propitiatoires des dépositaires de la tradition qui viennent de s’imposer comme notre ultime recours en cas de péril de la nation.
Pour tout dire, si par moments on a de légitimes raisons de les vouer aux gémonies, on aurait tort pour autant de les envoyer au bûcher.
Précieux acteurs de l’ombre en matière de prévention de conflits et de préservation de la concorde nationale, coutumiers et religieux constituent une véritable exception burkinabè.
Sachons la conserver.
Sachons rendre grâce à nos coutumiers et religieux.
Alain Saint Robespierre
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