Prix du Cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana : Or brun, colère noire
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Si ce n’est pas un combat de David contre Goliath, ça y ressemble un peu, cet ultimatum de la Côte d’Ivoire et du Ghana aux multinationales qui exportent et transforment le cacao !
En effet, si ces 2 pays pèsent 60% des 4,5 millions de tonnes de la production mondiale de l’or brun, les multinationales qui l’achètent, le transforment ou le vendent sous diverses formes cumulaient, elles, un chiffre d’affaires annuel de 60 milliards de dollars US environ en 2021 et employaient 1,8 à 2 millions de personnes.
L’industrie du chocolat occupe donc un important pan de l’économie mondiale avec ce fâcheux constat que les producteurs et la matière première, le cacao, sont au Sud et les exportateurs-transformateurs au Nord. Or, depuis 40 ans, pendant que le prix du chocolat et des autres produits dérivés du cacao (beurre, liqueur, tourteaux, etc.) augmente, le cours du cacao, lui, fluctue à la baisse. La détérioration des termes de l’échange est passée par là ; c’est-à-dire la baisse inéluctable des prix des produits agricoles comparés aux prix des biens manufacturés. Cette théorie économique a été grandement illustrée durant le dernier quart du 20e siècle, et la barre est loin d’avoir été redressée au cours des 2 premières décennies du 21e.
Cette ‘’guerre du cacao’’ que soutiennent la Côte d’Ivoire et le Ghana vise à inverser la tendance qui appauvrit de plus en plus les producteurs du Sud, donc les leurs, pour enrichir chaque jour un peu plus les multinationales. Elle est d’autant plus juste, cette guerre, que la revendication de produire un cacao bio et durable est une exigence de la plupart des industries du chocolat. Ces dernières sont de plus en plus regardantes sur l’entretien des plantations, y interdisant le travail des enfants et l’utilisation de certains herbicides. Les normes de l’économie verte se sont invitées dans la filière de la production cacaoyère, faisant grimper les coûts d’investissements dans les plantations.
L’Initiative Côte d’Ivoire-Ghana vise donc à coordonner l’action de ces 2 pays dans la commercialisation de l’or brun, avec en ligne de mire une meilleure plus-value pour leurs planteurs. Les 2 pays précités exigent donc des acheteurs de leurs fèves un supplément de 400 dollars US par tonne, nonobstant le respect du cours de cette matière première sur le marché mondial. Et les multinationales ont jusqu’au 20 novembre prochain pour se conformer à cet ultimatum. Dans le cas contraire, les 2 pays ne respecteront plus l’exigence de produire un cacao durable, c’est-à-dire aux normes écologiques voulues par les multinationales.
Pour donner du poids à leur revendication d’un «différentiel de revenu décent » pour leurs producteurs, la Côte d’Ivoire et le Ghana avaient boycotté la réunion organisée par la fondation mondiale du cacao à Bruxelles en octobre dernier. Les 2 pays ont prévenu que si après le 20 novembre 2022 les multinationales n’acceptent pas de payer les 400 dollars supplémentaires sur la tonne de cacao vendue, ils mettront fin au programme de production d’un cacao durable et leur interdiront la visite des plantations pour la prévision des récoltes.
C’est un véritable bras de fer que ces géants de la production cacaoyère, mais en fait des poids plumes dans l’économie mondiale, ont imposé aux multinationales de l’industrie du chocolat.
Dans ce bras de fer, ils se montrent audacieux dans la défense de leurs producteurs. Et si cette audace faisait tache d’huile pour d’autres matières premières africaines ? Quand nos producteurs cesseront-ils de subir la loi inique de l’acheteur qui fixe le prix à prendre ou à laisser de leurs récoltes ? Quand nos gouvernants, nos opérateurs économiques feront-ils les efforts nécessaires pour créer des usines de transformation de nos produits sur place ? Car en dernière analyse, c’est l’indispensable carte à jouer pour espérer inverser la courbe du bradage de nos matières premières.
Zéphirin Kpoda
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