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Résultats législatives et régionales : « Tuk guilli »(1) à la togolaise

 

Les urnes ont parlé. D’une voix monophone. La Commission électorale nationale  indépendante  (CENI) du Togo a en effet proclamé le samedi 4 mai 2024 les résultats provisoires des élections législatives du 29 avril dernier.

 

Et sous réserve de la validation officielle de la Cour constitutionnelle, l’Union pour la république (UNIR) rafle la quasi-totalité des 113 sièges qui étaient mis en compétition avec 108 députés, contre 5 pour toute l’opposition réunie, notamment l’ADDI (2), l’ANC (1), la DMP (1) et le FDR (1). « Inimaginable, ridicule », s’étrangle au micro de RFI Jean-Pierre Fabre de l’Alliance nationale pour le changement quand Gilbert Bawara de la majorité présidentielle y voit une adhésion des Togolais « qui ont compris le bien-fondé de toutes nos actions y compris la dernière initiative majeure, la réforme ».

 

Cette véritable razzia électorale intervient en effet, rappelons-le, après une campagne marquée par la modification constitutionnelle intervenue le 19 avril qui fait basculer le pays dans la Ve République avec l’instauration d’un régime parlementaire. Il reviendra de ce fait à la future Assemblée nationale de « désigner » le président du Conseil des ministres (PCM), qui ne sera personne d’autre que le chef du parti ou de la Coalition de partis majoritaires. Autrement dit le président Faure Gnassingbé qui aura la réalité du pouvoir au détriment d’un président réduit à une fonction honorifique.

 

Ce ne sont donc pas de simples législatives et régionales qui ont lieu mais une présidentielle anticipée à un an de la fin du mandat du locataire de Lomé II. Ses adversaires y ont alors vu une façon un peu grossière de remettre son compteur à zéro quand la majorité présidentielle y voit un « rééquilibrage des pouvoirs exécutif et législatif, une rationalisation des cycles électoraux », avec, cerise sur le gâteau politique, des économies substantielles. Ce petit air de référendum constitutionnel  a-t-il  pesé dans la balance électorale ? Faut-il y voir, comme n’a cessé de le crier les opposants, les conséquences des « conditions unilatérales » dans lesquelles les élections ont été organisées, voire des « cas avérés de fraudes » durant la journée électorale dont les contempteurs du pouvoir disent « détenir les preuves irréfutables » ?

 

En vérité, on se demande si ce « tuk guilli » à la togolaise n’est pas d’abord la résultante de la disproportion des forces dans l’arène politique où les différents acteurs ne boxent manifestement pas dans la même catégorie ; comme cela s’est encore vu durant le campagne avec d’un côté, le rouleau compresseur de la machine UNIR qui a sans doute les moyens que procure la gestion du pouvoir d’Etat, de l’autre le caractère presque informel de certaines formations, plus présentes dans les médias et sur les réseaux sociaux que sur le terrain. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir l’absence criard des délégués dans les bureaux de vote alors même que les représentants des partis sont pris en charge par l’organisation. Le penchant, volontiers légitimiste des populations, surtout en milieu rural, ayant fait le reste.

 

Qu’à cela ne tienne, cette situation rappelle la touchante confession d’un certain Salif Diallo, alors l’un des caciques du Congrès pour la démocratie et le progrès. « Notre score est un peu gênant », avait-il effectivement reconnu quand, aux législatives de 1997, le CDP avait obtenu 101 sièges sur 111. Une performance qui donnait l’impression d’un parti unique de fait et qui, au finish, n’arrange même les affaires du parti ultra-majoritaire, ne serait-ce qu’en termes d’image. Sans oublier que s’il n’y a plus rien en face, si « devant c’est maïs » comme disait jadis le président Laurent Gbagbo, le risque est que les vainqueurs finissent par se manger entre eux.

 

Maintenant que l’affaire est donc dans le sac, nonobstant les éventuels recours qui ne devraient pas y changer grand-chose, la question se pose de savoir ce que le futur PCM va faire de sa victoire. Sûr de son fait et de sa force renouvelée, « l’homme Faure » du Togo va-t-il se refermer sur ses fidèles ou va-t-il tendre la main à ceux qui sont aujourd’hui à terre et qui ne demandent qu’à se relever ?

 

 

 

La Rédaction

 

(1) Expression en langue mooré qui signifie tout prendre

 

 

 

Dernière modification lelundi, 06 mai 2024 23:53

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