Mali : Dialogue…à une seule voix
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C’est parti, depuis le samedi 13 avril 2024, pour le Dialogue inter-Maliens, d’abord au niveau des communes, puis des régions et enfin, dans quelques semaines, à l’échelle nationale. Même scénario donc, pour le même cinéma, que pour les Assises nationales de la Refondation qui s’étaient tenues fin décembre 2021 pour poser les fondations du « Mali koura ».
L’objectif cette fois est de réconcilier les Maliens, preuve que le quintet des colonels au pouvoir depuis août 2020 a fait le constat que la cohésion sociale est partie en lambeaux ; alors que le désastre sécuritaire et humanitaire dans lequel se débat le pays voilà maintenant douze ans devrait susciter une union sacrée pour venir à bout de l’hydre. Encore faut-il que tous les acteurs en aient la réelle volonté, au premier rang desquels les autorités. On a bien peur cependant que ce soit la chronique d’un échec programmé, tant les lignes de fracture sont devenues béantes.
Au motif que les discussions qui viennent de commencer doivent se mener « dans la sérénité et non la cacophonie », les « transitaires » ont en effet décidé, le mercredi 10 avril, de suspendre les activités des partis politiques et celles des organisations de la société civile à caractère politique. Dans la foulée, interdiction a été faite aux médias de couvrir lesdites manifestations, mais les journalistes n’entendent pas se plier à un tel diktat. Bras de fer en perspective. Il est vrai que la lutte contre le terrorisme est devenue un prétexte à tout, notamment à la mise sous l’éteignoir de toutes les voix discordantes alors qu’on est bien souvent dans une simple logique de conservation du pouvoir par la terreur. Du coup, ce qui devait rassembler tous les Maliens est boycotté par une bonne partie de la classe politique et des OSC qui dénoncent « un simulacre de dialogue au service d’autorités illégitimes ». Et on peut les comprendre. N’est-ce pas en effet plutôt paradoxal que d’interdire les activités des formations politiques tout en les conviant à un dialogue qui est pourtant éminemment…politique ? C’est ce qu’on pourrait appeler le paradoxe de Goïta. On va, de ce fait, assister à un entre-soi des partisans du régime alors qu’on ne se réconcilie pas seul.
Mais on l’a bien compris, les premiers responsables de la Transition ne sont pas à une contradiction, voire à un reniement, près. Le modèle achevé de cet grand écart qui confine souvent au suicide politique n’est autre que le Premier ministre Choguel Kokala Maïga, hier grand pourfendeur de la junte et qui s’est découvert sur le tard un amour du pouvoir kaki depuis qu’il est chef du gouvernement. Quel crédit peut-on accorder à la parole de dirigeants comme lui qui défendaient la France, éreintaient la Russie et Poutine et qui, aujourd’hui, vont se baigner, toute honte bue, dans les eaux de la Moskova ? Peut-on croire aux « convictions » de quelqu’un qui, en 2021, réclamait un scrutin dans un délai de 18 mois et qui, maintenant qu’il est assis dans l’un des fauteuils les plus moelleux de la république, estime que les élections ne sont pas une fin en soi ? Le même qui martelait que la place des soldats est sur le terrain et pas sur la Colline du pouvoir est désormais au garde-à-vous devant les officiers supérieurs aux affaires.
Mais pour reprendre un célèbre aphorisme d’Edgard Faure, « ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ».
En réalité, le musèlement des leaders d’opinion, du moins ceux qui ne serinent pas à longueur de journée les louanges du locataire du palais de Koulouba, est moins lié aux causeries actuelles sur l’impératif de réconciliation qu’à la récente sortie de ces poils à gratter sur la fin de la Transition qui est officiellement terminée depuis le 26 mars dernier. Sans que les militaires aient pu organiser la présidentielle (reportée sine die) pour un retour à une vie constitutionnelle normale. Oui, on nous dira qu’il ne faut pas s’empresser de remettre le pouvoir aux civils et de restaurer la démocratie qui serait source de désordre, de division et de malgouvernance, comme si les militaires faisaient autre chose. On nous dira aussi que la situation sécuritaire ne s’y prête pas alors que, selon la propagande officielle, la reconquête du territoire avance à grandes enjambées avec le précieux soutien des supplétifs russes de Wagner. Mais le colonel Assimi Goïta avait-il un pistolet collé à la tempe quand il a arrêté le calendrier de la Transition, quand il a pris cet engagement auquel il a librement souscrit ?
Pour tout dire, ce «Dialogue»… à une voix n’est qu’un écran de fumée pour masquer l’illégalité dans laquelle il se trouve actuellement, même si on savait qu’en bon militaire, il ne lâcherait pas de son propre gré un pouvoir conquis à la baïonnette et à la canonnière. Et sauf incident de parcours, tant qu’il est le plus fort, après Goïta par les armes, ça sera toujours Goïta par les urnes. Car même en cas « d’élections inclusives, libres et transparentes, «ses compatriotes seraient-ils assez fous pour se passer d’un messie, même si les miracles promis par l’ancien patron des Forces spéciales tardent à se voir sur le champ de bataille ?
LA REDACTION
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