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1re au Bac 2018 : Elija prophète en son pays

Après Ilham Hildaa Nado Paré en 2016,  c’est une autre jeune fille qui s’est hissée sur la plus haute marche du podium de l’examen du baccalauréat, session 2018. Christvi Elija Sawadogo, à tout juste 18 ans, élève au groupe scolaire Saint-Viateur, a en effet décroché le premier parchemin universitaire, série D, avec une moyenne hallucinante de 18,13/20. Nous avons rencontré « l’extraterrestre » le 20 août dernier au domicile familial à la Zone I.

 

Avec sa moyenne rarissime à l’échelle du baccalauréat, on s’attendait à une rencontre du troisième type avec celle que d’aucuns considèrent comme une extraterrestre, même si elle a bien les pieds sur terre. Mais cette étoile-là irradie de simplicité et ne semble couver aucune exubérance  sous sa silhouette menue. Au milieu de toute la famille qui nous accueille en ce début de soirée, elle paraît effacée, effleurant à peine la main que nous lui tendons. Elija est en réalité une fausse timide. Lorsqu’on brise la glace de la discussion, celle qui, comme Hildaa Paré il y a deux ans, marche aujourd’hui au-dessus des débris de l’immense plafond de verre qui a pendant longtemps réduit les filles aux seconds rôles dans les séries scientifiques, se lâche et fait montre d’une éloquence naturelle. On se surprend à être séduit par son accent métissé, vestige d’un séjour francilien. Elle a en effet fait une partie de ses études sur les bords de la Seine aux côtés de son père, alors en poste à l’ambassade du Burkina en France : le CM2 à l’école primaire Jean-Baptiste Clément et le  premier cycle (6e à la 3e) au collège Bartholdi à Boulogne-Billancourt, dans le 92.

De retour au pays, ses nouveaux camarades de 2nde au lycée Saint-Viateur de Ouagadougou ne vendaient pas cher la peau de cette brillante élève qui avait pourtant obtenu le BEPC français avec la mention Très bien. Mais c’était compter sans la détermination de la « Parisienne », qui se réfugie dans le travail et la prière. Ces deux armes fétiches, celle qui est issue d’une famille protestante où la religion est la clé de voûte les reconduira au fil des années et des trimestres, obtenant invariablement des résultats qui oscillent 16 et 17 de moyenne à la surprise générale, jusqu’à ce fameux pic au baccalauréat  (18,13) qui fait entrer la jeune fille dans le cercle fermé des meilleurs candidats, à défaut d’être la meilleure de l’histoire récente de cet examen au Burkina. Cette moyenne à donner le tournis relève du miracle au sens propre comme figuré du terme. « Au dernier trimestre de terminale, j’ai eu 17,74 de moyenne. Dans la vie, il faut toujours viser l’excellence. Je me suis dit que si Dieu m’a permis d’avoir 17 en classe, je pouvais avoir 18 à l’examen. Je me suis mise en prière et j’ai demandé à mes parents de prier aussi pour ça », raconte-t-elle. Dès lors, Elija affirme s’être retranchée dans un monde à part, ne vivant que pour et par cet objectif qui paraissait fou aux yeux de certains. Au point, raconte-t-elle en rigolant aujourd’hui, d’avoir fait souvent des jours sans savoir où se trouvait son téléphone - chose imaginable de nos jours avec la génération 2.0 qui se réveille et se couche avec le smartphone - et de n’avoir remarqué la réparation d’un fauteuil dans le salon que quelque cinq mois plus tard, lorsque le Bac était achevé et qu’elle était auréolée d’un résultat bien au-delà de ses attentes.

Mais bien que très vite son relevé de notes  ait commencé à faire le tour des réseaux sociaux et que beaucoup l’aient présentée  déjà comme la première au classement national, elle s’est jusqu’au dernier moment refusée à le croire. Ce n’était pas dans ses plans et elle ne se sentait pas à la hauteur d’un tel exploit. Mais depuis le 18 août 2018, il n’y a plus eu de place pour le doute. La cérémonie du « prix de l’excellence » à Kosyam, les interviews, tout s’est enchaîné. Une médiatisation à laquelle cette discrète fille apprend à s’habituer.

 

Rendez-vous à la Sorbonne

 

Ni la célébrité soudaine ni sa moyenne exceptionnelle n’ont changé son plan initial, son premier parchemin universitaire acquis : faire économie de développement à la Sorbonne. Cette prestigieuse université où sont passés tant et tant de grands noms la fascine depuis le temps des cours d’orientation qui sont prescrits très tôt au programme des écoles françaises. Quant au choix de la formation, on aurait pu penser qu’il a été influencé par son paternel, le journaliste Songré Etienne Sawadogo, actuel directeur de l’Office national du tourisme burkinabè (ONTB) et économiste de formation. Cependant, elle assure que personne ne l’a aiguillonnée. Ses parents, il est vrai,  la voyaient plutôt prêter le serment d’Hippocrate. Ce rêve de la blouse blanche n’était pas le sien. Elija, comme elle l’explique elle-même,  aime « échanger, discuter, interpréter et résoudre les problèmes ». Et la formation en économie lui va à merveille. Mlle Sawadogo a déjà sa petite idée du problème économique de son pays auquel elle va s’attaquer, une fois ses études achevées. Elle ambitionne de créer une banque agricole pour « élargir l’horizon des prêts » et contribuer à l’essor du secteur primaire. Tout un programme ! En attendant de réaliser cet autre rêve, la future banquière a déjà obtenu son droit d’inscription à la Sorbonne et espère obtenir une bourse de l’Etat pour alléger le coût des études à la célèbre université du quartier latin de Paris sur les épaules de ses parents, ses modèles dans la vie après… Jésus.

 

Dévote

 

En fait, une discussion avec Christvi,  son autre prénom, si profane soit-elle, tourne vite à l’évangélisation. Les références bibliques s’enchaînent et il vaut mieux avoir « un missel » sous les bras pour la suivre. Nous ne lui avons pas posé la question, mais il y a de fortes chances qu’elle soit également « fiancée » à Jésus.

Casanière, l’Etoile, quand elle n’est pas à l’église ou n’enseigne pas les saintes écritures aux tout-petits, trouve pendant ses vacances le temps de faire des balades dans la nature pour prendre de grosses bouffées d’air frais ou d’aller à la piscine en famille, histoire de libérer toute la pression accumulée durant l’année scolaire.  Et si on croit que cette élève modèle  a en permanence le nez dans les cahiers, on se trompe car elle «se métamorphose pendant les vacances », confie son grand frère Hodija, en master de commerce international à la Sorbonne. Elle s’adonne notamment, pendant ses temps libres, à une de ses passions : la pâtisserie. Même si cette année il est certain qu’elle n’allumera pas ses fours pour des contraintes de temps liées à son voyage, à ce qu’on dit, elle fait des prouesses.

L’aîné de la fratrie, Beneja, étudiant en 3e année de droit à Nanterre, avec qui elle prendra dans quelques semaines le vol, apprécie en sa sœur son humilité et son amour du partage, avec toutefois ce défaut, il faut bien qu’elle en ait un : vouloir que tout le monde suive l’évangile selon « Sainte » Elija quand elle est convaincue d’une chose. A telle enseigne que son père ne cesse de lui rappeler qu’elle doit parfois mettre un peu d’eau dans son vin. Mais cette force de persuasion pourrait bien lui être utile en tant qu’économiste qui, selon la célèbre formule de l’Américano-Britannique Kenneth Boulding, est « un expert qui saurait vous expliquer hier pourquoi ce qu’il a prévu demain ne s’est pas passé aujourd’hui ».

 

Hugues Richard Sama

 

Encadré

Un relevé presque parfait

Sciences de la vie et de la terre : 19

Mathématiques : 18

Sciences physiques : 19

Français : 15

Anglais écrit : 19

Histoire et géographie : 19

Philosophie : 17

 

Dernière modification lemardi, 28 août 2018 18:44

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