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Procès putsch manqué: Bassolet plaide non coupable

Appelé à la barre hier, mercredi 19 décembre 2018, le général Djibrill Bassolet, poursuivi pour quatre faits, a juste eu le temps de plaider non coupable, avant que ne s’engage un débat sur une requête de sursis à statuer formulée par ses avocats. Le tribunal statuera sur cette demande le vendredi 21 décembre, puis l’audience sera suspendue pour ne reprendre que le lundi 7 janvier 2019 à cause de la période des fêtes mais également pour permettre aux uns et aux autres de souffler un peu.

 

 

Comme annoncé la veille, l’audience a débuté par la requête de mise en liberté provisoire de Minata Guelwaré formulée par son avocat, Me Silvère Kiemtaremboumbou, pour raison de santé. Après des débats qui ont pris les allures de congrès zoologique (lire encadré), le président du tribunal a renvoyé son verdict au vendredi 21 décembre 2018 avant d’appeler à la barre le dernier accusé à déposer, Djibrill Bassolet.

Le premier et unique général de gendarmerie du Burkina, qui était drapé d’un boubou immaculé, a été autorisé à s’exprimer assis sur un siège. Sans plus attendre, l’un de ses conseils, Me Dieudonné Bounkoungou, qui s’était saisi du micro, a réitéré sa demande de la veille : le renvoi de l’interrogatoire de son client à janvier 2019 pour permettre au bataillon d’avocats étrangers au service du natif de Nouna d’assister aux audiences. Arguant de la période de fêtes et du risque que les robes noires soient éloignées de leur famille en ces moments de réjouissances, il a soutenu que la défense de Bassolet souffrirait s’il devait avoir procès le reste du mois de décembre.  L’avocat a invoqué également le trafic aérien saturé durant cette période, ce qui pourrait constituer une difficulté de plus  pour des allées et venues au Burkina. « Nous pensons qu’un report nous permettrait d’être plus à l’aise », a-t-il plaidé. Sans compter, selon Me Bonkoungou,  que plusieurs mois de procédures ont « éprouvé tous les avocats ». Un coup d’arrêt pour souffler un peu ne serait pas de trop. Du côté du parquet et des parties civiles, on ne l’entend évidemment pas de cette oreille. Le ministère public estimant notamment qu’il est trop tôt, à considérer même les fêtes de fin d’année, pour suspendre le procès. « Nous pensons qu’on peut commencer l’instruction de cette affaire et au moment venu, si le tribunal estime qu’il faut suspendre, il avisera », a argumenté le ministère public. Sans compter, a-t-il défendu, que le report de l’interrogatoire de l’ancien ministre des Affaires étrangères constituerait une violation du principe d’égalité des accusés, les autres avocats de la défense ayant  préparé l’audition de leur client avec les mêmes contingences de temps. « Il appartient à ses conseils d’aménager leur emploi du temps en conséquence. La véritable contrainte, c’est ce dossier. Il devrait être une priorité pour eux. A part Me Thiam et Me Le Bihan, je n’ai  pas encore vu les autres avocats étrangers qu’on cite. Certains, c’est à travers les ondes étrangères qu’on les entend», a raillé en outre le procureur militaire, lequel est appuyé par les conseils des parties civiles.

Me Pierre Yanogo voudra savoir notamment si lesdits avocats étrangers de Bassolé ont envoyé à titre personnel une demande de suspension au titulaire de la police des débats. Me Yérim Thiam  lui répondra sur un ton quelque peu virulent. «  Je voudrais dire à mon confrère de se référer aux règles professionnelles. Nous nous substituons à nos confrères », a précisé l’ancien Bâtonnier du Sénégal.

Réaction vive de Me Yanogo : « Je pensais que le Bâtonnier avait un peu plus de sagesse, mais en plus il fait preuve d’ignorance. Vérifiez ! (en s’adressant au président du tribunal). Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas de débat. Il appartient aux avocats de s’organiser en fonction de votre audience, ce n’est pas au tribunal de s’adapter au programme des avocats. Quand ils vont finir de fêter, ils vont revenir ». Alors que le débat se faisait de plus en plus enflammé, Me Yérim Thiam, après avoir néanmoins estimé qu’il n’appartenait pas aux autres avocats de leur demander de fournir un mandat et qu’il était impossible de prendre ses dispositions vu le déroulé du procès, a informé que les avocats étrangers du général de brigade entendaient retirer leur demande de suspension.

Cet obstacle levé, Seidou Ouédraogo a pu enfin notifier à Djibrill Bassolet les charges qui pèsent contre lui. Le sexagénaire est poursuivi pour quatre faits : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires, et trahison.

« Est-ce que vous reconnaissez ces faits ? », a demandé au père de cinq enfants, le président du tribunal. Et le célèbre bouliste de Ouaga 2000 : « Je ne reconnais pas les faits. Je plaide non coupable ».

D’habitude les accusés se mettent alors à retracer leur emploi du temps le 16 septembre et jours suivants mais cette fois, Me Dieudonné Bonkoungou a encore pris la parole pour porter à la connaissance de la juridiction une information : «  Nous avons instruit une action en faux contre un certain nombre d’actes de la procédure visant Djibrill Bassolé ». Les actes argués en faux devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou par les conseils du général sont deux cotes relatives au rapport d’expertise des écoutes téléphoniques en date du 29 octobre 2016 ainsi que la prestation de serment de l’expert.

En vertu de l’article 629 du Code de procédure pénale, l’avocat a souhaité que le tribunal militaire sursoie à statuer en attendant que la juridiction saisie se prononce sur leur action, le cas échéant que le tribunal écarte les pièces incriminées.

Les avocats des parties civiles, par la voix de Me Prosper Farama, ont demandé une suspension de trente minutes afin de prendre connaissance des pièces relatives à cette affaire.

A la reprise, le parquet ne s’est pas fait prier pour dire que cette nouvelle demande des conseils de l’accusation s’apparentait à leur requête de renvoi, sauf qu’elle est posée autrement. Sur le fond, le ministère public considère, lui, que « l’article 629 n’oblige pas le tribunal à surseoir à statuer en attendant la décision du TGI ». De plus : « Pourquoi c’est  l’avant-veille de son interrogatoire que sa défense se rend compte qu’il y a des pièces dans le dossier qu’elle estime fausses ?  La réponse est que des gens ne veulent pas que leur client soit interrogé. On brandit à tout moment des éléments procéduraux pour arrêter le cours des choses ».

L’accusation rappelle que cette même problématique juridique avait déjà été soulevée devant la Chambre de contrôle de l’instruction. Les avocats  de Bassolet ayant, à l’époque, demandé l’annulation de ces pièces et même de la procédure, sans succès. Et même s’il y a vices dans le dossier, le procureur militaire estime qu’ils sont censés avoir été purgés avec l’arrêt de renvoi ou arrêt de mise en accusation qui  a saisi la Chambre de première instance du tribunal militaire.

Poursuivant son réquisitoire, il  assure également que  seule une contre-expertise aurait pu dire si l’expertise est fausse ou pas. « Ce n’est pas une plainte qui dit que c’est faux. Où étaient-ils pour ne pas faire la contre-expertise ? », a-t-il lancé.

Mais pour Me Bonkoungou, le parquet fait là une confusion entre l’authenticité des écoutes et la matière de l’expertise. En effet, a-t-il précisé, la défense s’attaque à la matière qui a servi à l’expertise puisque, à l’en croire, l’expert aurait même reconnu que les éléments qu’il avait en possession ne sont pas issus d’ « écoutes téléphoniques normales ». Sur le choix du timing pour lancer la procédure en faux, Me Maria Mireille Barry, autre conseil du général de gendarmerie, a rappelé que « les avocats ont la latitude de défendre leur client comme bon leur semble ».

Après la suspension d’une heure, les débats ont repris de plus belle, Me Bonkoungou insistant notamment sur le fait que le tribunal militaire ne peut maintenir la pièce arguée de faux. « Si vous la maintenez et que le juge saisi dit qu’il y a faux, qu’allons-nous faire ?», s’est-il interroge-t-il.

L’argument avancé par le conseil de la défense est vite contesté par Prosper Farama qui trouve qu’il n’est pas juste de céder à la requête des avocats de l’accusé, arguant qu’ils auraient dû attaquer au plus vite le travail d’expertise fourni. « Juridiquement, si vous estimez que le rapport est mauvais vous demandez une expertise complémentaire ou une contre-expertise. Vous ne le faites pas et vous venez attaquer le travail en nullité. Faisons du droit ! Depuis, ils n’ont pas attaqué le rapport en faux et c’est en décembre 2018 qu’ils le font et ils disent que c’est leur droit », s’est indigné l’avocat de la partie civile.

Réplique de Me Bonkoungou : « Pourquoi nous avons formulé la plainte maintenant ? La raison est simple. Depuis le début du procès, à chaque fois que nous avons critiqué un acte, malgré la légitimité on ne nous a jamais écoutés. Quand vous êtes devant une juridiction qui ne vous écoute pas, à un moment donné il faut changer de stratégie. C’est pourquoi nous avons décidé de déposer la plainte maintenant », a défendu le conseil de l’accusé du Grand officier de l’ordre national.

Me Hervé Kam, lui, a préféré s’attarder sur le fond de la plainte : « Quand on lit la plainte au fond, elle est totalement éloignée de ce qu’on peut qualifier de faux en droit pénal burkinabè ». Et de s’expliquer  davantage : « En matière de procédure pénale, une pièce est dite fausse s’il y a fausse signature, altération des actes, substitution des personnes, des écritures, etc. » Pourtant, dit-il, la plainte n’évoque absolument rien de cela. Pour lui, les avocats de la défense avancent qu’il y a falsification ou altération de pièce, sans dire ce qui a été altéré.

Pour Me Kiemtaremboumbou, ce n’est pas le lieu ni le moment pour Hervé Kam de développer les éléments constitutifs du faux. « Il se trompe d’auditoire », a-t-il avancé, faisant ainsi savoir que le tribunal militaire n’est pas le lieu pour discuter des éléments constitutifs du faux. Donnant son point de vue sur la pièce contestée, il s’est interrogé : « Si la procédure aboutit et qu’on vous dit qu’elle est fausse. Quel crédit allons-nous accorder à nos institutions. Nous n’avons pas peur d’aller au fond. Nous posons des questions de principes ».

Le tribunal militaire va trancher sur la question ce vendredi 21 décembre, dernier jour d’audience de l’année 2018. Une décision que Seidou Ouédraogo a justifiée par la période des fêtes, accédant ainsi implicitement à la requête retirée des avocats de Bassolet.  Après vendredi, le procès, a-t-il annoncé, reprendra  le 7 janvier 2019.

 

San Evariste Barro

Hugues Richard Sama

Hadepté Da

 

 

Encadré

Une histoire de salamandres, de rats, et de serpents

 

La Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) serait-elle infestée de nuisibles et de reptiles de tous genres ? C’est en tout cas la conviction de Me Silvère Kiemtaremboumbou qui, sur la base de ce motif, a demandé la libération provisoire de Minata Guelwaré. Selon l’avocat, sa cliente a vu sa santé détériorée depuis sa détention. Elle serait, à l’en croire, atteinte d’une pathologie chronique de l’ORL. Son incarcération y serait pour quelque chose. Il a d’ailleurs versé au dossier des certificats médicaux et des résultats d’examens pour étayer sa requête. Après avoir parcouru ses « preuves » le ministère public n’est toujours pas convaincu : « Nulle part, il n’est écrit qu’il y a incompatibilité avec la détention ». Au lieu d’une pathologie de l’ORL, il souligne que les certificats médicaux de la militante du CDP font plutôt état d’une allergie due à la poussière, aux poils d’animaux domestiques et aux acariens. « Même dans les maisons les plus propres, on peut trouver des acariens. Son allergie est susceptible de se déclencher partout. Ce n’est pas lié à la détention », a avancé le procureur militaire.

Qu’à cela ne tienne, l’avocat a estimé qu’à la MACA, elle avait plus de chance de rencontrer les allergènes : « Elle cohabite avec des salamandres, des lézards, des rats et même des serpents. Il y a tous types d’animaux. Combien de fois on a tué des serpents ? » « Mettez-la en liberté et vous verrez si elle va fuir », a-t-il répondu au procureur qui s’inquiétait que dame Guelwaré ne soustraie à la justice une fois sa mise en liberté provisoire prononcée.

 

H.R.S.

 

Dernière modification levendredi, 21 décembre 2018 17:35

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