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Général Djibrill Bassolet: «Si j’avais été chef d’état-major…»

Si on en croit le général Djibrill Bassolet, son rôle pendant les événements de septembre 2015 s’est résumé à contribuer à trouver une issue heureuse à la crise. Hier mercredi 9 janvier 2019, il s’est employé encore à l’expliquer au tribunal militaire, indiquant au passage qu’il aurait fait les choses autrement s’il avait été à cette époque chef d’état-major général des armées.

 

 

A l’entame de l’audience, Me Maria Barry, avocat de Djibrill Bassolet, procédant à la lecture de procès-verbaux, a tenté de dézinguer des témoins à charge du parquet. Le commandant Paul  Henri Damiba, qui aurait eu des échanges téléphoniques avec le général Bassolet, n’est ainsi pas jugé  crédible par l’avocate. Bénédicte Jean Bi-Ila qui pointe aussi un doigt accusateur sur le général, est lui qualifié d’«agent de renseignement manipulateur». D’ailleurs, a fait remarquer  Me Barry, le verbatim des échanges du sieur Bi-Ila avec certains accusés  laisse apparaître que, la plupart du temps, c’est lui qui parle, les autres se contentant de glisser «un ou deux mots».

Autre cible du conseil de Bassolet : Mohamed Koné Bongo, un agent commercial de nationalité malienne qui a indiqué aux enquêteurs  avoir assisté à des réunions préparatoires du putsch. Il a par ailleurs présenté Djibrill Bassolet comme «le cerveau du coup». Me Barry, sur un ton ironique, indique qu’au moment où Mohamed Bongo faisait ces «révélations» en novembre 2017, il purgeait une peine de 48 mois de prison ferme à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso pour «usurpation de titre». Citant des extraits de son témoignage, lequel évoque des rencontres avec à l’ordre du jour la préparation d’un coup d’Etat au Mali et la candidature de l’ex-ministre des Affaires étrangères burkinabè à la présidentielle, l’avocate a dit que ces déclarations étaient des «affabulations».

Elle a avancé par ailleurs que le ministère public omet volontairement de citer des faits qui disculpent son client :  cas notamment des procès-verbaux de perquisition du domicile de Guillaume Soro à Ouagadougou et de ceux de Bassolet à Ouaga, Koudougou et Nouna. Ces descentes n’ont pas permis, a rappelé l’avocate, de trouver grand-chose : 200 gilets pare-balles, entre autres, chez Soro, et les armes des gardes du corps chez Bassolet.

Après ses observations, Me Barry s’est tournée vers son client pour savoir ce qu’il entendait par DDR. En effet, le premier et seul général de gendarmerie du Burkina a reconnu avoir évoqué ce sujet notamment avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne et le cerveau présumé du putsch, le général Gilbert Diendéré.

Définissant d’abord le sigle (Désarmement, Démobilisation, Réintégration), il a précisé qu’il n’a jamais voulu dire d’appliquer le DDR au RSP. «Le RSP est un corps régulier. J’ai voulu qu’on s’inspire de l’esprit du DDR», a-t-il indiqué avant de préciser que sa seule intention était d’aider à une résolution pacifique de la crise.

Estimant l’occasion belle, l’ancien ministre de la Sécurité a exposé au tribunal la méthode qu’il aurait utilisée pour aboutir à cette fin heureuse s’il avait été aux affaires : « Si j’avais été chef d’état-major général des armées, ce qui ne risquait pas d’arriver puisqu’un pandore n’accède jamais à cette fonction, j’aurais fait les choses de manière propre, c’est-à-dire éviter la confrontation. J’allais travailler à éviter un procès pénal. Les éléments du RSP qui ont été attaqués, humiliés, dispersés ne peuvent plus être d’une grande utilité. Si j’étais un chef militaire, il n’y aurait pas eu tout de suite de poursuites militaires. J’aurais trouvé une issue qui arrange l’armée, le Burkina et la sous-région. On aurait pu aller à la dissolution mais garder les éléments constitutifs du corps. Les unités qui composent le RSP auraient pu être affectées dans d’autres corps parce que les éléments pris individuellement ne peuvent être aussi efficaces que s’ils sont dans leurs unités».

Au sujet du million que le mis en cause a remis au journaliste Adama Ouédraogo, il réitère que c’était pour l’aider dans son projet d’écriture. Et si c’est le 17 septembre, pendant la période du putsch, que cela a eu lieu, c’est indépendamment de sa volonté, a-t-il soutenu.  Pour lui, l’accusation, décidée à trouver des éléments matériels l’incriminant, fait énormément d’interprétations sur ce don, en le présentant notamment comme un soutien au coup d’Etat. Alors que, a juré l’accusé, il était désintéressé.

Dans la même veine, Me Barry fera savoir que ce n’était pas la première fois que l’ex-chef de la diplomatie remettait de l’argent à Damiss. Chose que son client confirme : «Ce n’est pas la première fois, c’est exact. Et je prie Dieu que ce ne soit pas la dernière fois».

Après avoir tenu longtemps le crachoir, Me Barry a cédé le micro à son confrère Me Dieudonné Bonkoungou, qui s’est appesanti sur les fameuses écoutes téléphoniques qui constituent la pièce maîtresse du dossier d’accusation. Il a de nouveau dit que les origines de ces écoutes demeurent opaques. A l’entendre, ce n’est qu’en juillet 2017 que le Burkina s’est doté d’un cadre juridique régissant l’interception des échanges téléphoniques. «Avant ça, il n’y avait aucune disposition» y relative, a-t-il assené. Dans l’hypothèse où les écoutes auraient été réalisées par les renseignements burkinabè dans le cadre de la sûreté de l’Etat, l’avocat a affirmé que « dans les pays démocratiques, même s’il y a des écoutes, on ne peut pas les utiliser comme preuves d’une infraction».

L’audition du général se poursuivra le vendredi 11 janvier à la salle des Banquets de Ouaga 2000.

 

San Evariste Barro

Hugues Richard Sama

 

Encadré 1

«Ça me fait penser aux événements de Yirgou»

 

Il ressort des auditions que l’ex-RSP était divisé en deux. Certains témoignages indiquent que le général Djibrill Bassolet, pourtant pas membre du régiment, avait lui aussi ses partisans dans l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré. Une accusation qui a fait réagir son conseil, Me Maria Mireille Barry. «Ça me fait penser aux événements de Yirgou», a-t-elle déclaré en rapport au drame communautaire qui a eu lieu dans ce village de la commune de Barsalogho. En effet, a-t-elle souligné, ceux qu’on présente généralement comme faisant partie du clan Bassolet, Moussa Nébié dit «Rambo» et Jean-Florent Nion, sont tous des Gourounsi. Donc, de la même ethnie que le général de gendarmerie. «Il faut qu’on quitte dans ça, sinon c’est très grave pour notre armée», a-t-elle affirmé.

 

H.R.S.

 

Encadré 2

«Nous sommes dans une procédure judiciaire asymétrique»

 

A en croire ses avocats, le dossier Djibrill Bassolet semble  avoir été traité de manière discriminatoire.  A l’audience de ce mercredi, c’est Me Maria Barry qui a été la première à le faire savoir. «La liberté de preuve est apparemment valable pour tous, sauf pour la SCPA THEMIS-B. Chaque fois que nous avons produit des preuves, elles ont été rejetées alors que celles des autres sont acceptées, s’est-elle offusquée. Me Dieudonné Bonkoungou a embouché la même trompette pour dénoncer une  «procédure  asymétrique». En effet, a-t-il énuméré, concernant Bassolet, «quand les faits sont évidents, on dit que c’est faux, s’il est malade, on dit qu’il n’est pas malade, quand on veut l’évacuer, on dit qu’il va fuir…» Et de s’indigner ainsi : «Pourquoi la loi n’est pas valable pour lui ?»

 

H.R.S.

 

 

Dernière modification levendredi, 11 janvier 2019 00:00

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