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Procès putsch manqué : Faites entrer les témoins !

Dans le cadre du procès du putsch manqué de septembre 2015, les auditions complémentaires décidées par le président de la chambre de première instance du tribunal militaire ont pris fin le vendredi 25 janvier 2019. Le sergent-chef Lahoko Mohamed Zerbo a été le dernier à être entendu. En rappel, il est poursuivi pour attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires et dégradation volontaire aggravée de biens. L’interrogatoire du chef Zerbo aura duré une matinée. Passé cette étape, le procès prend un nouveau virage avec l’entame de l’audition des témoins à partir de ce lundi 28 janvier 2019.

 

 

 

S’il y a un accusé qui a apprécié les auditions complémentaires, c’est bien le sergent-chef Lahoko Mohamed Zerbo. On se souvient qu’au début du procès, il avait été le tout premier accusé à être appelé à la barre du 29 juin au 7 juillet 2018. Mais cette fois pour les auditions complémentaires, qui ne concernaient que 5 accusés, Zerbo a été le dernier auditionné.

 

Cette deuxième comparution était une occasion pour le sergent-chef Lahoko Mohamed Zerbo de redorer son image, qu’il a estimé salie par le commandant Aziz Korogo, les capitaines Zoumbri et Dao. Ces derniers, selon l’accusé, l’ont traité d’élément indiscipliné, incontrôlable et de « commando invisible ». Des qualificatifs qu’il n’a pas digéré.

 

A la barre le vendredi 25 janvier dernier, le sous-officier a maintenu ses déclarations antérieures, en soulignant néanmoins qu’il ne reconnaît pas certains contenus de son Procès-verbal (PV) d’audition. Avant de se prêter aux questions du parquet, l’accusé a voulu mettre les points sur les « i » en ce qui concerne les déclarations de ses supérieurs de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). « Monsieur le président, il y a eu des déclarations devant votre barre tendant à me traiter d’élément indiscipliné et incontrôlable. Certaines personnes même me traitent de commando invisible. Certes, je suis commando qualifié, attitré, confirmé, mais je ne suis pas invisible. Si j’étais invisible, vous n’alliez pas me voir devant votre barre. Je ne suis pas indiscipliné parce que j’exécute les ordres de mes supérieurs ».

 

Pour le chef Zerbo, les qualificatifs qu’on lui attribue contrastent avec ses années de service. Admis au concours des sous-officiers en 2005, le sergent-chef a reçu 12 lettres de félicitation et 5 médailles de 2009 à 2014. Il se demande alors sur quoi se basent le commandant Korogo et Cie pour lui attribuer les qualificatifs cités plus haut. « Qu’est-ce que j’ai pu bien leur faire pour qu’ils ternissent autant mon image ? », s’est-il demandé.

 

Ce qui intrigue encore plus le sergent-chef, c’est qu’avant cette affaire de coup d’Etat échoué, aucun de ceux qui le décrivent comme « un indiscipliné » ne lui avait jamais reproché quoi que ce soit. « Moi je suis chef. Quand un subordonné déconne, je l’interpelle. Je ne le laisse pas dans l’erreur. Mais ceux qui me traitent aujourd’hui d’élément incontrôlé ne m’ont jamais fait de reproche ».

 

Le chef Zerbo a également battu en brèche l’argument tendant à faire croire qu’il disposait de tous les moyens du RSP, en faisant savoir qu’il n’agissait pas de son propre chef. « Je recevais des ordres que j’exécutais. Des gens ont dit ici que ça n’allait pas entre les chefs au RSP, moi je n’entre pas dedans de peur de perdre des plumes. Si un chef me donne des ordres, je les exécute. Mes hommes murmurent, je crie sur eux, parce que je suis plus fort qu’eux ».

 

Après cette mise au point, le ministère public a pris la parole pour ses questions et observations. Le parquet est revenu sur un P-V d’interrogatoire du mis en cause lors de son interpellation par les autorités ivoiriennes. Il y est écrit que le sous-officier reconnaît avoir participé à l’arrestation des autorités de la Transition. Ce qu’il réfute catégoriquement. D’ailleurs, cette brèche permettra au commando de revenir longuement sur les conditions de son arrestation en Côte d’Ivoire. « Quand je suis arrivé en Côte d’Ivoire, je me suis confondu aux Ivoiriens. C’est ça aussi le commando. Quand les officiers de police judiciaire m’ont approché, ils m’ont demandé si c’est moi Zerbo, j’ai dit non. Ils ont insisté, je n’ai pas cédé. Ceux qui sont venus pour m’arrêter ignoraient que j’étais militaire. On leur a dit que j’avais braqué une banque. Après mon arrestation, certains m’ont reconnu, et ils ont dit que si c’est un militaire, ils s’en lavent les mains. Mais les autorités de mon pays avaient tout mis en œuvre pour que je sois arrêté, allant même jusqu’à divulguer des secrets militaires... Je me suis réveillé dans une salle où sur le mur était projetée toute ma carrière dans l’armée. Pire, il y avait une photo d’une mission secrète que j’avais effectuée à Khartoum au Soudan. Les autorités ivoiriennes connaissaient les noms de tous mes chefs. J’ai été torturé. Ma cellule était celle de Charles Blé Goudé, une cellule glacée. J’ai découpé un bidon d’eau en deux : je pissais dans une moitié, et je faisais mes besoins dans l’autre ».

 

Après cette longue confidence, l’accusé a refusé de répondre aux questions du parquet et des avocats de la partie civile relatives au P-V ivoirien.

 

Cependant, Me Kam n’a pas caché son admiration pour le sergent-chef. Pour lui, le chef Zerbo est doté d’une intelligence supérieure à la moyenne, en témoignent sa maîtrise de la langue française et son habilité à répondre aux questions. « Un instructeur commando n’est pas fait pour tout balancer sous la torture, sinon il serait comme nous. La dénégation ne vous permettra pas de bénéficier d’une clémence », a-t-il néanmoins ajouté.

 

Pour son mot de fin, le sous-off s’est excusé si dans l’exécution de ses missions, il a offensé des gens. Avant de signifier au tribunal qu’il a des compétences, mais malheureusement, ses talents dorment à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) à Ouagadougou. « J’aime le terrain, et l’Etat a dépensé beaucoup d’argent pour me former. Mais malheureusement, je n’arrive pas à mettre en valeur mon savoir », a déploré l’accusé.

 

Après l’interrogatoire du sergent-chef, le président du tribunal a indiqué que celui du général Djibrill Bassolé reprendrait quand ses avocats auront réintégré la salle. En attendant, le procès entre dans une nouvelle phase ce lundi 28 janvier 2019 avec l’audition des témoins. Une liste de 10 témoins (lire encadré) a été communiquée par le président du tribunal. L’audience sera suspendue peu après 14h à la demande des avocats pour apprêter le dossier des témoins cités.

 

San Evariste Barro

Akodia Ezékiel Ada

 

Encadré 1

« Le sergent-chef aurait pu aller à l’ENAREF bouffer son fonds commun »

 

S’il y a une chose qui ne souffre pas de débat au sujet du sergent-chef Lahoko Mohamed Zerbo, c’est bien sa qualité de bon soldat. En effet, tous ses chefs qui sont passés à la barre après lui n’ont pas manqué de le souligner, même ceux qui l’ont qualifié d’élément indiscipliné et incontrôlé. On apprendra avec son conseil, Me Badini, que le chef Zerbo ne s’est pas retrouvé dans l’armée par hasard. S’il y est, c’est par amour. L’année de son admission au concours des sous-officiers, Zerbo avait aussi été admis au concours de l’ENAREF (l’Ecole nationale des régis financières). «Mon client aurait pu aller bouffer tranquillement son fonds commun. Mais il a préféré l’armée, parce qu’il aime ce corps. Tout ce qu’il a fait, c’est sur ordre et instruction. Pas plus», a fait savoir l’auxiliaire de justice.

 

A.E.A.

 

Encadré 2

La première liste de témoins à entendre

 

01- Bénédicte Jean Bila

02- Alidou Sawadogo

03- Noël Sourwèma

04- Bondaogo Amidou Nikiéma

05- Rachid Ilboudo

06- Rasmané Ouédraogo

07- Arouna Mandé

08- Charles Niodogo

09- Achille Marie Joseph Tapsoba

10- Michel Ouédraogo

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