Elargissement manifestants soudanais : Ou la liberté sans le pain
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Cela suffira-t-il à désamorcer la bombe qui menace depuis maintenant plus d’un mois d’exploser à la figure d’Omar el-Béchir ? C’est sans doute l’objectif visé, même si rien ne garantit sa réussite. Hier, les autorités soudanaises ont en effet annoncé la libération de toutes les personnes interpellées et détenues dans le cadre du mouvement de contestation du régime en place, alors que de nouvelles manifestations étaient dispersées.
Au total ils seraient un bon millier, leaders et militants de l’opposition, journalistes, activistes des droits de l’homme, à avoir été alpagués par le NISS, le puissant service national du renseignement et de la sécurité qui, depuis un mois, mène une répression féroce contre les contempteurs de l’enturbanné de Khartoum. Rarement le pouvoir de celui qui depuis 1989 dirige son pays d’une main de fer aura été aussi secoué, même si, jusque-là tel un roseau, il plie sans rompre.
Tout est en fait parti d’une grogne sociale contre l’augmentation du prix des produits de première nécessité tels que le carburant et surtout le pain, dont le coût a triplé dans un pays frappé de plein fouet par la crise économique. Mais comme c’est souvent le cas, on en est venu à une contestation du régime lui-même qui, il est vrai, n’est pas un exemple de bonne gouvernance économique et politique. Un pouvoir que les citoyens et les ménages tiennent pour responsable de leurs malheurs. Comme on l’aurait dit du côté d’Abidjan, « cabri mort n’a plus peur de couteau », et les Soudanais, qui ploient sous les difficultés quotidiennes et la férule du natif d’Hosh Bonnaga, semblent enfin déterminés à briser les chaînes qui les entravent depuis maintenant 30 ans.
L’annonce de la libération des prisonniers de Khartoum intervient au moment où Moscou reconnaît la présence « d’instructeurs russes » du côté des forces gouvernementales. Une présence « absolument légitime », selon le Kremlin, parce que s’inscrivant dans le cadre des relations bilatérales entre les deux pays.
Difficile pour le moment de dire jusqu’où ira la fronde dans cet Etat policier, mais une chose est sûre : le régime a perdu de sa superbe. Et les murailles de la citadelle el-Béchir, qui depuis de longues années subissaient les coups de boutoir de la Cour pénale internationale, sont en train de se fissurer davantage. La révolte du pain suffira-t-elle à la faire vaciller ? Rien n’est moins sûr, mais l’histoire a montré qu’aucun régime, si despotique soit-il, n’est éternellement fort face à des foules affamées et déterminées. Après tout, comme le disait Machiavel, « la meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples ».
H. Marie Ouédraogo
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