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Enseignant agressé à l’école Kwame Nkrumah C: L’auteur placé en garde à vue

A l’école primaire Kwame Nkrumah C de l’arrondissement 2 de Ouagadougou, les classes sont restées closes le 30 janvier 2019. La  cause, l’agression d’un enseignant de l’établissement par un parent la veille, suite à une punition de son enfant par le maître. L’auteur du forfait a été alpagué par la police et placé en garde à vue, mais cela n’a pas empêché un groupe d’enseignants membres de la coordination régionale des syndicats de l’éducation d’investir la cour de l’école dans la matinée d’hier pour observer un sit-in en guise de soutien à leur camarade. La famille du parent en question y est allée  dire ses regrets au corps enseignant. C’était en présence d’une délégation du ministère de l’Education nationale et des premiers responsables de l’arrondissement.

 

 

Y aurait-il une épidémie de bastonnade d’enseignants qui a envahi les écoles et lycées ? C’est en tout cas ce à quoi l’on est tenté de croire en se référant à l’actualité ces derniers temps marquée par des agressions d’enseignants. Et ce n’est pas les responsables du Syndicat national des enseignants africains (SYNEAB) qui diront le contraire, eux qui ont enregistré dans le seul mois de janvier plusieurs cas d’agressions. Le dernier en date, celui de l’école primaire publique, l’école Kwame Nkrumah C de l’arrondissement 2 de Ouagadougou qui a pris un coup de célébrité, depuis qu’a commencé a circulé l’information selon laquelle le maître de la classe de CE2 a été agressé par un parent d’élève courroucé qui s’est introduit dans la cour de l’établissement.

Comment cela est arrivé ? Selon la victime, Edmond Somé, il ne faut pas s’en tenir à la scène du 29 janvier pour comprendre le fond du problème. Ce qui est arrivé est, selon lui, le dénouement d’une colère que couvait le parent d’élève. A l’en croire, il faut remonter au début de la deuxième semaine de janvier : après avoir fait trois jours d’absence, l’élève Sanfo Nouridine de sa classe a été accompagné un matin par son oncle qui s’est présenté à lui. L’accompagnateur a fait savoir que la raison de l’absence de l’enfant était   un mal au bras. « Lorsque j’ai eu cette version, j’ai dit qu’il n’y avait pas de problème mais j’ai fait savoir à l’enfant qu’il serait puni », confie l’instituteur, précisant que la punition consistait à retenir le gosse en classe pendant la récréation et à midi afin qu’il se mette à jour de ses leçons. Mais sur-le-champ, l’enfant aurait protesté contre la punition. « Je l’ai laissé avec son oncle, qui après avoir échangé avec lui, l’a remorqué et est reparti», assure notre interlocuteur. Et quelque trente minutes après, poursuit-il, c’est le papa, Omar Sanfo, qui débarqua dans la cour de l’établissement, lui aussi accompagné de l’enfant. « Dès qu’il s’est présenté, il m’a dit qu’il ne savait pas pourquoi je refuse que l’enfant intègre la classe. Je lui ai fait savoir que je n’ai jamais dit cela », relate l’instituteur.

Après avoir demandé les raisons de l’absence de son élève, Edmond Somé dit avoir obtenu une autre version avec son père. Nouridine, selon le sieur Sanfo, souffrait d’un palu et d’un mal de genou. Conviction de l’enseignant, l’une des deux  versions était alors erronée. Considérant celle du père comme la plus crédible, il dit avoir indiqué à ce dernier que l’enfant serait privé de la récréation du jour en guise de punition.» Mais l’enfant aurait boudé cette sanction, amenant son maître à l’accentuer. Au lieu d’un jour, c’est durant toute la semaine que « le petit », comme son maître l’appelle, allait être privé de récré.  Cette sanction prononcée, sieur Sanfo serait rentré après de chaudes discussions avec son fils, qui a suivi le cours et observé la punition. Ladite punition a été exécutée sans problème, a assuré sieur Somé.

Mais durant toute la semaine passée, soit celle 21 au 27 janvier, Nouridine n’aurait pas mis pied à l’école, selon son maître, qui indique que ce sera finalement le lundi 28 qu’il retrouvera le chemin des classes. Le même jour, sa mère se présente à l’école, informe le sieur Somé que son fils, alors qu’il avait séché les cours, a fugué pendant deux jours. Toujours selon l’éducateur, madame Sanfo lui a confié avoir échangé avec son fils qui a justifié sa désertion des bans par peur de son enseignant.

Suite à cet aveu, l’éducateur dit avoir interpellé l’élève qui s’est démarqué de l’argument de sa mère.  Mais pour avoir fugué, il sera encore puni pour la récréation. N’approuvant pas cette décision du maître, Nouridine tentera de suivre sa mère qui repartait. Cela irritera l’instituteur qui l’intercepte par un soufflet, promettant de « régler cela avec la chicotte ». C’est alors que l’élève prendra ses jambes à son cou pour quitter la salle, et ce sera sans gain de cause que ses camarades qui ont reçu l’ordre de le rattraper iront à sa poursuite.

Suivant le récit de l’éducateur, ce n’était pas encore le dénouement de l’épisode. Le soir venu, le père de Nouridine aurait encore débarqué à l’école, demandant à voir la directrice. Mais ce sera sans succès car celle-ci était déjà partie. Le lendemain, soit le jour où tout a basculé, sieur Somé vient à l’école vers 9 heures et trouve ses élèves déjà en salle. A sa vue, Nouridine s’enfuit de la classe. Sans attendre un quelconque ordre, ses camarades le pourchassent. Mais cette poursuite sera aussi vaine. Quelques minutes après le ‘’fugitif’’ revient accompagné de son géniteur. Et à en croire le pédagogue, ce n’est pas avec l’esprit apaisé que le parent s’est présenté :« Il m’a salué en mooré, je lui ai fait savoir que je ne comprends pas bien le mooré. Il a fait savoir aussi qu’il ne comprend pas français. Or quelques semaines plus tôt on avait échangé en français. J’ai vite compris qu’il  était venu avec un esprit belliqueux. J’ai fait appel à la directrice et je lui ai fait savoir que monsieur Sanfo était là puis je retournais en classe. C’est alors que le parent m’a suivi en jusque dans la salle et a fini par me donner un coup de poing. »

Le sieur Sanfo arrêté

Après coup, le père de Nouridine s’en serait alors pris à la directrice de l’établissement, lui demandant d’autoriser son fils à accéder à la classe. Et ce ne sera pas tout, le belliqueux aurait exigé également  que l’acte de naissance de l’enfant lui soit remis séance tenante. « Pendant que le débat était houleux et que je ressortais pour essayer de calmer le monsieur, j’ai donné mon téléphone à une des élèves à qui j’ai demandé de filmer la scène parce que je sentais que visiblement il venait pour commettre un dégât. », relate l’enseignent. Par la fenêtre, poursuit-il, le parent furieux aurait saisi le téléphone et donné un coup au caméraman circonstanciel. D’où un accès de colère de l’enseignant, qui dit s’être saisi d’un bâton qui était à sa portée pour venger son infortuné élève. C’est ainsi que le sieur Sanfo a quitté la cour de l’établissement pour y revenir un quart d’heure plus tard muni d’une machette qui aura créé la panique.

La suite, ce sera l’arrestation de l’agresseur par la police et sa mise en garde à vue, après qu’une plainte a été déposée par la directrice de l’établissement pour violation de domaine scolaire. Dans le même registre, le ministère en charge de l’éducation a sorti un communiqué rappelant les dispositions qui protègent le domaine scolaire.

Les syndicats s’indignent, la famille Sanfo regrette

L’arrestation de l’agresseur ce n’est visiblement pas ce qui était suffisant pour empêcher la coordination des syndicats d’éducation de la région du   Centre de donner de la voix. Dans la journée d’hier, des dizaines de membres de syndicats sont venus manifester leur soutien au corps enseignant de l’école Kwame Nkrumah C. Pour le secrétaire général du Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SYNEAB), Séma Blégné, « il faut appréhender la situation de façon globale », rappelant les deux autres cas similaires relevés  que dans le seul mois de janvier que sont les cas de Mogtédo dans la région du Centre-Est et Bobo Dioulasso, dans le Houet. Et d’indiquer que c’est l’image de l’enseignant et du système éducatif national  qui est en jeu. « J’ai été scandalisé par ce qui est arrivé. Un parent d’élève, machette en main, déambulant dans la cour d’une école et des enfants qui pleuraient par-ci par-là. Ce n’est pas une bonne image que des parents doivent laisser voir à un enfant », s’est indigné le syndicaliste.

Si des responsables syndicaux sont venus en cette journée du 30 à l’école avec un soutien confraternel, une délégation de la famille Sanfo, elle est venue dire ses regrets de l’acte posé par leur fils. Regretter oui, mais c’était aussi le lieu de demander pardon à l’enseignant, pour cette délégation d’une dizaine de personnes.  Des excuses acceptées, mais qui n’excluent pas les poursuites judiciaires. « Désormais nos regards sont tournés vers le procureur qui donnera une suite au dossier », a dit la directrice régionale de l’Education préscolaire, primaire et non formelle, Germaine Kaboré/Tenkodogo, qui a conduit elle aussi une délégation du ministère qui a engagé des discussions entre les différentes parties pour apaiser les cœurs. Le maire de l’arrondissement de l’arrondissement 2 qui abrite l’école n’était pas non plus aux abonnés absents. Pierre Yanogo s’est indigné lui aussi de ce qui est survenu, déplorant que l’auteur du forfait soit un parent d’élève. Séance tenante, l’édile a promis une rencontre dans les jours à venir avec les directeurs de l’ensemble des écoles qu’abrite son arrondissement, rencontre à laquelle il sera question de discuter des mesures à adopter afin que les enseignants puissent exercer leur métier en toute quiétude.

Mais en attendant, les enseignants de l’école  Kwame Nkrumah ne reprendront pas la craie ce matin, selon le SG du SYNEAB, qui a indiqué que le sit-in s’y poursuivrait au cours de la journée. Dans la même dynamique, les différents établissements relevant de la même circonscription de base que ladite école entendent eux aussi observer un arrêt de cours ce jour même.

 

Bernard Kaboré

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