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Résultats premier tour bac 2019 : On saute, on court ou on se roule par terre

Une matinée de peine et de joie, comme il fallait s’y attendre, pour  les candidats au baccalauréat session 2019. De trois choses l’une : le succès, l’admissibilité ou l’échec. Dans les enceintes du lycée Philippe-Zinda et  Marien-N’Gouabi, nous avons vécu des moments d’émotions intenses, de triomphe pour ceux qui ont eu  une moisson abondante  et  de temps de désarroi, de détresse, de mine grave et de  larmes   pour ceux qui ont raté leur année scolaire.  Selon les résultats proclamés le lundi 1er juillet 2019, on a sauté de joie  ou s’est roulé à même le sol.

 

 

 Le ‘’Noble Zinda’’ grouille de monde et les parkings sont bondés. Et pourtant, il y règne un calme plat. Un silence parfois brisé par des cris et des youyous. Ce bruit sporadique provient de l’arrière du bâtiment administratif où le Pr Mamadou Dicko, président du jury 92 série D, égrène déjà les noms des admis. Comme il fallait s’y attendre,  tout le monde n’a pas décroché le précieux sésame qui ouvre les portes de l’université. Des perdants et des gagnants, il y en avait.

A peine il a fini de lire sa première page qu’il y avait déjà des malheureux et des heureux dans la foule massée devant le bâtiment à niveau. Têtes levées, ils n’ont d’yeux et d’oreilles que pour les membres du jury proclamant les résultats. On jubile presque de la même manière : pousser des cris de joie, courir, se jeter dans les bras des proches, verser des larmes de joie, etc. Parfois, il y a plus royaliste que le roi lui-même. C’est le spectacle que cette dame venue voir les résultats a donné à voir : « Ma petite sœur a réussi », répète-t-elle à gorge déployée avant de se lancer dans une folle course en direction du parking à deux roues.  Parfois on se croirait à une course de vitesse.  Chacun manifeste sa joie comme il peut : klaxons, accolades, acrobaties… Aussi sans perdre le temps on se hâte d’en informer les proches. Christelle Yaméogo de La Salle vient d’entendre son nom et sa mention. Aux pas de course elle s’extirpe de la multitude de candidats qui attendent encore.  Aussitôt sortie qu’elle a déjà l’oreille collée à son téléphone. Au bout du fil son géniteur. « Allô papa, mention bien…Merci », a-t-elle balbutié entre deux larges sourires. La nouvelle bachelière s’accommode de ses résultats, car elle avait fixé la barre très  haut : avoir le bac avec la mention très bien. Comme on le dit couramment, c’est le terrain qui commande la manœuvre. « Mon souhait était d’avoir mon bac avec la mention très bien. J’ai tout de suite constaté que les sujets étaient difficiles. Et vu qu’il y a beaucoup de mentions Passable je suis satisfaite de mes résultats », a-t-elle confié toute débordante de joie.  

Dans le jury présidé par le Pr Mamadou Dicko, une fille âgée seulement de 18 ans a fait mouche : petit modèle aux jambes frêles, calme et timide, Carole Ouoba du collège de La Salle est une tête bien faite.  Elle a réussi au bac avec la mention très bien et la moyenne de 16, 67, a annoncé  un membre de son jury.  

A côté de ces scènes de liesses, il y a celles des mines déconfites de lamentation…  Conformément à leur nature, les filles sont les plus émues.   Elles fondent en larmes, se jettent par terre ou encore dans les bras de leurs accompagnateurs pour trouver du réconfort.   Certaines se blottissent simplement contre un arbre ou se plaquent contre un mur, le temps de digérer l’échec. 

Dans le jury 92 série bac D, qui comptait 277 candidats dont 7 absents, il y a eu en tout 84 admis et 54 admissibles. « Comparés aux années antérieures les résultats sont satisfaisants. On est à un taux de succès global de 33% au premier tour  et on peut s’attendre à un succès global de 50% à l’issue des deux sessions. Le  niveau est satisfaisant, parlant de genres, parce qu’il y a eu autant de filles admises que de garçons au 1er tour et il en est de même pour les admissibles. Je me réjouis également que le major au niveau du centre soit une jeune fille du Collège de La Salle. A 18 ans avec une mention très bien, je pense que la relève est assurée », s’est félicité le président du jury 92, le Pr Mamadou Dicko.

Ces proclamations de résultats constituent des angoisses pour les parents. A la fois ému et soulagé, un d’entre eux confie entre deux longs soupirs : « C’est fou comme les parents souffrent, peut-être même plus que les enfants. Je ne me souviens pas avoir autant souffert quand moi-même j’étais candidat il y a plus de  trente ans. J’avais fini par surnommer mon fils ‘’monsieur ça peut aller’’. C’est en effet la réponse qu’il me donnait invariablement quand on lui demandait  après chaque épreuve comment ça s’est passé. Et quand j’insistais il lâchait : ‘’Papa, laissez ça. Si c’est juste 10 pour avoir le bac là…’’ En fait, il ne savait pas ce que c’est que le bac. Dieu merci, ça s’est bien passé, mais la tension n’est pas encore retombée. C’est d’autres angoisses qui commencent, mais pour le moment on savoure », a-t-il confié sous le sceau de l’anonymat.

Au lycée Zinda que nous quittions vers 11 heures 50 minutes, tout le monde n’était pas encore fixé sur son sort puisqu’il n’y avait que les jurys 92, 93 et 80 qui avaient donné leurs verdicts. De nombreux candidats attendaient encore la proclamation. Dans un autre lieu, les scènes se ressemblaient.

Bon Dieu comme dernier recours

Les mêmes peines, les mêmes joies au Marien N’Gouabi, ce centre de composition qui abrite les jurys 123 ; 124 et 125. Ce lundi matin, c’était le moment fatidique pour les candidats de la  série G2.  L’enceinte du lycée, alors que les membres du jury étaient encore en délibération, grouillait déjà d’un beau monde. Certains candidats, juchés sur leurs engins à deux roues ou à pied, pénètrent encore dans l’établissement. Et le public ne cesse de grossir au fur et à mesure que les minutes s’égrènent. Juste à l’entrée de l’établissement, des « marketeurs » envoyés par des écoles supérieures privées tentent de démarcher les futurs bacheliers. Les cibles, qui ignorent encore leur sort, ne sont pas intéressées par les différentes propositions. Du moins, pour l’instant.

Dans la cour, des candidats éparpillés. Certains sont en petits groupes, mais peu loquaces. D’autres ont leur smartphone comme compagnie. Ça tapote. La crainte transparaît sur bien des visages. Une candidate tient un chapelet qu’elle serre solidement. Mais l’expression de son visage indique qu’elle n’est pas sans angoisse.

Peu après neuf heures, c’est le moment de vérité. Les membres du jury 123 ont fini leur délibération. Son président, le Dr Moussa Bougma, sort de la salle et lance à haute voix la formule bien connue : « candidats, approchez ». On avance à petits pas. Même une tortue serait plus rapide que certains candidats. L’instant fatidique est arrivé. Avant de livrer le verdict, le président du jury tente de consoler ceux qui seront ajournés. « Si votre examen ne marche pas, ce n’est pas la fin du monde », dit-il, même si les élèves, par leurs grimaces, montrent qu’ils ne veulent pas entendre ce message. Dans la foulée, l’éternelle formule résonne :« Sous réserve d’un contrôle approfondi, les candidats dont les noms suivent sont déclarés admis au BAC G2 ». Le premier nom appelé est celui d’Alimata Dianda. A peine son numéro de P-V et nom prononcés qu’elle fend le public et se lance dans un sprint. Des cris stridents accompagnent ses longues enjambées. Pour peu, on l’aurait prise pour Mokgadi Caster Semenya, cette athlète sud-africaine double championne olympique et triple championne du monde des 800m. Quelques minutes après, une autre candidate, Kanda Aïcha, jaillit de la foule dans l’euphorie totale. Son premier réflexe est d’annoncer la bonne nouvelle à ses parents. Dans sa joie débordante, elle peine à trouver dans son portable les contacts de ses parents. Il a fallu le concours d’une proche afin qu’elle informe de son succès ses parents. « Je l’ai eu », a-t-elle dit simplement avant de raccrocher aussitôt. Et la jubilation continue.

Pendant ce temps, devant la salle de proclamation, la crainte s’empare de certains candidats qui trouvent refuge sur les épaules des personnes venues les soutenir. Et quand ils se rendent compte qu’il va falloir revenir l’année prochaine, c’est l’effondrement total. On se roule par terre. Ceux qui ont encore un peu le moral retrouvent encouragements et consolation dans  les bras d’autres candidats ou proches. Une candidate ajournée, assise sur un tronc d’arbre, manque de verser toutes les larmes de son corps. Un monsieur, à grand renfort de mots et de gestes, essaie de lui remonter le moral. Mais elle vit douloureusement l’échec.

 Après un premier échec, Valérie Guigma ne s’est pas résignée et est lauréate pour cette deuxième tentative.  L’impétrante, élève au lycée technique privé des Assemblées de Dieu, compte en priorité demander une messe d’action de grâce avant d’inviter des amis et parents autour d’agapes fraternelles.  Pendant les vacances, elle envisage un stage afin de toucher du doigt les réalités du milieu professionnel.         

Au jury 124, c’était la même ambiance de joie et de tribulations qui a régné pendant et après la proclamation des résultats, intervenue quelques minutes seulement après celle du jury précèdent. Dans ce deuxième jury logé au Marien-N’Gouabi, on dénombre 281 inscrits. 43 ont décroché le précieux sésame ouvrant les portes de l’université. 67 candidats sont au second tour. Tous les  autres sont ajournés.

Après ces deuxièmes résultats, les candidats avaient les yeux tournés vers le troisième et dernier jury qu’abrite le lycée. La proclamation tarde encore. En attendant les résultats, nous conversons avec Sebgo Hamado, un parent d’élève venu encourager son enfant, Deborah Sebgo, et la consoler en cas d’échec. « Quand je vois comment certains candidat(e)s se comportent après l’échec, je me dis que j’ai pris la bonne décision en venant », a souligné Sebgo. L’impétrante va fêter le succès en famille et avec les amis.

Heureusement, la candidate, qui n’avait pas encore eu le courage de franchir la porte du Marien avant les résultats, sera téléphoniquement informée par son père de son succès. C’est à ce moment précis qu’elle retrouve son géniteur, toute heureuse, naturellement. Le reste se fêtera en famille, confie-elle.

Deborah Sebgo n’était pas la seule candidate ou candidat à ne pas se présenter pour entendre ses résultats : au jury 125, une dame a pris le soin de relever sur une feuille blanche le numéro de P-V de sa fille. A chaque numéro prononcé, elle s’empresse de vérifier si c’est celui de son enfant. Malheureusement, le succès n’était pas au rendez-vous. C’est toute déçue qu’elle s’est écartée de la foule et a pris le chemin de la maison.

Au jury 125, sur les 280 inscrits, 49 ont décroché leur examen et 65 sont au second tour.

Lévi Constantin Konfé,

Hadepté Da,

W. Harold Alex Kaboré  &

Bernard Kaboré

Encadré

Les écoles supérieures en opération de charme 

Tels des prédateurs, ils sont à l’affût du moindre candidat déclaré admis. En effet, les universités et écoles supérieures privées se faisaient la concurrence pour attirer les futurs étudiants. Chaque institut au Zinda comme au Marien N’Gouabi a déployé plusieurs étudiants qui démarchent les candidats admis. Les « marketeurs » de plusieurs universités différentes se retrouvent à démarcher en même temps une seule cible. On recueille les informations, prend les contacts téléphoniques, etc. Beaucoup de candidats se prêtent au jeu, même si certains disent n’avoir pas encore choisi l’université dans laquelle ils poursuivront leurs études.

Il n’y avait pas que les établissements d’enseignement qui marquaient à la culotte les futurs étudiants. Les entreprises de vente de motos ont aussi vu un filon pour faire de bonnes affaires.

H.D.

 

Encadré :

Zoom sur une candidate hors pair : Carole Ouoba

A chaque session de baccalauréat son lot de candidats exceptionnels. Des candidats hors pair, Carole Ouoba en est une de la présente session. A 18 ans, c’est avec brio que cette élève de la série D du Collège de La Salle décroche le premier diplôme universitaire. Fraîchement déclarée admise, avec près de 17 de moyenne, donc la mention ‘’très bien’’, l’émotion est à peine visible sur le visage de la jeune lauréate au physique qui tranche avec les grands efforts fournis au cours de l’année scolaire. « La star du jour », comme l’ont vite surnommée certains. « J’en remercie Dieu tout simplement, car c’est par sa grâce que j’ai obtenu ce résultat », se contente-t-elle de dire.  Quel a été le secret de Carole pour parvenir à sortir du lot ? « Tout mettre dans les mains du Bon Dieu et bosser sans stress », répond-elle.  Quant à la suite qu’elle compte donner à ses études, elle dit vouloir embrasser le domaine des finances et la comptabilité. 

Mais quand on a les félicitations et les conseils de son président du jury himself, il y a de quoi continuer à mûrir la réflexion, car après un succès aussi brillant,  le choix de la filière ne doit pas se faire dans la précipitation, estime le président du jury 92, le Pr Mamadou Dicko. « Je lui ai conseillé de beaucoup échanger avec ses parents parce qu’à mon avis, lorsqu’on est brillant et avec une telle mention, pas que je néglige l’économie, il est intéressant d’embrasser des domaines comme l’architecture ou des branches de la médecine telles que la neurochirurgie. L’architecture par exemple parce que nous sommes dans un pays en construction où on a vraiment besoin de gens brillants pour cela.  La médecine pointue parce qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.  C’est le cas par exemple de la branche de la cancérologie ». Toutefois, la réflexion est en cours, nous a confié Carole Ouoba qui n’exclut pas un changement d’avis.

BK

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