Menu

Second life d’Henry Thierry: D’art et de rouille

Le Kunstraum 226, la salle d’exposition de l’Institut Goethe de Ouagadougou, accueille depuis le 18 juin 2019 une exposition photos d’Henry Thierry. Le photographe expose des clichés qui sont comme des toiles peintes : des captures de l’action de la rouille sur des surfaces métalliques. Et, surprise, on y découvre des images surprenantes oscillant entre l’abstrait et le figuratif dans une pétulance de couleurs et de formes. Une féerie chromatique pleine de poésie.

 

Comment ne pas penser à Charles Baudelaire dès qu’on pénètre dans la salle d’expo et qu’on se confronte à ces photos et à la frustration exprimée dans ce vers du poème le Guignon dans les Fleurs du mal : « Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage/ l’Art est long et le Temps est court » ?  On se dit qu’Henry Thierry a résolu le dilemme baudelairien en confiant au Temps le soin de créer l’œuvre et au photographe l’art de révéler celle-ci. Au temps de Baudelaire, la photographie était au portrait, et son ami Nadar songeait plus à rendre dans les portraits qu’il faisait de Baudelaire la psychologie du poète que l’usure du temps sur le visage fatigué du poète.

En quoi consiste la poétique d’Henry Thierry ? A traquer l’œuvre du temps qui se manifeste par l’oxydation sur le métal. Grâce à l’art de la photographie, il réussit à sublimer cette œuvre. Dans ce travail de destruction du métal, il y a en même temps un travail de métamorphose : le temps y dessine des formes, dépose sa palette riche de toutes les couleurs et de mille nuances. L’œil du photographe cherche sur l’objet rouillé ces chefs-d’œuvre du temps et, par le grossissement que permet l’appareil, nous les restitue. D’où le titre de Second Life, pour signifier qu’après la première vie de l’objet, le Temps qui « mange la vie », selon Charles Baudelaire, donne ici une autre vie, plus belle, à l’objet.

Devant chaque toile, le spectateur est comme aspiré, embarqué dans un voyage où son imagination invente l’itinéraire et les récits. Comme devant ce décor bleu où l’imagination voit des personnages longilignes dans des tuniques ocre et les têtes dans une auréole d’or pris dans une sorte de sarabande. Un peu comme un prélude à La Danse d’Henri Matisse.  Ou cette image où une grande nappe de blanc occupe une grande partie de la photo avec quelques lignes noires. Cette image, l’esprit peut l’associer à une crème au chocolat ou à de la neige avec des griffures d’ocre telles des empreintes du vivant sur ce manteau antarctique.

Et la plupart des photographies de cette expo sont des embrayeurs de l’imagination. On peut donc dire avec ces photographies qu’elles sont cosa mentale, c’est-à-dire chose mentale, fonction que Léonard de Vinci attribuait à la peinture.

Cette exposition reste ouverte jusqu’au 13 juillet 2019.  Pour tous les amoureux de l’art et particulièrement les photographes, ce travail vaut le détour. Car il démontre que la photographie peut se départir du traitement du réel pour emprunter les chemins de l’abstraction et de la poésie.

Saïdou Alcény Barry

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut