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Attaques terroristes Centre-Nord: Épître d’un curé de campagne à ses paroissiens (1)

Kaya, le 30 juillet 2019                                                                                                                         

Chers amis, chers paroissiens ! Heureux de vous écrire en ces débuts des vacances, après un long temps de silence,tout en espérant qu’elles se préparent bien. Je saisis alors l’occasion pour vous faire écho de mes nouvelles ainsi que de celles de ma paroisse. Tout d’abord j’espère que vous vous portez bien et que vous vous apprêtez à profiter d’un temps de repos bien mérité après une année de dur labeur. Je souhaite que cela se passe bien et vous permette de vous refaire non seulement corporellement mais aussi spirituellement pour reprendre de plus belle le train de vos activités quotidiennes.

A Barsalogho, l’année pastorale a fini en queue de poisson à cause de la situation sécuritaire tumultueuse de la zone. En effet, comme je vous le signalais dans ma dernière feuille des nouvelles, la situation sécuritaire était devenue délétère, et elle a continué en se dégradant de plus en plus, surtout avec l’attaque de l’église paroissiale de Dablo le 12 mai dernier, qui a coûté la vie à l’Abbé Siméon Yampa et à cinq autres fidèles de cette jeune paroisse. L’Abbé Siméon, de vénérée mémoire, fut mon premier vicaire à Barsalogho de 2014 à 2016. Avec cette attaque, celle de Singa dans le Baam le 13 mai avec cinq morts et celle de l’église de Toulfè dans le Sahel le 26 mai avec 4 morts, nous avons constaté que l’Eglise était devenue une des cibles de ces terroristes. Pour cela, nous avons demandé à tous nos catéchistes de se replier quelque part pour que nous observions la suite de l’évolution de la situation. Au même moment du triste évènement de Dablo, une opération de l’armée dénommée « opération Doofu » se déployait dans la zone. Cette opération, qui n’a duré que trois semaines, avait redonné espoir à la population mais pour peu de temps. Car après leur repli, les attaques ont repris violemment et progressivement vers Barsalogho, notamment celle de Bottogui et d’Arbinda le 09 juin avec 19 morts. Face à cette progression vers Barsalogho, l’absence des forces de l’ordre, et suite à l’attaque de Sago et de Toekendgo le 22 juin dernier, les populations des villages de la partie nord de la paroisse ont commencé à se déplacer massivement vers le centre de Barsalogho où il y a au moins deux postes de gendarmerie et un commissariat de police. Au total plus de 35 villages du département de Barsalogho sans compter ceux de Paensa, de Dablo et de Namisgma, se sont vidés de leurs populations, qui ont trouvé refuge dans les écoles, les collèges et les lieux publics à l’intérieur de Barsalogho. A la date du 13 juillet, leur nombre était estimé à plus de 30 mille. Cela a véritablement désorganisé notre travail pastoral dans la zone, et plus des deux tiers de nos catéchistes ont quitté les succursales non seulement pour leur sécurité propre mais aussi parce qu’il n’y a plus de fidèles. Ils sont soit à Barsalogho ou dans leurvillage d’origine, si celui-ci n’est pas concerné. En effet, nous y avons plus ou moins été contraints, car ne disposant plus d’une garantie de sécurité de nos assemblées de prière. Même au centre de la paroisse, nos activités avaient été réduites au strict minimum, et depuis le 28 juin, les prêtres et les sœurs ont quitté la paroisse et sont à Kaya et à Ouagadougou. Nous essayons autant que possible de faire un aller-retour pour assurer les messes de dimanche. Face au silence des autorités, la population a organisé une marche à deux reprises pour réclamer plus de sécurité de leur part. Ainsi le 08 juillet dernier, un renfort de l’armée est arrivé à Barsalogho, et depuis les esprits s’apaisent. Le 13 juillet, sur l’initiative de Mgr Théophile Naré, nous avons effectué un déplacement à Barsalogho. Il a pu s’entretenir avec les responsables de la communauté chrétienne de la situation et les encourager. Il a profité de l’occasion pour saluer le chef du village, le maire de la commune et les forces de l’ordre en les assurant de sa communion de prière. En échangeant avec ses dernières, nous avons eu l’assurance de la sécurisation de nos célébrations tous les dimanches pour ce qui est de Barsalogho centre.

«Ce qui fait mal, c’est le silence des autorités»

Au moment où nous écrivons ces lignes, la situation s’est encore dégradée suite à l’attaque des villages de Bawêne, Zambila et Doffi le 21 juillet dernier qui a fait onze victimes ainsi que celle du village de Diblou le 25 juillet qui a fait plus d’une vingtaine de victimes, dont un catéchiste à la retraite qui se trouve aussi être le papa d’un promotionnaire du petit séminaire. Ce qui fait mal présentement, c’est le silence des autorités qui donnent l’impression de l’incapacité de l’Etat ou que les populations sont laissées seules à leur triste sort.

Actuellement avec le concours du CONASUR, il y a une distribution de vivres, mais cela n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. L’OCADES, qui est la Caritas diocésaine, s’active aussi à porter secours à ces déplacés avec le nécessaire pour vivre à travers différents projets annoncés. L’avenir de la zone de Barsalogho est sombre. Car les familles déplacées n’ont pas pu emporter grand-chose. En plus, elles ont laissé leur bétail ou l’ont vendu à vil prix pour pouvoir s’en aller, et ne disposent non plus de leurs terres pour cultiver durant la saison qui s’est déjà installée. Me concernant, la famille se porte très bien grâce à vos prières et à la générosité des bienfaiteurs. Je profite de ces lignes pour vous traduire toute ma reconnaissance ainsi que celle de la famille. Merci du fond de cœur à vous tous qui d’une manière ou d’une autre avez apporté votre soutien à nous et à toute la paroisse de Barsalogho. Dieu vous le rende au centuple ! Merci pour vos messages réconfortants et surtout pour votre communion de prière. Merci à mes paroissiens de l’été passé qui ont organisé des prières à notre intention. Tout en vous renouvelant ma demande de prier sans cesse pour les victimes et la paix dans notre pays, nous lançons un cri du cœur à toutes les personnes de bonne volonté de nous aider à soutenir ces gens qui sont dans le besoin.

Je vous quitte sur ces lignes tout en vous renouvelant mes amitiés et en espérant vous lire sous peu. Je vous salue tous de manière particulière et vous assure de ma communion de prière. Bon temps de repos à tous et au plaisir de vous lire très prochainement.

In Christo !

Abbé Roger Bamogo

Curé de Barsalogho

(1) La titraille est du journal

 

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