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Verdict procès putsch manqué : 10 à 30 ans ferme contre les fuyards

Il fallait attendre le jugement des fugitifs pour retenir du procès du putsch manqué de septembre 2015 que le général Gilbert Diendéré n’est pas l’accusé qui écope de la peine la plus lourde : en effet, au terme de l’audience du 3 septembre 2019, consacrée aux 8 accusés qui se sont soustrait à la procédure, le juge a prononcé à leur encontre une sentence allant de 10 à 30 ans de prison ferme. Un contrepied fait au parquet militaire qui, dans son réquisitoire, a préconisé les tarifs de 10 à 20 ans de réclusion. Ainsi, parmi les six accusés qui ont écopé de 30 ans de prison, figure l’épouse du cerveau présumé du putsch, Fatoumata Diendéré, et le colonel Mahamadi Déka.

 

 

Est-ce parce qu’il s’agit d’un jugement en l’absence des mis en cause ? La salle des Banquets de Ouaga 2000, transformée en prétoire, a paru plus grande que d’habitude ce 3 septembre 2019 : en plus du vide bien frappant dans le box des accusés, les rangées réservées à l’assistance, contrairement à la veille, ont été peu occupées, et seulement quelques avocats étaient présents. Tout au plus deux heures ont suffi au tribunal pour décider du sort des huit accusés concernés par ce jugement par défaut : Réné Emile Kaboré, Fatoumata Diendéré (épouse du général Diendéré), le colonel Mahamadi Déka, Timpoko Marguerite Kagambèga, Abdoul Karim André Traoré, Zakaria Songotowa, Issoufou Zoungrana et Téné Alima Bougouma. Ils sont poursuivis qui pour des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, qui pour ceux d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre, coups et blessures volontaires, ou pour l’infraction de dégradation volontaire aggravée de biens.

L’audience aussitôt déclarée reprise, le président de la Chambre de première instance, Seïdou Ouédraogo, a évoqué les dispositions qui les renvoient devant sa juridiction, citant l’arrêt de renvoi de la Chambre de contrôle de l’instruction. La parole a été donnée à la partie civile, mais celle-ci n’ayant pas eu d’observations à faire, le parquet a si tôt été invité à prendre ses réquisitions. En avant-propos, le ministère a souligné que l’audience de ce 3 septembre obéit à une logique, celle du « défaut » en matière criminelle et tire ses fondements de la loi sur la Chambre criminelle. Ainsi, a poursuivi le ministère public, le principe du jugement contradictoire n’est pas applicable. Avant de livrer ses réquisitions, le procureur militaire a rappelé le rôle joué par chacun des inculpés dans les évènements des 16 septembre et jours suivants.

Au sujet du colonel Déka, l’accusation a indiqué que, contrairement aux autres fugitifs, l’accusé a fait l’objet d’un interrogatoire au fond et a bénéficié d’une liberté provisoire au cours de laquelle il s’est soustrait à la juridiction. Et de poursuivre en ces termes : « Dans la relation des faits, nous avions expliqué que c’est cet officier qui a, sur instruction du général Diendéré, œuvré pour la coupure des émissions lors des évènements. C’est lui qui instruisait des hommes pour la localisation de la radio de la Résistance et l’interruption des émissions qui y étaient diffusées. C’est suivant les instructions de ce même officier que les locaux de la radio Laafi de Zorgho ont été saccagés. Et lorsque le matériel de la radio de la résistance a été enlevé, c’est chez lui que les machines ont été entreposées ».

 

Le parquet a requis 20 ans de prison contre Dame Diendéré

 

Concernant l’épouse du général Diendéré, Fatoumata Diendéré, son implication dans la tentative d’instaurer le CND ne souffre aucun doute selon le procureur. Ce dernier a argué que, dans des communications avec son époux au moment des faits, Dame Diendéré a suggéré l’instauration d’une rébellion dans la zone de Pô, une carte qui devait permettre la consolidation du pronunciamiento. Et quand les choses ont commencé à basculer, toujours selon le parquetier, l’épouse du présumé cerveau du putsch a suggéré à ce dernier de prendre la poudre d’escampette, au regard des peines qu’il encourrait.

Et pourquoi le fugitif Zakaria Songotowa est poursuivi pour des faits d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre et de coups et blessures volontaires ? C’est parce que, de l’avis du parquet, son nom est cité parmi les éléments du RSP ayant procédé à l’arrestation et à la séquestration des autorités de la Transition. Zougnoma Issoufou, lui, aurait fait partie des militaires qui ont effectué une descente musclée au domicile du défunt président de l’Assemblée nationale où des actes de violence ont été enregistrés. Prévenu pour les faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre et de coups et blessures volontaires, Abdoul Karim André Traoré est présenté par l’accusation comme ayant été la tête pensante de la rédaction des communiqués du CND. Quant aux accusés Réné Emile Kaboré, Marguerite Timpoko Kagambèga et Téné Alima Bougouma, leurs noms sont indissociables de l’aile politique du putsch, selon le ministère public. Ils auraient œuvré à la mobilisation de militants de l’ex-parti au pouvoir (le CDP) pour des manifestations au monument des héros nationaux.

Après ce rappel des faits, le parquet militaire a demandé « qu’il plaise au tribunal de déclarer les charges établies contre les accusés fuyards ». Et de requérir les peines de 10 à 20 ans d’emprisonnement contre les mis en cause : 20 ans de prison ferme contre les accusés Fatoumata Diendéré, Réné Emile Kaboré, Zakaria Songotowa, Abdoul Karim André Traoré, Téné Alima Bougouma, Mahamadi Déka et Marguerite Timpoko Kagambèga, 10 ans de réclusion contre Issoufou Zougnoma. L’article 136 du Code de justice militaire disposant que « nul défenseur ne peut se présenter pour le prévenu défaillant ou l’accusé contumax », les avocats de la défense, bien que présents, n’ont pas eu voix au chapitre avant que les juges et leurs assesseurs n’entrent en délibération, laquelle a nécessité une suspension de l’audience pendant trois quarts d’heure. Pas non plus des questions aux membres du tribunal.

Contrairement à ce qu’attendait le parquet, Seïdou Ouédraogo et ses assesseurs ont convenu de peines allant de 10 à 30 ans de prison ferme contre les huit fugitifs (lire encadré). Figure parmi ceux qui écopent de la peine la plus lourde l’épouse du présumé cerveau du putsch, Fatoumata Diendéré, reconnue coupable des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre, de coups et blessures volontaires et qui, à l’instar des sept autres condamnés, est toujours en exil. L’audience reprendra le 22 octobre prochain à 9 heures dans la salle des Banquets avec le jugement sur les intérêts civils.

 

Bernard Kaboré

 

ENCADRE :

Ce que le juge a décidé pour les huit fugitifs

 

- 30 ans de prison ferme :

Fatoumata Diendéré/Diallo ; Abdoul Karim André Traoré ; Réné Emile Kaboré ; Alima Bougouma/Kagoné ; colonel Mahamadi Déka ; Zakaria Songotowa

- 20 ans de prison ferme : Marguerite Timpoko Kagambèga

- 10 ans de prison ferme : Issoufou Zougnoma

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