Election présidentielle en Tunisie : La forte abstention, un indicateur des espoirs déçus
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C’est un dimanche électoral particulièrement calme qu’ont vécu les Tunisiens hier 15 septembre. 7 millions d’électeurs étaient appelés dans 13 mille bureaux de vote pour élire le successeur de Béji Caïd Essebsi. Un scrutin aux résultats indécis.
A la fermeture des bureaux de vote, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) indiquait que le taux de participation était d’environ 29 %, laissant poindre une abstention de plus de 70%. Pourquoi les électeurs tunisiens ont-ils autant boudé les urnes alors que cette élection présidentielle était la deuxième vraiment libre et ouverte de l’histoire du pays après celle de décembre 2014 ? Pour trois raisons principales, selon les analystes :
Primo : Malgré la pléthore de candidats à cette présidentielle, 24 au total, l’offre politique faite aux électeurs a été peu alléchante, surtout pour les jeunes de 18 à 25 ans, qui se sont pourtant inscrits nombreux sur les listes électorales. En effet, le discours des prétendants à la magistrature suprême a volé au ras des pâquerettes, oscillant entre populisme, nostalgie et promesses vaseuses de rupture avec la mal gouvernance et de relance de la croissance économique. De quoi ramollir les électeurs, qui n’ont pas perçu de différences entre les programmes des candidats.
Secundo : Beaucoup de Tunisiens sont blasés par la politique, surtout les plus jeunes, déçus de voir que les fruits de la Révolution de jasmin n’ont pas tenu la promesse de ses fleurs. De fait, les successeurs de Ben Ali, de Moncef Marzouki à Caïd Essebsi, se sont montrés incapables de résorber les problèmes du chômage, de la cherté de la vie et les criardes inégalités régionales dont souffre le pays depuis le début des années 2000 et qui ont conduit à l’insurrection populaire qui a mis fin au régime de Ben Ali.
Tertio : Aucun des candidats à cette présidentielle n’apparaît, aux yeux des électeurs, comme un réformateur audacieux à même de porter leurs espoirs de rupture avec la politique politicienne. Certes le candidat Nabil Karoui, un magnat des médias, passe pour un homme neuf dans le sérail politique tunisien, mais poursuivi pour blanchiment d’argent, il est incarcéré depuis le début du mois d’août et c’est son épouse qui aura battu campagne pour lui.
Pour quel résultat ? On attend de voir, non sans faire remarquer qu’avec le Premier ministre sortant, Youssef Chahed, le candidat d’Ennahdha, parti d’inspiration islamiste, Abdelfattah Mourou, et le candidat indépendant, le ministre de la Défense sortant, Abdelkarim Zbidi, il fait figure de favori. Sauf grande surprise, et cette présidentielle aux résultats des plus indécis peut en réserver, le duo de tête pour le second tour pourrait sortir de ce quarteron, le gros lot des candidats ayant été peu visibles durant la campagne électorale. On pense notamment à celui de Nidaa Tounès, le parti du défunt président Caïd Essebsi, fortement affaibli par les divisions internes, et au Rassemblement constitutionnel pour la démocratie (RCD) avec son candidat, Abir Moussi, qui revendiquent l’héritage de Ben Ali.
En tout cas, les candidats qui seront retenus pour le second tour, quels qu’ils soient, devront se montrer plus innovants dans leur discours politique s’ils veulent convaincre les Tunisiens qu’ils ont les idées, la méthode et le punch pour sortir leur pays des difficultés socio-économiques qui l’assaillent depuis une bonne quinzaine d’années.
Zéphirin Kpoda
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